Vous avez souhaité m'entendre au sujet de la fraude fiscale et du rôle d'un certain nombre d'opérateurs économiques -banques, acteurs financiers- dans l'évasion des ressources financières, et ses conséquences budgétaires et économiques.
Je ciblerai mon propos sur le rôle des banques, objet de votre commission -même si les quatre-vingt-huit questions que vous nous avez adressées balayent largement le sujet.
Les banques sont le plus souvent le lieu où se nouent et se dénouent des montages ou des transactions qui sont parfois aidés par le secret bancaire, et l'absence -ou l'insuffisance- de régulation de certains pays.
Dans de très nombreux cas, ces montages s'introduisent dans le circuit économique officiel par l'intermédiaire d'acteurs financiers. Ils n'en ont toutefois pas le monopole, certains acteurs juridiques jouant également un rôle très important, mais il est rare qu'une transaction n'aboutisse pas, à un certain moment, chez un acteur financier.
Par construction, le secteur financier est très directement concerné par les sujets dont vous vous préoccupez. Fort heureusement, il enregistre et facilite également des transactions honorables, mais peut être, de façon volontaire ou involontaire, le réceptacle d'opérations d'évasion fiscale, de blanchiment de capitaux. Il peut aussi se livrer à du démarchage illicite : l'actualité nous en a donné quelques exemples retentissants. Vous êtes donc au coeur d'un sujet majeur pour nous.
On m'interroge souvent sur le volume de la fraude fiscale annuelle ; je réponds, sous forme de plaisanterie, que je le dirai le jour où l'on m'autorisera à envoyer à chaque Français un formulaire lui demandant de préciser le montant de la fraude à laquelle il s'est livré dans l'année.
Chacun sait que la fraude fiscale est très difficile à évaluer. De très nombreuses études circulent, mais les institutions les plus sérieuses -notamment les deux assemblées, la Cour des comptes- ont estimé qu'il s'agissait d'ordres de grandeur extrêmement discutables.
Nous avons, en 2012, notifié 18 milliards d'euros de droits et de pénalités. Sur ce montant, environ 6 milliards d'euros ont été redressés en base. Il faut diviser cette somme par trois, s'agissant d'impôts sur les sociétés. Ces montants concernent des phénomènes internationaux : prix de transfert, localisations en France d'activités non déclarées ou sous-déclarées -comme certains moteurs de recherche que je ne citerai pas- mise en oeuvre de dispositifs anti-abus dont est dotée l'administration...
Il en est résulté plus de 1,8 milliard d'euros de droits. Cela illustre l'importance de ce que nous appréhendons sur ces sujets internationaux, où l'on constate une évolution des schémas et des fraudes absolument stupéfiante. Est-ce beaucoup ou très peu ? Je ne saurais répondre... Je constate que cette part va croissant, la dématérialisation des flux et la globalisation facilitant extraordinairement les choses.
En second lieu, à titre personnel, je trouve très bien de sévir contre les contribuables qui se sont laissés aller à ce genre de dérive, mais je pense que l'on devrait également s'attaquer à ceux qui les encouragent, aux monteurs, aux instigateurs. Il existe un délit d'incitation à la haine raciale, pas à la fraude fiscale ! On peut toujours, par différentes astuces de procédure, utiliser des contextes englobants, recourir à la notion de bande organisée, pour reprendre une expression à la mode, mais nous n'avons pas, dans notre droit, de vecteurs capable d'inquiéter davantage ceux qui démarchent des contribuables pour leur vendre des schémas de fraude fiscale particulièrement lourds.