Mon propos introductif reprendra ce que nous avons déjà évoqué il y a quelques jours à l'occasion de la rentrée universitaire. Je vais donc tâcher de mettre en perspective ce budget au regard des nombreux défis qui sont devant nous.
La rentrée 2015-2016 représente pour notre système d'enseignement supérieur et de recherche, un moment charnière à plus d'un titre. D'une part, comme nous l'avons évoqué en octobre, le nombre d'étudiants dépasse pour la première fois la barre des 2,5 millions. D'autre part, les réformes mises en oeuvre par la loi de 2013 portée par Mme Geneviève Fioraso et à l'origine de la création des Communautés d'universités et d'établissements (COMUE) sont désormais pleinement opérationnelles. Moment charnière également pour la recherche, à un moment où celle-ci est plus que jamais un élément déterminant du rayonnement d'un pays comme en témoigne l'élaboration d'une stratégie nationale se déclinant en dix priorités et qui devrait permettre à la France de tenir son rang dans le monde en ce domaine.
Dans ce contexte, notre budget doit nous permettre de relever plusieurs défis. Le premier est d'ordre quantitatif et concerne la réponse à apporter à l'augmentation de la démographie étudiante en termes d'enseignants, de locaux et d'accueil. Le second défi, aussi important que le précédent, est qualitatif. Il faut que notre système soit en mesure d'accueillir les étudiants qui souhaitent poursuivre des études supérieures et assurer la réussite de chacun : c'est ce que j'appelle la « démocratisation exigeante » de notre enseignement supérieur. La France obtient d'ailleurs de bons résultats dans le domaine de l'enseignement supérieur. L'OCDE a établi que 80 % des jeunes Français qui accèdent à l'enseignement supérieur en ressortent avec un diplôme ; c'est dix points de mieux que la moyenne des pays de l'OCDE ! Mais avec l'élévation du nombre des étudiants, la disparité des situations est grandissante et le traitement personnalisé des étudiants est une nécessité avivée par la massification des effectifs.
Cette rentrée exige également de repenser l'entrée dans l'enseignement supérieur par une refonte des processus d'orientation, par une vraie politique reliant l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur et le développement de parcours de réussite pour les jeunes. Certes, certains progrès ont été enregistrés dans ce domaine. Mais au-delà des effectifs, il importe de moderniser l'enseignement supérieur, en améliorant la lisibilité de l'offre de formation sans en affaiblir ni la diversité, ni la richesse. Ce travail s'accompagne de la mise en oeuvre de la spécialisation progressive en licence pour mieux accompagner l'élaboration des projets professionnels. Il nous faut également réformer certains parcours dont l'organisation doit être adaptée à l'augmentation du nombre des étudiants, comme les études de santé pour lesquelles dix universités expérimentent cette année de nouvelles modalités d'accès en deuxième année. Cette démarche devrait permettre de diversifier davantage les publics souhaitant accéder aux métiers médicaux.
Le troisième défi est celui de la poursuite de la démocratisation de l'enseignement supérieur. Notre effort en matière d'aide aux étudiants se poursuit. Depuis 2012, près de 500 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés en faveur des bourses sur critères sociaux permettant notamment à 132 000 étudiants issus des classes moyennes de bénéficier pour la première fois d'une aide. La rentrée 2015 conforte cette politique qui sera accompagnée de nouvelles mesures visant à préserver le pouvoir d'achat des étudiants. Ainsi, les droits d'inscription n'augmentent pas. Par ailleurs, conformément à la loi du 10 août 2014, le montant minimal horaire de la gratification des stages de plus de deux mois passe de 3,30 euros à 3,60 euros, soit environ 45 euros supplémentaires par mois. Plus de 350 000 étudiants en stage dans les universités en bénéficieront. En outre, la nouvelle prime d'activité, qui sera effective à compter du 1er janvier prochain et qui vise à compléter le revenu des travailleurs qui ont des emplois faiblement rémunérés, sera accessible aux étudiants qui travaillent et dont les revenus dépassent 0,78 SMIC - soit environ 900 euros nets mensuels - au cours des trois derniers mois, soit environ 100 000 étudiants salariés.
Enfin, l'effort de construction de 40 000 nouveaux logements sociaux destinés aux étudiants d'ici fin 2017 sera poursuivi. À la fin de 2015, plus de 20 000 nouveaux logements auront été construits. Pour les étudiants logés dans le parc locatif privé, la généralisation depuis la rentrée 2014 de la Caution locative étudiante (Clé) permet d'aider les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. En cette rentrée, près de 6 000 demandes de Clé ont d'ores et déjà été validées, contre quelque 3 000 en 2014.
En outre, à la suite de la concertation nationale dont les conclusions nous ont été remises le 6 juillet dernier, un plan national de vie étudiante destiné à simplifier les démarches et à renforcer l'accès aux droits, à améliorer la santé et les conditions de vie, et à dynamiser la vie de campus et l'engagement des étudiants, a été présenté en octobre dernier.
Plus la démocratisation est importante, plus l'université doit retrouver sa place dans la société. C'est pourquoi, elle doit être au coeur de nos préoccupations et de notre projet de société. Elle doit accueillir des étudiants à l'issue de leurs études secondaires, mais aussi proposer de nouvelles filières de formation destinées à d'autres publics. De telles ambitions se traduisent, une fois l'amendement gouvernemental adopté par le Sénat dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, par 165 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2015 pour le programme 150 consacré aux dotations des établissements et aux formations universitaires. Cette hausse très significative, devrait permettre d'accompagner la croissance des effectifs, notamment avec la création de 1 000 emplois en année pleine qui sont indispensables pour honorer la priorité donnée à l'accueil et la réussite des primo-entrants dans l'enseignement supérieur.
Ces efforts s'inscrivent dans la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, remise au Président de la République et qui vous a été présentée en octobre. Ces dotations sur le long terme, plus encore que les dotations de l'État aux universités, doivent s'accompagner d'une réflexion sur le modèle économique de nos universités.
La seconde partie du budget concerne la recherche. Les chiffres sont stables. La France demeure une très grande puissance scientifique mondiale. Elle se situe au 6ème rang scientifique mondial avec 3,5 % des publications scientifiques du monde et au 4e rang, si l'on se réfère au 10 % des publications les plus citées. La France se situe au 5e rang des pays de l'OCDE pour l'effort de recherche avec 2,23 % du PIB consacré à la dépense de R&D en 2013, soit près de 47 milliards d'euros dont 16,6 milliards d'euros pour la recherche publique. Ce soutien public à la recherche est l'un des plus importants au monde et on ne le dit pas assez ! La France se situe dans ce domaine au niveau des États-Unis et de l'Allemagne, et devant des pays comme le Japon et le Royaume-Uni. Le budget 2016 de l'enseignement supérieur et de la recherche traduit cette volonté de répondre aux défis du présent et d'anticiper ceux de demain : les crédits de la recherche sont préservés. 7,71 milliards d'euros sont dédiés à la recherche, en augmentation de 6 millions d'euros. Les moyens de fonctionnement des opérateurs s'établissent, à périmètre constant, à 5,82 milliards d'euros, soit une stricte stabilisation par rapport à 2015. Ce budget permettra de garantir l'emploi scientifique et d'assurer le remplacement, dans la proportion de un pour un susceptible d'ailleurs d'évoluer avantageusement, au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de l'ensemble des départs à la retraite à la fois des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens. Plus de 2 600 nouveaux chercheurs ont été recrutés dans la sphère publique depuis 2012.
Les moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) restent stables par rapport à 2015, avec 555 millions d'euros. Il s'agit, de mon point de vue, d'un montant-plancher et je me réjouis que nous ayons réussi à le préserver. Les crédits destinés à la couverture des engagements internationaux de la France progressent de 7 millions d'euros pour tenir compte notamment de la nouvelle programmation de l'Agence spatiale européenne liée au lancement du programme Ariane 6.
Cette sanctuarisation budgétaire s'inscrit dans la stratégie nationale de recherche (SNR), élaborée à l'été 2015. Celle-ci se fixe le double objectif de maintenir la place de notre pays parmi les premières puissances de recherche mondiale et de permettre à la recherche française de répondre à une dizaine d'enjeux scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux reconnus prioritaires pour notre pays dans les années qui viennent.
Cette stratégie nationale de la recherche fera d'ailleurs l'objet d'une présentation officielle le 16 décembre prochain. Elle concernera l'ensemble des financements des programmes de recherche, parmi lesquels ceux assurés par les lois de finances, les 10 milliards d'euros représentés par le prochain programme d'investissement d'avenir annoncé par le Président de la République et les crédits d'intervention de l'agence nationale de la recherche.
Ce budget participe donc à la stratégie nationale pour la recherche. C'est d'ailleurs la première fois qu'un budget est adossé à une vision stratégique pour les dix années à venir, que ce soit dans les domaines de l'enseignement supérieur ou de la recherche. Les efforts budgétaires de court terme que contient notre programme doivent ainsi être appréhendés à moyen et long terme.