Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du 5 février 2020 à 15h00
Sécurité sanitaire — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nombreux sont les exemples, récents ou plus anciens, illustrant l’importance de l’enjeu soulevé par la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire.

Ainsi avons-nous appris en début de semaine qu’une infection par pneumocoque touchait des salariés d’un chantier naval de Marseille, entraînant la mise en place de mesures sanitaires, notamment vaccinales.

Citons aussi l’épidémie liée au coronavirus 2019-nCov, identifié en janvier dernier en Chine et, depuis, arrivé en France. Une question demeure : si une réelle épidémie se développait dans notre pays, serions-nous en mesure d’y faire face, et comment ?

D’autre part, lors de l’épisode épidémique de bronchiolite hivernale, plusieurs enfants ont dû être transférés à des centaines de kilomètres de leur lieu d’habitation, faute de lits – reflet du manque de moyens hospitaliers.

Je veux évoquer également l’épidémie de rougeole qui sévit dans notre pays depuis la fin de 2017, soulignant l’insuffisance de la disponibilité et de la couverture vaccinales. Il est nécessaire de suivre de près la disponibilité des stocks de vaccins, de détecter les éventuelles pénuries et de les signaler rapidement.

À l’évidence, la nette amélioration de la surveillance, de la prévention et de la vaccination a permis de diminuer les risques, voire d’éradiquer certaines maladies infectieuses. Reste que les défis sont multiples pour faire face aux nombreux dangers qui persistent et aux nouveaux qui se profilent. D’autant que la mondialisation des échanges, le changement climatique et l’urbanisation favorisent l’émergence et la propagation rapides de nouveaux risques pour les populations.

Parmi ceux-ci, citons les maladies infectieuses vectorielles comme la dengue, le chikungunya et le virus Zika, toutes pathologies que les territoires d’outre-mer ne connaissent malheureusement que trop bien et dont le moustique tigre est le principal vecteur. En raison du réchauffement climatique, l’aire de propagation de ce moustique s’étend d’année en année, au point qu’une grande partie de la France métropolitaine est désormais touchée : en 2004, le moustique tigre était présent dans un seul département métropolitain ; en 2018, on comptait cinquante et un départements concernés… Cette évolution est d’autant plus inquiétante que, d’après l’Organisation mondiale de la santé, la dengue pourrait devenir d’ici à 2050 le plus grand fléau de l’humanité. C’est dire si la veille et l’alerte sont essentielles.

Que dire des pathologies potentielles liées aux expositions sanitaires environnementales de notre monde moderne ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) nous alerte toutes les semaines sur de nouveaux risques pour notre santé : les conséquences des fréquences d’ondes électromagnétiques de la 5G, des nitrates dans la charcuterie, des produits chimiques contenus, par exemple, dans les protections féminines, entre autres exemples. Là aussi, la veille sanitaire est prioritaire, de même que le suivi de cohorte et l’évaluation des expositions.

Souvenons-nous de l’amiante et du temps si long écoulé entre les fortes suspicions épidémiologiques et la décision d’éviction de ce cancérogène puissant. Ce cas d’école doit nous rappeler à quel point temps sanitaire et temps des décisions, y compris administratives, doivent mieux converger.

Même si nous avons progressé, nous sommes encore loin du compte pour une veille sanitaire efficace débusquant les nouveaux risques. On voit bien que la communauté internationale prend la mesure de l’ampleur de l’alerte sanitaire vis-à-vis des populations.

En France, ces sujets nous invitent à revisiter notre organisation, de l’échelle nationale aux échelles régionale, départementale et locale. Cette organisation doit couvrir tous les champs, du signalement à l’alerte, de la prévention à la mise en œuvre de plans actifs ad hoc.

Tous les éléments de la chaîne de décision méritent d’être évalués, certains d’être améliorés, d’autres repensés, qu’il s’agisse de risques classiques, nouveaux ou émergents : plans blancs et rouges, processus de mobilisation de la chaîne administrative et sanitaire, campagnes de vaccination, traitements préventifs, prise en charge médicale, mesures d’isolement et d’éviction, identification et protection contre des facteurs de risques, vectoriels ou non, diffusion de conduites à tenir simples et compréhensibles pour les citoyens, signalement des cas, recensement dans des registres, réseaux de veille, entre autres. Tous ces sujets sont liés et doivent être traités ensemble, car ils concourent au même objectif.

La présente proposition de loi, si elle n’aborde pas tous les sujets qui mériteraient de l’être dans un texte législatif idoine, traite de plusieurs questions d’une manière qui contribuera à améliorer notre arsenal en matière de sécurité sanitaire et, partant, la protection des populations.

Elle favorise la prévention des maladies vectorielles par les moustiques et la lutte contre l’ambroisie, clarifie les compétences des acteurs, de l’État aux collectivités territoriales, de Santé publique France aux ARS, précise les modalités de distribution des comprimés d’iode et instaure pour l’éviction des personnes un cadre qui protège notamment les données personnelles recueillies lors des enquêtes contacts.

Le texte étoffe l’arsenal des mesures mobilisables en cas de risque ou de crise sanitaire. En particulier, il institue des zones de lutte contre les moustiques en vue d’une éradication, sur des propriétés publiques comme privées. Il renforce le rôle primordial du maire en matière de prévention et pour limiter le risque de propagation. En l’espèce, je considère que les conseils départementaux, à l’instar des anciennes directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ont un rôle majeur de coordinateurs et facilitateurs, qu’il convient de conforter.

En outre, la proposition de loi favorise la transmission des informations en faisant remonter à l’agence régionale de santé et à Santé publique France les cas de maladies nécessitant une intervention urgente ou une surveillance particulière pour la santé de la population.

J’y insiste encore : la veille sanitaire est une des clés d’une bonne prévention !

En ce qui concerne la prise en charge des personnes contacts ou infectées, le texte établit un cadre qui méritait d’être clarifié. Le principe posé est le prononcé de mesures d’éviction : les personnes contacts devront limiter leur présence dans les lieux regroupant du public et relèveront d’un maintien à domicile. L’exception prévue vise à pallier le refus d’une personne contact de se conformer à la mesure d’éviction alors qu’elle présenterait un risque grave pour la santé de la population. Dans ce cas, l’isolement contraint pourra être prononcé par le préfet, pour une durée que la commission a précisée et limitée, ce dont je me félicite.

Enfin, la proposition de loi facilite la distribution de pastilles d’iode. De fait, une récente étude a souligné qu’une moitié seulement des personnes vivant autour d’une centrale nucléaire s’était rendue dans une pharmacie pour se procurer de telles pastilles. Le dispositif mis en place tend à en faciliter la distribution en permettant la livraison à domicile.

Par les compétences qu’elle donne et clarifie, par les mesures prophylactiques et réactives qu’elle prévoit, cette proposition de loi paraît bienvenue eu égard aux risques grandissants auxquels fait face notre population. Bien sûr, elle traite une partie seulement du vaste sujet de la sécurité sanitaire ; mais elle instaure des outils plus clairs et juridiquement mieux encadrés. Reste qu’elle ne nous exonère pas d’une relecture complète de notre système face à l’accélération des événements d’alerte et à l’accroissement de risques nouveaux, différents et aux contours souvent difficiles à définir.

Malgré ces remarques, et pour les raisons que j’ai exposées, le groupe Union Centriste votera la proposition de loi dans le texte adopté par la commission des affaires sociales.

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