Chargée de plaidoyer au Comité catholique contre la faim et pour le développement, (CCFD)-Terre solidaire, coordinatrice de la Plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires. - L'année dernière, nous vous avions présenté des chiffres sur la concentration des filiales des entreprises multinationales dans les paradis fiscaux. Ce rapport, publié en 2010 par le CCFD-Terres solidaires, traitait des 50 premières entreprises multinationales européennes. Il démontrait qu'une filiale sur cinq était présente dans les territoires opaques, c'est-à-dire une moyenne de 100 filiales pour chaque entreprise. La concentration était par ailleurs supérieure pour le secteur bancaire, puisqu'un quart des filiales des institutions financières européennes étaient localisées dans les paradis fiscaux.
Nous avons réédité l'exercice en mai-juin 2012 et avons publié un rapport en juillet 2012 : à notre grande surprise, non seulement cette concentration n'avait pas diminué, mais le nombre absolu de filiales dans certains territoires avait même un peu augmenté, malgré les déclarations de la Fédération française bancaire et des dirigeants des principales banques françaises qui avaient pris l'engagement dès 2009 de se retirer des paradis fiscaux. La législation française avait d'ailleurs été un peu durcie sur la base de la liste des paradis fiscaux établis par la France, par des surtaxes sur certaines activités en provenance et en direction de ces territoires. En juillet 2012, nous avions ainsi montré que pour BNP Paribas, 360 filiales sur 1 409 étaient situées dans les territoires opaques, dont 61 au Luxembourg, 22 aux Iles Caïmans, 7 aux Bermudes, 2 à Chypre, 8 à Singapour, 10 en Suisse. Pour le Crédit Agricole, le nombre était de 104 filiales sur 5258, pour la Société Générale, 49 sur 276 filiales. La concentration des banques sur ces territoires est donc forte.
Nous ne sommes pas les seuls à avoir procédé à ce type d'enquête. En effet, le Conseil des prélèvements obligatoires a également rédigé un rapport publié en janvier 2013 sur la fiscalité des entreprises dues secteurs financiers. Deux chercheurs du CEPII ont notamment mis à jour des informations sur les filiales jusqu'au 10e rang (filiales de filiales). La concentration y apparaît encore plus forte que ce que l'on pouvait observer à partir des documents publics, puisqu'elle atteint 330 % de filiales de plus au Luxembourg, 300 % en Irlande et à Singapour, 240 % en plus à Hong Kong, 460 % de plus en Suisse. Les enquêteurs montrent en outre que la taxation des banques françaises a été divisée par trois en presque 20 ans, et que le taux d'imposition implicite moyen dans le secteur bancaire français est bien plus faible que dans les autres pays. Ainsi pour les grandes banques commerciales françaises, le taux s'élève à 8 % d'imposition en moyenne entre 2002 et 2009 alors qu'il se situait à 37 % entre 1988 et 1994. A l'étranger, le taux effectif pour les établissements financiers allemands entre 2002 et 2009 s'élevait à 50 %, à plus de 30 % pour les Américains et les Anglais et à 25 % pour les Danois et les Italiens.