Dès le 1er janvier 2021, la RE 2020 s'appliquera aux constructions neuves. Nous devons aussi poser la question de la rénovation, car en termes de bilan carbone, il semble préférable de privilégier la rénovation d'un bâtiment ancien, à haut niveau, à la construction d'un bâtiment neuf, même avec les meilleures technologies. En effet, on constate qu'au cours du cycle de vie d'un bâtiment, le bilan carbone est très mauvais au moment de la construction, avant de se stabiliser ensuite. Les acteurs du BTP commencent à partager cette analyse. Leur modèle économique est en phase de transition. L'enjeu est de former suffisamment de professionnels. Nous participons à l'élaboration des modules de formation. Comme les entreprises du BTP sont souvent des grands groupes, ils ont, en général, des programmes de formation en interne. Je pense que la branche professionnelle interviendra aussi pour financer la formation de la main-d'oeuvre. Je suis donc plutôt optimiste sur le déploiement. Le décret tertiaire qui avait été annoncé lors du Grenelle de l'environnement, il y a dix ans, vient d'être publié et visera l'efficacité énergétique des bâtiments existants. Là aussi se pose la problématique de la formation des artisans pour la rénovation.
Les mobilités ne font pas historiquement partie des compétences de l'Ademe, mais nous avons épaulé Mme Borne lors de la LOM. L'abandon de l'écotaxe a été une erreur. Nous aurions dû réfléchir aux modalités de son acceptabilité, mais son principe semblait pertinent. On discute avec beaucoup d'élus régionaux préoccupés par l'essor des camions de transit, mais on ne sait pas comment résoudre le problème, alors même que les autres modes de transport déclinent. Nous travaillons avec Voies navigables de France (VNF) pour développer un transport fluvial plus vert et avec la SNCF pour relancer le fret. La piste de la taxe « affréteurs » est intéressante, car elle pèserait sur les donneurs d'ordre et non sur les transporteurs. Le transporteur routier a des alternatives assez limitées pour changer de motorisation. On arrive à la fin de la logique de certains dispositifs fondés sur la taxation du gazole ou des transporteurs. De même, on arrive au terme de la logique de certains dispositifs, comme les certificats d'économie d'énergie, Fret 21, ou les stages d'écoconduite. Il convient de trouver le moyen de faire différemment et de responsabiliser les chargeurs et les affréteurs. La taxe « affréteurs » mériterait une étude approfondie, voire une expérimentation. Les émissions liées au transport routier continuent à augmenter. Nous devons agir sur ce secteur si nous voulons tenir nos engagements internationaux en matière climatique.
Je n'élude pas la question de l'énergie éolienne. Le cadre juridique des éoliennes a beaucoup évolué. Les zones de planification éoliennes ont disparu récemment. Il faut tenir compte de nombreux paramètres pour les installations, comme la proximité des habitations ou la fiscalité locale. Tous les maires n'acceptent pas leur implantation ; 90 % des éoliennes sont situées dans des terres agricoles et ne sont pas imposées. Faut-il revenir à une approche centralisée comme on a pu le faire avec les centrales nucléaires ? Peut-être, mais lorsque les centrales nucléaires ont été construites, notre cadre juridique était différent. Je ne sais pas si l'on pourrait réaliser les mêmes équipements aujourd'hui. Les recours en justice sont beaucoup plus nombreux. La question est celle de l'acceptation sociale des chantiers.
L'éolien suscite de nombreuses crispations. Je souhaiterais que le ministère de la culture aide au déploiement des énergies renouvelables. Les architectes des bâtiments de France s'opposent au déploiement de tuiles solaires, qui pourtant ressemblent beaucoup, en apparence, aux tuiles existantes. Je ne dis pas non plus qu'il faut installer des éoliennes à Chambord, mais je regrette qu'une politique publique portée par le Gouvernement soit remise en question à chaque niveau, lorsqu'il s'agit de la mettre en oeuvre. Comment faire pour tenir nos objectifs sur les énergies renouvelables, alors même que notre parc nucléaire est en fin de vie et qu'il semble difficile de relancer un nouveau programme ? Va-t-on demander aux Français de ne plus consommer d'électricité ? La programmation pluriannuelle de l'énergie est très électrifiée : développement de la voiture électrique, électrification dans les bâtiments neufs, etc. Il faudra bien produire cette énergie, ou l'importer, comme on le fait actuellement, mais l'électricité importée est très carbonée. Il ne s'agit pas d'un débat d'experts ; la question concerne tous les citoyens, ne serait-ce que parce que les projets sont financés par les impôts.
L'Ademe cherche à réduire les impacts environnementaux du solaire, tant pour la fabrication des panneaux, que pour leur installation, leur entretien ou leur recyclage. Nous commençons à développer une filière de recyclage des panneaux solaires. Nous avons aussi des programmes innovants pour les éoliennes, ou pour la mise en oeuvre d'une filière française de la méthanisation, afin de résoudre les problèmes de maintenance que nous rencontrons actuellement, car les matériels sont importés. Nous avons ainsi financé un technocentre sur la méthanisation près d'Arras. Nous assistons à une mutation de notre système de production énergétique, avec en perspective un modèle beaucoup plus décentralisé. Il n'est pas impossible que, dans le cadre de la loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, dite loi 3D, les régions demandent à pouvoir définir leur mix énergétique.
J'en viens à la climatisation. L'impact sur le climat des climatisations des voitures a été considérablement réduit, car on utilise des gaz qui ne produisent plus d'effet de serre. L'enjeu concerne les climatisations domestiques dans les maisons en raison de la consommation électrique nécessaire et du risque de constitution d'îlots de chaleur. Les remèdes sont l'isolation : une bonne isolation permet de maintenir la température intérieure à 6 degrés de moins qu'à l'extérieur. C'est ce que nous cherchons à promouvoir. Dans les outre-mer, nous travaillons avec les collectivités territoriales pour construire différemment, privilégier la ventilation naturelle, ce qui améliore aussi la qualité de l'air interne. Dans les endroits à proximité des cours d'eau, nous avons émis des recommandations sur les angles et le placement des bâtiments pour qu'ils puissent bénéficier, au mieux, des courants d'air naturels, comme le faisaient nos aïeux... En revanche, si nous voulons réussir la transition écologique à l'horizon de 2050, nous devrons faire des efforts considérables. Des arbitrages seront nécessaires qui auront des effets sur notre confort. Il faudra sans doute renoncer à la climatisation à 17 degrés ! En Suisse, il n'est déjà plus possible d'installer une climatisation à domicile sans une autorisation spéciale.
La qualité de l'air est un autre sujet important pour l'Ademe. Nous aidons le Gouvernement à épurer le contentieux communautaire en essayant de trouver des solutions avec les collectivités territoriales, à travers, par exemple, la constitution de zones à faibles émissions (ZFE), même si cela soulève des débats sur les difficultés d'accès des automobilistes aux périmètres ainsi définis. Des aides ont été prévues pour faciliter le renouvellement de la flotte de véhicules des artisans ou développer l'utilisation des véhicules électriques ou au gaz naturel liquéfié.
La présence des microplastiques dans l'air est un problème identifié. Les indicateurs de qualité de l'air viennent d'évoluer pour prendre en compte des particules de tailles encore plus fines. En ce qui concerne la qualité de l'air intérieur, nous incitons à mieux utiliser la ventilation naturelle. Nous travaillons beaucoup avec les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) locales ou avec les collectivités territoriales. Sur les microplastiques, nous sommes davantage saisis à propos de leur présence dans l'eau. Il s'agit aussi d'un enjeu d'économie circulaire et de recyclage. On cherche à identifier les plastiques concernés pour pouvoir, éventuellement, les interdire.
Vous m'avez interrogé aussi sur le caractère opérationnel des PCAET. On constate souvent que les plans sont réalisés pour répondre aux exigences du législateur, mais, souvent, ils ne sont pas mis en oeuvre, et parfois d'ailleurs, ils ne sont pas faits pour être mis en oeuvre, car ils contiennent beaucoup d'analyses et peu de mesures concrètes. Vous avez raison de pointer le manque d'articulation entre les dispositifs : des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) sont élaborés sans lien avec les PCAET.
Nous avons créé le label Cit'ergie qui vise à inciter les collectivités territoriales à renforcer leur ambition en matière de climat, air et énergie, à travers une démarche d'amélioration continue et une meilleure coordination des services, avec des évaluations tous les trois ans. Les collectivités territoriales sont très satisfaites. Nous finançons un chargé de mission pendant un an qui aide les services à fonctionner différemment et à revoir leur organisation. Nous avons aussi développé les contrats d'objectifs et de performance sur les thématiques déchets et énergie. On accompagne les collectivités pendant trois ans, en finançant parfois des investissements ou un chargé de mission, mais l'idée n'est pas que nous subventionnions du fonctionnement. On en revient aux débats sur le pacte de Cahors, car les dépenses que j'évoque sont des dépenses d'animation, qui sont très difficiles à classer en comptabilité publique. Le Gouvernement nous a reproché de financer des postes d'équivalents temps plein chargés de l'animation. Mais cette animation est essentielle si l'on veut obtenir des résultats. Le maire de Dunkerque dit clairement que la nomenclature de la comptabilité publique mériterait d'être revue à l'aune des exigences de la transition écologique. Le cadre actuel est trop rigide. On ne peut opposer investissement et animation, les deux vont de pair. L'animation consiste à faire murir un projet et à le finaliser. L'investissement vient ensuite. De nombreux élus étaient prêts à prendre le relais de l'Ademe, mais ils ne savaient pas comment classer, dans leurs effectifs, les chargés de mission de la plateforme. La transition écologique nécessitera des bras autant que d'investissement.
Les contrats de transition écologique sont un très bon dispositif, car ils sont dotés de financement et portés par les collectivités territoriales. Ils ne sont donc pas perçus comme des dispositifs décidés depuis la capitale. Nous avons accompagné les contrats de transition écologique (CTE) dès le départ. Ils permettent de donner chair à une approche locale, de s'inscrire dans un récit local. Une centaine de CTE a été conclue. J'espère que les régions rejoindront le dispositif. La contractualisation et la responsabilisation mutuelles sur la base d'objectifs constituent une bonne manière d'avancer. Les contrats de plan État-Région contiennent une grande liste de projets, mais ne permettent pas de construire des récits locaux, ce qui peut nuire à l'acceptabilité des projets.