Intervention de Marie-Françoise Perol-Dumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 janvier 2020 à 9h30
Aide publique au développement à madagascar — Examen du rapport d'information

Photo de Marie-Françoise Perol-DumontMarie-Françoise Perol-Dumont, rapporteure :

Ce déplacement a été une belle occasion d'apprécier le mode de travail que vous avez institué, avec des équipes transpartisanes. Nous avons des sensibilités politiques différentes et passons trop souvent les uns à côté des autres. Grâce à des missions comme celle-ci, nous apprenons à nous apprécier. Le Sénat a fait entendre sa différence et a montré sa capacité de travail.

Madagascar constitue un bon exemple de la difficulté à aider un pays structurellement instable. Madagascar a en effet été moins aidée que d'autres pays d'Afrique subsaharienne, et cette aide a connu de fortes fluctuations. En outre, la capacité à mobiliser l'aide des pouvoirs publics malgaches est toujours restée faible. Traditionnellement, ce sont donc les bailleurs multilatéraux, plus habitués à ce type de situations, qui ont effectué les interventions les plus importantes dans le pays.

Mon collègue Jean-Pierre Vial l'a dit, l'aide à Madagascar se heurte à des structures politiques et sociales extrêmement inégalitaires, qui constituent clairement un obstacle au développement. Je crois que nous avons tous été frappés et même profondément affectés par la pauvreté extrême des habitants des bas quartiers de la capitale, qui vivent au milieu des immondices, en particulier de très nombreux jeunes enfants, avec les conséquences que cela implique en termes de mortalité infantile. Madagascar m'a semblé être un concentré de toutes les misères : celles que l'on retrouve en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Il faut saluer le travail de l'AFD qui tente de fournir une aide bénéficiant directement à cette population déshéritée, comme nous avons pu l'observer à travers un projet de rénovation des ruelles, sachant que plus de 70 % de la population vit dans des quartiers sans voirie ni équipements. Ce projet, directement porté par le ministre de l'aménagement du territoire qui nous a accompagnés sur place, malgré son caractère trivial, est très important : il vise à améliorer des voies piétonnes où les Malgaches circulent quotidiennement, en prévoyant un pavage, des escaliers, des bornes-fontaines, des blocs sanitaires, des lavoirs, etc. L'AFD considère que près de 1 million de personnes seront impactées par ce projet.

La situation est moins critique dans les campagnes, mais la pauvreté y est plus cachée et la malnutrition est très fréquente. L'ONG Action contre la faim a ainsi pu qualifier Madagascar de « paradis de la sous-alimentation chronique ». Les conséquences sont terribles avec des retards définitifs de développement chez de très nombreux enfants. Les habitants souffrent également des maladies tropicales comme le paludisme ou la bilharziose, dont le parasite est présent dans toutes les eaux de baignade. Enfin, le changement climatique est déjà très sensible, avec une aridité de plus en plus forte dans le sud de l'île.

Dans ce contexte, la sécurisation du foncier au profit des populations rurales est essentielle pour éviter les spoliations et les conflits d'usage, intensifier la production et ainsi permettre aux paysans d'atteindre l'équilibre économique. C'est ce qui fait tout l'intérêt d'un autre projet soutenu par l'AFD qui nous a été présenté, visant à doter 75 communes rurales d'outils pour délivrer des certificats fonciers et gérer la fiscalité foncière. La valeur ajoutée d'un tel projet est aussi, comme nous avons pu le constater, de permettre un renforcement de l'institution communale, à travers le service rendu aux populations en échange du paiement de l'impôt. Plus largement, nous pouvons nous féliciter que l'AFD consacre au total 48 millions d'euros d'engagement dans le secteur de l'agriculture à Madagascar, soit le deuxième poste d'intervention après les infrastructures et le développement urbains.

Là encore, toutefois, ne soyons pas trop optimistes : il y a des décennies, une réforme soutenue par les bailleurs avait déjà permis de redistribuer la terre aux paysans et avait amélioré leur productivité, mais la propriété était vite retournée aux notables lors d'une des nombreuses crises politiques qui se sont succédé dans le pays. Comme cela a déjà été souligné, aucun progrès durable n'est donc possible sans une profonde transformation de la société malgache, que les bailleurs ne peuvent pas prétendre impulser à eux seuls.

Dernier point que je souhaitais souligner, sur lequel nous sommes, je crois, tous les trois en accord, c'est l'importance particulière de la coopération décentralisée à Madagascar. Il existe en effet 41 coopérations décentralisées recensées dans le pays, dont 4 bénéficient d'un financement de l'AFD dans le cadre de la facilité de financement des collectivités territoriales françaises (FICOL).

Nous avons ainsi pu nous rendre sur des lieux de mise en oeuvre de projets soutenus par la région Nouvelle Aquitaine en partenariat avec la région Itasy à l'ouest d'Antananarivo, notamment un projet de formation agricole et rurale destiné à renforcer la professionnalisation de l'agriculture dans cette région. Nous avons été émerveillés par l'énergie de ces jeunes. La Nouvelle Aquitaine soutient également des projets de développement agricole et d'agroforesterie mis en oeuvre par l'ONG Agrisud International, ainsi que le développement de la pisciculture et de la riziculture. Aspect important, elle oeuvre aussi en faveur d'un renforcement des capacités de la région Itasy afin de mettre en place un plan de développement économique et de renforcer la fiscalité.

La coopération décentralisée occupe ainsi une place importante dans le dispositif de l'aide au développement française à Madagascar, à tel point que l'ambassade de France a organisé début 2018 des assises de la coopération décentralisée. L'ambassade joue ainsi un rôle d'animation en faisant se rencontrer les différents acteurs, ce qui permet d'accroître l'impact de cette coopération décentralisée, qui vise à plus de 75 % le secteur de l'agriculture, où les besoins sont immenses et où les collectivités et les ONG sur lesquelles elles s'appuient ont une réelle valeur ajoutée par rapport aux grands bailleurs ou agences de développement nationales ou multilatérales. Il s'agit là d'une coopération très féconde, au plus près du terrain, qui doit continuer à être soutenue par le Gouvernement français et l'AFD.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion