Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 janvier 2020 à 9h30

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, rapporteur :

Grâce à son siège permanent au Conseil de sécurité, la France occupe une place importante à l'ONU. Son statut lui confère légitimité, responsabilité et capacité d'action. Sa légitimité est renforcée par l'étendue et l'universalité de son réseau diplomatique, sa capacité militaire et d'intervention ainsi que son rayonnement à travers la francophonie. En outre, après le Brexit, elle deviendra le seul pays membre de l'Union européenne au sein du P5.

En termes de moyens, notre pays est le sixième contributeur pour les contributions obligatoires et le neuvième si l'on intègre les contributions volontaires, sur lesquelles je reviendrai. La présence française dans le système onusien demeure importante : les Français sont la deuxième nationalité au sein du personnel du Secrétariat général, après les Américains, et le français est l'une des six langues officielles de l'ONU.

La France se distingue aussi par sa capacité à lancer des initiatives et à prendre la défense du système onusien, ce qui, au demeurant, va dans le sens de ses intérêts. Elle est, selon les termes employés par notre représentant permanent, « la meilleure amie de l'ONU ». La conception française des relations internationales, fondée sur la régulation par le droit, est, en effet, parfaitement en phase avec le multilatéralisme.

Lors de la semaine de haut niveau inaugurant les travaux de la session 2019 de l'Assemblée générale, elle a ainsi lancé, de concert avec l'Allemagne, une initiative baptisée « Alliance pour le multilatéralisme », qui vise à mobiliser les pays défendant le multilatéralisme et à susciter la diffusion d'un discours positif à ce sujet, pour contrer ceux qui cherchent à le décrédibiliser.

Dans le même esprit, elle a également lancé des initiatives dans des domaines particuliers. Ainsi, son Appel à l'action humanitaire vise à encourager les États à adhérer, à ratifier ou à appliquer les conventions existantes dans le domaine humanitaire. Quant à son Initiative en faveur de la gouvernance numérique, lancée lors du Forum de Paris sur la paix en novembre 2018, elle vise à souligner la nécessité d'une régulation internationale dans ce domaine, d'un point de vue économique comme pour la protection des droits des citoyens.

Enfin, la France imprime sa marque en se mobilisant pour faire avancer certains grands sujets internationaux comme la lutte contre le changement climatique, la promotion de l'égalité entre les sexes ou encore la santé.

Sur le climat, elle s'attache à promouvoir la mise en oeuvre de l'accord de Paris, qu'elle a porté, et s'est particulièrement impliquée dans le Sommet des Nations unies sur le climat, le 23 septembre dernier, lequel a permis le renforcement des engagements dans ce domaine. Elle est aussi très mobilisée sur le dossier relatif à la défense de la biodiversité, ainsi qu'en faveur en faveur du droit des femmes et de l'égalité entre les sexes.

Si la France jouit d'une influence considérable dans le système onusien, deux bémols doivent cependant être apportés.

Le premier est sa difficulté à faire entendre sa voix dans les questions de désarmement, en premier lieu en matière de désarmement nucléaire, alors même qu'elle soutient pleinement le troisième pilier du traité de non-prolifération (TNP), consacré à cette thématique, et qu'elle fait largement sa part du chemin en la matière, en raison de son statut de puissance nucléaire. La préservation du TNP, dont un réexamen est prévu en mai 2020, représente un enjeu important pour la France comme pour les autres États dotés, car ce traité consacre leur statut, à l'inverse du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Son réexamen s'inscrit toutefois dans un contexte difficile, marqué par la progression du TIAN et le blocage des négociations à la conférence du désarmement.

De la même manière, le positionnement de notre pays en faveur de la maîtrise des armements conventionnels est compliqué par le fait qu'il est un État exportateur. Comme on le sait, la France est de plus en plus mise en cause par les ONG qui l'accusent d'avoir enfreint le traité sur le commerce des armes par ses exportations vers les pays arabes engagés au Yémen ou vers d'autres États, comme l'Égypte.

Le second bémol est la faiblesse de nos contributions volontaires, qui contraste avec le rôle influent que nous entendons jouer. Ces contributions représentent quatre cinquièmes du budget global du système onusien. Des années durant, la France les a réduites en donnant la priorité au financement de fonds hors ONU, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Notre pays se situe aujourd'hui entre le quinzième et le vingtième rang, loin derrière les autres contributeurs européens. Notre effort est en train d'être réévalué, mais il reste encore du chemin à parcourir pour nous mettre au niveau.

La France cherche actuellement à mobiliser à l'ONU ses partenaires sur la situation au Sahel. Nous nous trouvions à New York quand nous avons appris le terrible accident d'hélicoptères au Mali, qui a coûté la vie à treize de nos militaires et la plupart des délégations a rendu hommage à cette occasion au courage des soldats français et à notre pays. Avec les 5 000 hommes de l'opération Barkhane, représentant un tiers des effectifs de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la France est en première ligne dans cette zone où la sécurité se dégrade et où le terrorisme progresse et a besoin du soutien de la communauté internationale en faveur de la force conjointe du G5 Sahel, dont nous souhaitons la montée en puissance.

Enfin, je voudrais conclure en évoquant le fait que nous avons été conviés au consulat général de France à New York à un véritable dîner anti-Trump. Je ne suis pas trumpiste, mais j'ai trouvé cette méthode discutable.

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