Intervention de Arnaud Leroy

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 février 2020 à 9h30
Audition de M. Arnaud Leroy président du conseil d'administration de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ademe

Arnaud Leroy, président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie :

Sur le numérique, nous travaillons. Nous avons par exemple réalisé des études sur l'explosion des usages et du nombre d'équipements par foyer, ou sur les ressources qui doivent être mobilisées pour fabriquer un téléphone de 350 grammes.

Mais ce sujet est très nouveau. La difficulté est que nous disposons de très peu d'informations - vous allez le constater dans le cadre des travaux de votre mission d'information. Nous avons financé notamment certaines études du Shift Project. Il nous faut désormais une injonction publique à examiner sérieusement cette question.

Cela peut vous intéresser, nous avons fait un sondage. Cette nouvelle génération qu'on nous annonce comme « super écolo » est aussi extrêmement connectée, elle voyage, elle commande en ligne. Elle participe donc à l'inflation numérique. Il va être difficile de revenir en arrière.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui travaille très bien, n'a pas démontré qu'il existait un lien entre la santé et l'éolien. L'Anses a aussi réalisé une étude très intéressante sur la 5G. Je réclame d'ailleurs une étude d'impact environnemental sérieuse sur le déploiement de la 5G. Ce déploiement coûtera des milliards, les opérateurs doivent démontrer l'opportunité de la 5G, dans un moment de bascule de la société. Après l'accord de Paris de 2015, il importe de mettre fin à la croyance qu'on peut toujours aller plus vite. Certes, la 5G permettra de partager davantage de données, mais je n'ai pas, pour ma part, eu la démonstration - à part d'un point de vue technologique stricto sensu, de son impact positif sur la société. Ce n'est pas à l'Ademe de le démontrer. Mais si cela peut être utile pour certains secteurs, est-ce valable pour l'ensemble des Français ? Je m'interroge sur cet emballement de la société, qui génère plus de transports, plus d'achats en ligne, plus de streaming via Netflix, qui représente déjà plus de la moitié des données alors que c'est un service relativement nouveau. Il importe de fixer des priorités. Il est plus utile de partager des données pour de la chirurgie à distance que pour visionner la septième saison de telle ou telle série.

Sur l'éolien, le vrai problème est la façon dont les appels à projets ont été construits, avec des appels d'offres creux. L'Ademe ne participe pas à l'établissement de la politique éolienne du pays. Elle participe à l'évaluation technologique des projets qui lui sont soumis quand ils comportent une partie « innovation ». Nous travaillons en particulier avec le secteur pour le faire évoluer, notamment en matière de recyclage. Nous travaillons également avec les collectivités qui souhaitent tester des modalités de financement. Il existe des sons de cloche différents en ce qui concerne l'éolien, mais lorsque les projets sont sérieux les résultats tiennent la route. Je vous encourage à participer aux journées portes ouvertes du syndicat des énergies renouvelables (SER).

Comment atteindrons-nous nos objectifs si l'on se passe totalement de l'éolien ? On a vu la difficulté de se déporter sur l'éolien offshore. Ce ne sera pas plus simple avec le solaire en raison du foncier agricole. Car nous sommes soumis à des injonctions contraires !

En ce qui concerne l'ANCT, la convention sera passée lors de notre conseil d'administration de mars. Nous avons travaillé en toute transparence avec les équipes du préfet Le Breton. Je ne ressens pas le besoin de prévoir une réorganisation. Je vous l'ai dit, nous nous mettons au service de l'ANCT, mais, dans le même temps, nous voulons qu'elle nous aide dans notre mission de transition énergétique, notamment à l'égard des collectivités. Nous l'avons souligné longuement : nous ne sommes pas une boîte d'ingénierie, nous ne pouvons pas fabriquer le projet à la place de la collectivité. En revanche, nous pouvons l'accompagner. On l'a fait à travers les territoires zéro déchet, zéro gaspillage. Je pense aussi aux contrats territoriaux pour le développement de la petite énergie renouvelable.

Le seul grand changement que je demande à mes équipes est de travailler sur un dispositif d'aide plus englobant. Il est essentiel d'avoir une enveloppe simple dans le portage administratif. Nous avons par ailleurs publié un guide des 20 meilleures recettes de l'Ademe, sur la base d'expériences très concrètes et ayant fonctionné. Ce document a fait l'objet de plus de 30 000 téléchargements, c'est dire son succès !

En ce qui concerne le moteur à air comprimé, nous avons été sollicités par l'État pour donner un avis, mais la technologie ne s'est pas déployée. Nous étions assez séduits par le moteur 2 litres à essence. Il importe de tempérer le discours sur le tout électrique, notamment pour la mobilité : l'électrique est intéressant pour certains usages, mais beaucoup moins pour d'autres. Nous sommes plutôt favorables aux mix. Cela nous renvoie aux questions du biogaz et de la méthanisation. Il existe selon nous un potentiel très intéressant dans le pays. Une étude théorique de mobilisation que nous avons réalisée démontre qu'il est possible d'imaginer un scénario 100 % gaz pour notre pays. Je me suis rendu en Nouvelle-Aquitaine la semaine dernière où le président Rousset a demandé à ses équipes de réfléchir pour mobiliser la ressource biogaz, notamment pour tout le réseau de transports en commun où 5 000 bus circulent au biogaz. Des discussions similaires existent avec la région Grand-Est et la région Pays de la Loire. Un fonds d'investissement mis conjointement en place avec la banque des territoires sera annoncé et signé dès demain matin, lors du colloque du SER.

Je finirai par le programme Sare. Je maintiens mes propos. Les financements n'étaient pas pérennes et nous avions des coups de boutoir. Je n'ai eu de cesse d'expliquer aux différentes fédérations que nous arrivions à la fin d'un système et qu'il importait de trouver d'autres moyens de financement. Par bonheur, nous avons le dispositif Sare. Les collectivités y trouveront un intérêt. On ne peut pas dire non plus que c'est le privé qui finance parce qu'il s'agit d'un programme CEE. En tout état de cause, le privé n'a pas de droit de regard ! L'Ademe, j'en suis certain, saura jouer son rôle de tiers de confiance.

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