Intervention de Michelle Gréaume

Réunion du 5 février 2020 à 15h00
Sécurité sanitaire — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Michelle GréaumeMichelle Gréaume :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la sécurité sanitaire intervient alors que le nouveau coronavirus constitue une menace d’épidémie mondiale. Cette crise nous rappelle à quel point la prévention et la protection de la population face aux épidémies sont un enjeu de taille pour notre pays.

Dans l’exposé des motifs, l’auteur du texte fait le constat de l’insuffisance des moyens d’action nécessaires dont l’État dispose lorsqu’il s’agit de faire face à des maladies infectieuses émergentes de type Ebola sur notre territoire.

Dans un premier temps – dans le chapitre Ier de la proposition de loi –, la responsabilité de l’État pour élaborer et mettre en place une politique de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles et contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine est réaffirmée.

Ce rappel est essentiel. Nous y souscrivons, raison pour laquelle nous estimons qu’il n’est pas possible de débattre aujourd’hui de ce sujet hors contexte, c’est-à-dire en faisant abstraction des dernières lois relatives à la santé, qui ont réduit de façon drastique les moyens humains et financiers des hôpitaux, des services d’urgence et de santé en général.

Ainsi, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019 poursuit la politique d’austérité budgétaire et la fermeture des établissements de santé. Pourtant, l’hôpital est un service public de premier plan en matière de santé publique. Si le coronavirus atteignait le stade épidémique en France, comment gérerait-on une crise de cette ampleur, alors que les services d’urgence sont à bout de souffle et que les lits sont déjà en nombre très insuffisant ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 s’inscrit dans le même schéma : elle est loin d’être à la hauteur des besoins financiers et humains du monde de la santé.

De même, la loi de finances pour 2020 marque la diminution des crédits alloués à la mission « Santé », sans compter le transfert du financement des opérateurs de santé publique vers l’assurance maladie. La réalité est que l’État se désengage du pilotage financier en matière de prévention et de protection de la santé de la population.

Comment analyser autrement le refus opposé par le Gouvernement et sa majorité parlementaire, à l’Assemblée nationale, à un amendement au PLF pour 2020 qui visait à accorder des crédits supplémentaires pour la recherche sur la maladie de Lyme ? Soit dit en passant, le même gouvernement et la même majorité accordent allègrement des milliards d’euros en crédit d’impôt recherche aux industries pharmaceutiques – Sanofi a touché plus de 1 milliard d’euros en dix ans…

Ces rappels ne sont ni inutiles ni hors sujet. Ils pointent du doigt l’une des interrogations principales soulevées par ce texte : l’insuffisance des moyens humains et financiers mis en œuvre par l’État pour assurer la prévention, la protection et la prise en charge de la population face à une crise sanitaire. Nous savons tous, d’expérience, que, dans ces conditions, la tentation est grande de se défausser de ses responsabilités pour les faire assumer par d’autres : les collectivités territoriales.

La proposition de loi, dans sa version première, n’échappait pas à ce travers. Elle porte comme ambition de rationaliser, pour en améliorer l’efficacité, l’intervention des différents acteurs publics. Nous approuvons l’objectif, mais rationaliser ne veut pas dire transférer.

Certaines modifications apportées par la commission sont, par conséquent, bienvenues.

Ainsi en est-il de la suppression de l’article 3, qui transférait une partie des compétences des ARS vers les communes et les maires en matière d’intervention sur les lieux de présence potentielle d’espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine, sans transfert de crédits ni de moyens correspondants.

Nous approuvons également la modification apportée à l’article 2, qui faisait de la lutte contre les moustiques, en tant que nuisance, une nouvelle compétence obligatoire des départements – là encore, sans moyens correspondants.

C’est dans le même état d’esprit que nous nous opposons à ce que le coût des interventions des agents sanitaires pour éradiquer des espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine soit à la charge des occupants des lieux quand leur responsabilité n’est pas en cause. Il s’agit d’une question essentielle et évidente de santé publique.

En conclusion, vous comprendrez, mes chers collègues, que, bien que préoccupés par la nécessité d’une meilleure prévention et d’une plus grande protection de la santé de la population, nous ne pouvons que nous interroger sur l’effectivité d’une proposition de loi ne répondant pas à la question cruciale du financement de cette mission par l’État, d’autant qu’une proposition de résolution créant une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles a été déposée le 25 septembre et adoptée le 12 décembre 2019 à l’Assemblée nationale.

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