Je commencerai mon intervention, en vous rappelant en quelques mots le contexte dans lequel nous avons mené nos travaux. Le rapport d'information que nous allons vous présenter s'inscrit dans le prolongement de la mission commune d'information sur les infractions sexuelles sur mineurs commises par des adultes dans le cadre de leur métier ou de leurs fonctions, que j'ai eu l'honneur de présider. La mission, qui a rendu ses conclusions le 29 mai 2019, avait estimé nécessaire d'approfondir la réflexion sur l'articulation entre secret professionnel et signalement des violences sur mineurs, faute notamment d'avoir entendu les représentants des professions concernées.
Nos commissions ont donc autorisé la constitution d'un groupe de travail qui s'est intéressé à trois catégories de professionnels : les professionnels de santé, les travailleurs sociaux et les ministres du culte. Nous avons procédé à une quinzaine d'auditions afin d'entendre des universitaires, les représentants des ordres professionnels, des syndicats et associations de médecins et de travailleurs sociaux, des directions d'administration centrale, ainsi que des représentants des cultes.
Avant d'examiner l'articulation entre procédures de signalement et secret professionnel, je crois utile de rappeler les contours du secret auxquels sont astreints ces professionnels.
Le secret trouve sa justification dans la nécessaire relation de confiance qui doit se nouer avec certains professionnels : on doit pouvoir communiquer à un médecin ou à un travailleur social des informations sur sa vie privée sans crainte qu'elles ne soient divulguées ; à défaut, il existe un risque évident que des informations soient dissimulées et que la qualité du travail réalisé s'en ressente. Au-delà des informations confiées, le secret professionnel concerne tous les faits et informations qui peuvent être compris ou constatés par le professionnel.
Il n'existe pas de liste énumérant les professions astreintes au secret. Comme le prévoit l'article 226-13 du code pénal, l'application du secret à un professionnel peut être rattachée directement à sa profession, lorsqu'une règle spécifique lui impose de le respecter, mais aussi à son état, à sa fonction ou à l'exercice d'une mission temporaire.
Les professionnels de santé sont tenus au secret en vertu de leurs codes de déontologie, qui sont repris dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Le secret médical, assimilé à un secret professionnel par la loi, figure dans le serment d'Hippocrate que je cite : « Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers. » Il est reconnu comme un secret absolu par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le code de déontologie des médecins précise que « le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».
En ce qui concerne les travailleurs sociaux, les règles entourant le secret sont variables, selon leur métier et le poste occupé, et parfois complexes à appréhender.
Si les assistantes sociales sont astreintes au secret à raison de leur profession, ce n'est pas le cas des éducateurs spécialisés qui y sont parfois soumis au titre de la fonction qu'ils exercent. Des dispositions législatives spécifiques soumettent au secret les professionnels exerçant certaines fonctions au contact des mineurs, en particulier lorsqu'ils participent aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance (ASE), du service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) ou du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger - le numéro d'appel 119. Une disposition d'ordre général du code de la santé publique prévoit enfin que toute personne prise en charge par un professionnel du secteur social ou médico-social ou par un établissement ou service social ou médico-social a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations le concernant.
Enfin, concernant les ministres du culte, la Cour de cassation admet depuis deux siècles qu'ils sont dépositaires d'un secret professionnel. La raison d'être de ce secret est de leur permettre de se prévaloir d'une véritable confidentialité afin que leurs fidèles s'expriment sans encourir le risque d'une divulgation. Cette reconnaissance du secret professionnel pour les ministres du culte a été formalisée par une circulaire du 11 août 2004.
Dans la religion catholique, une place particulière est réservée au secret de la confession. La jurisprudence inclut dans le périmètre du secret professionnel les informations recueillies pendant la confession, mais aussi plus largement celles communiquées aux ministres des cultes dans l'exercice de leur ministère.
Je précise qu'en droit canon le secret de la confession est un secret absolu qui ne souffre pas d'exception : dans le cadre sacramentel, le pénitent ne s'adresse pas au prêtre, mais directement à Dieu. Comme nous l'a expliqué le président de la Conférence des évêques de France, le prêtre ne doit donc pas considérer que la confidence lui est personnellement adressée ni conserver la mémoire de ce qu'il a entendu, ce qui lui interdit en toute circonstance de la révéler.