Intervention de Jacques Le Nay

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 janvier 2020 à 9h30
Aide publique au développement à madagascar — Examen du rapport d'information

Photo de Jacques Le NayJacques Le Nay, rapporteur :

Madagascar est un pays qui regorge de ressources naturelles, qu'elles soient naturelles, comme les forêts et leur biodiversité reconnue mondialement, minérales, ou encore halieutiques.

Comme l'ont rappelé mes collègues, cela n'empêche pas la population de l'île de connaître une très grande pauvreté. Il y a d'abord indéniablement un problème chronique de mauvaise gouvernance, qui fait que les Malgaches bénéficient très peu des retombées liées à leurs ressources naturelles. Ainsi que l'a souligné un chercheur récemment, « pris entre des acteurs étrangers avides de ressources et des oligarchies avides de pouvoir et de biens de prestige, l'immense majorité des Malgaches se trouve dans une situation vulnérable économiquement ». On peut citer le bois de rose, encore récemment pillé au profit d'une mafia locale elle-même reliée, de l'avis de nos interlocuteurs, au marché chinois, ou encore le pillage des ressources halieutiques par des flottes étrangères, qui en général ne disposent pas de permis de pêche.

En outre, les ressources fiscales de l'État malgache sont parmi les plus faibles du monde. En 2018, le ratio impôts/PIB était de seulement 11,9 %. Pour mémoire, ce taux est de 34,2 % en moyenne dans les pays de l'OCDE et de 17 % en moyenne en Afrique. Ce très faible taux est significatif de la faiblesse de l'État malgache lui-même. Tout ceci donne une idée de la profondeur des changements à impulser. Les bailleurs internationaux y travaillent, mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous.

Dans ce contexte, les projets de dynamisation de l'économie malgache soutenus par l'AFD que nous avons pu observer sont naturellement utiles, mais ils ne suffiront pas à eux seuls à lancer le développement économique nécessaire pour sortir les Malgaches de la pauvreté.

Ainsi, l'AFD fournit un appui au secteur financier, développe des programmes de garanties pour le financement des petites entreprises, ou encore finance de grands projets tels que l'extension des aéroports d'Antananarivo et de Nosy Be, qui bénéficient d'un prêt de 35 millions de dollars de l'agence.

Autre exemple, l'AFD soutient à Antananarivo un projet de formation professionnelle afin de développer les capacités et des filières de formation du BTP dans le cadre d'un partenariat public-privé avec les organisations professionnelles du secteur et les opérateurs économiques.

Il s'agit ainsi d'offrir une alternative crédible à l'économie informelle dans ce secteur et d'offrir des débouchés à davantage de jeunes. Là encore, il faudra évaluer l'impact à long terme pour savoir si ce projet a eu un véritable effet d'entrainement sur l'économie.

Par ailleurs, à côté de cette action multiforme de l'AFD, il faut également souligner l'action importante de l'ambassade de France, qui joue non seulement un rôle de coordination, comme ma collègue l'a souligné à propos de la coopération décentralisée, mais qui est aussi une force de proposition autonome en matière d'aide au développement. La revitalisation des Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI), directement gérés par le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade, se traduit en effet à Madagascar par la mise en oeuvre de cinq projets, en matière d'éducation, de francophonie et d'écoles normales supérieures. Dans ce cadre, deux experts techniques sont en place auprès de l'éducation nationale malgache pour la mise en place des programmes scolaires. Le renforcement des FSPI, qui, je le rappelle, ont reçu 36 millions d'euros supplémentaires dans la loi de finance pour 2020, permet ainsi de maintenir une offre de projets de développement de taille modeste, mais à fort effet de levier pour l'influence française.

Pour conclure, malgré toutes les difficultés déjà signalées, certains éléments dans la situation actuelle incitent à l'optimisme, du moins en ce qui concerne la bonne appropriation de l'aide internationale et en particulier française. Ainsi, les ministres que nous avons pu rencontrer avaient une connaissance précise et détaillée des projets des bailleurs, ce qui est loin d'être le cas dans tous les pays bénéficiaires. Dans la plupart des cas, ces projets de coopération s'appuient d'ailleurs, dans les différents secteurs concernés, sur des plans de développement gouvernementaux qui, selon nos interlocuteurs, sont bien conçus.

En tout état de cause, il convient plus que jamais d'évaluer le plus de projets de développement possible afin de pouvoir tirer les leçons des échecs du passé. L'AFD a indiqué que l'objectif actuel de l'agence était d'évaluer la moitié de ses projets à Madagascar. Les responsables de l'agence sont convaincus que ces évaluations sont certes coûteuses en temps et en moyens, mais indispensables.

Plus largement, nous avons été frappés de constater qu'il n'existe pas de données solides sur l'histoire de l'aide au développement française à Madagascar, ce qui constituerait pourtant une mise en perspective très précieuse pour ne pas reproduire des errements ayant eu lieu vingt ou trente ans auparavant. L'AFD semble toutefois consciente de cet enjeu et s'efforce progressivement d'acquérir cette profondeur historique indispensable.

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