Avec le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), prévu par la loi, les établissements doivent développer des outils de pilotage et de gestion prospective pluriannuelle de leurs ressources humaines, financières et immobilières, ainsi que de leurs dépenses, en fonction des priorités fixées par leur contrat d'établissement. Les équipes dirigeantes et les services centraux s'appuieront ainsi sur des données comptables sincères et régulièrement réactualisées, grâce à des tableaux de bord pluriannuels et à une comptabilité analytique dégageant la vérité des coûts. Mais, à l'heure actuelle, moins d'une dizaine d'universités françaises ont mis en place une comptabilité analytique.
Le législateur avait pourtant conféré aux universités une maîtrise significative des subventions versées par l'État, au titre de la fongibilité asymétrique, dans le cadre d'un budget global dont le périmètre a été élargi pour recouvrir l'ensemble des dépenses de personnel. Mais, faute d'une d'évaluation du coût réel des transferts de charges et d'outils de gestion prospective, les universités ne sont pas en mesure de cerner leurs marges de manoeuvre budgétaires.
Préalablement au passage à l'autonomie, l'État n'a pas défini de référentiel de gestion commun à l'ensemble des universités. Aucun outil de suivi n'a été mis en place afin d'accompagner les établissements dans la gestion d'une masse salariale qui représente parfois jusqu'à 80 % du total des moyens récurrents attribués. Dans ces conditions, l'Agence de mutualisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur (AMUE) et les universités ont navigué à vue dans l'élaboration d'outils de gestion partagés. Finalement, nombre d'universités ont développé en interne leurs propres instruments de gestion, bien souvent en faisant appel à des prestataires extérieurs, ce qui complique l'harmonisation des échanges de données au niveau national.
La subvention versée par l'État destinée au renforcement des capacités de pilotage des universités accédant à l'autonomie, soit 250 000 euros, n'a pas été suffisante. Si des efforts ont été consentis par l'État dans la création d'emplois de catégorie A+, les établissements déplorent l'absence d'un vivier de compétences d'encadrement administratif de haut niveau et directement opérationnelles.
Le dialogue de gestion des universités avec leurs composantes - unités de formation et de recherche (UFR), laboratoires, instituts, etc. - est devenu incontournable avec la disparition de moyens directement fléchés sur les unités d'enseignement et de recherche. Or, dans certaines composantes, prévaut toujours une logique de moyens et non de projets, en raison soit d'un passage aux RCE encore récent, soit de résistances culturelles et de logiques facultaires persistantes.
Les comptes des universités font désormais l'objet d'une certification annuelle par un commissaire aux comptes, les contraignant à s'aligner sur les règles de la comptabilité publique. La plupart des universités sont désormais dotées d'un contrôleur de gestion.
Les universités considèrent le transfert de la gestion des personnels comme le défi le plus redoutable du passage à l'autonomie, car l'anticipation de l'évolution de la masse salariale reste difficile. Des progrès limités ont été accomplis dans l'élaboration d'outils de gestion pluriannuelle des emplois et des compétences. Le recours à une cartographie des emplois et à un schéma pluriannuel de recrutements est loin d'être systématique. La mise à jour régulière par chaque université d'enquêtes sur les effectifs est pourtant indispensable pour permettre la comparaison entre entités fonctionnelles.
Dans la limite d'un double plafonnement, la loi LRU a ouvert aux présidents d'université des marges de manoeuvre nouvelles en matière de recrutement. Si certains ont recruté des personnels administratifs supplémentaires afin de renforcer leurs services de pilotage, d'autres ont su recycler des postes et développer des compétences internes.
En outre, le nombre de contractuels dans l'enseignement supérieur, y compris chez les enseignants, a explosé pour atteindre désormais 30 %. Le recours significatif aux « post-doc » par les directeurs de recherche en tant que techniciens de laboratoire haut de gamme laisse craindre une précarisation croissante de ces emplois qualifiés, l'évolution de carrière de ces jeunes n'étant absolument pas prise en considération, pas plus que celle des enseignants du secondaire.
La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs a également été modifiée avec le recours obligatoire à des comités de sélection, dont la moitié au moins des membres doivent être extérieurs à l'établissement. Malgré quelques difficultés dans leur mise en place, les délais de recrutement ont été significativement réduits. De même, le phénomène du localisme ou de l'endo-recrutement, semble avoir diminué. Quant à la possibilité pour un président d'université de s'opposer à la nomination d'un enseignant-chercheur retenu par un comité de sélection, elle n'a concerné, de 2007 à 2011, que 47 cas, soit 0,25 % des postes publiés.
Les vices de conception du modèle SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité) d'allocation des moyens récurrents de l'État et l'arrêt rapide de son utilisation n'ont pas aidé les établissements à accéder à l'autonomie financière. Outre les insuffisances de la « critérisation », les universités regrettent la non-application du modèle qui leur aurait permis, à tout le moins, de construire des budgets sur la base d'hypothèses réalistes et de renforcer leur capacité de pilotage. Les établissements sous-dotés ou ceux qui se pensaient vertueux sont amers.
La diversification des sources de financement, objectif pourtant majeur de la loi LRU, a été extrêmement limitée. Les fondations, au nombre d'une cinquantaine, ont permis de lever des fonds d'une ampleur très modeste. Toutes les universités ne sont pas armées de la même manière pour attirer des partenaires puissants dans la création de fondations : l'université de Strasbourg, dotée de fortes structures de recherche, a su séduire les partenaires industriels, quand les universités de Picardie et d'Angers rencontrent des difficultés. Les inégalités liées à l'environnement économique, l'absence de méthodologie ou une recherche de fonds insuffisamment ciblée constituent autant de facteurs explicatifs.
Les recettes issues de la formation continue dispensée par les universités sont restées à des niveaux décevants. Il s'agit d'une mission nouvelle insuffisamment contractualisée avec l'État et les régions, pour laquelle les enseignants-chercheurs éprouvent encore peu d'appétence.
Seulement trois universités volontaires ont été sélectionnées pour expérimenter la dévolution de la gestion de leur patrimoine. Mais le processus a été suspendu, les établissements peinant à définir une politique patrimoniale et à renforcer leurs services de pilotage, tandis que l'État se trouvait dans l'incapacité d'assurer la remise à niveau des bâtiments dont il entendait confier la gestion aux universités.