Intervention de Pascal Canfin

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 23 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Pascal Canfin ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement

Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député :

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je souhaite vous présenter mon action en tant que Ministre du Développement, depuis 14 mois. La lutte contre l'évasion fiscale est un sujet majeur pour les pays en voie de développement aussi, et peut-être même en premier lieu. Les premières victimes de l'évasion fiscale sont justement les pays du Sud. Les chiffres sont connus. Au niveau mondial, les flux financiers qui sortent des pays du Sud représentent 10 fois l'aide publique au développement et, pour l'Afrique, selon un rapport de Kofi Annan, la sortie illicite de capitaux représente deux fois l'aide au développement. Les enjeux sont massifs. Ma mission concerne à la fois l'aide publique au développement et le fait de permettre les conditions du développement, grâce notamment à la maîtrise des flux financiers et à la collecte des impôts qui permettent ensuite aux Etats de mener des politiques publiques et de fonctionner sans recourir nécessairement à l'aide publique au développement.

Nous avons pris certaines initiatives, depuis 14 mois, en commençant par soutenir l'initiative britannique prise dans le cadre du G8, pour renforcer la transparence des circuits financiers, notamment dans les industries extractives, mais aussi celle des intermédiaires financiers et des trusts. Ceci figure aussi dans la loi bancaire française et dans la loi en cours d'adoption sur la fraude fiscale. Toutes les entreprises extractives ayant leur siège dans l'Union européenne devront publier, à compter de l'année prochaine, leurs comptes pays par pays et projet par projet. Ceci instaure une première transparence sur les flux financiers entre les entreprises et les Etats, ces secteurs représentant une part importante des flux financiers qui manquent dans les pays.

Une seconde étape devra être franchie pour mettre de la transparence sur les contrats et sur la comptabilité. Pour qu'il y ait bénéfice, il faut que celui-ci soit établi et que la valorisation des actifs soit rendue publique et qu'il en aille de même pour les termes du contrat. Pour les flux financiers, la transparence devra devenir la norme, ce qui prendra encore quelques mois, même si d'importants progrès ont été constatés depuis douze mois aux Etats-Unis, au Canada et en Union européenne. Cette transparence concernera les contrats et la valorisation des actifs. A défaut, l'exploitation de ressources peut ne générer, officiellement, aucun flux lorsque les actifs ne sont pas valorisés à leur juste valeur. L'initiative sur la transparence dans les industries extractives (EITI) a, comme prochaine étape, la transparence sur les contrats. Certains pays ont mis en place la transparence sur les contrats ; nous le ferons au Burkina-Faso. Ce socle permettra ensuite de lutter contre les flux financiers illicites qui passent par des territoires non coopératifs et par des circuits proposés par des institutions financières. D'où l'importance de la transparence des intermédiaires. Nous avons avancé dans la loi bancaire française et dans la loi bancaire européenne. La transparence pour les banques ayant leur siège dans l'Union européenne, s'imposera progressivement à partir de 2014 et 2015.

La France porte un plaidoyer très fort sur la lutte contre les paradis fiscaux mais l'Agence française de développement n'était pas à la pointe de la définition de ce qu'est une juridiction non coopérative. J'ai souhaité que l'Agence française de développement se dote d'une liste, additionnant la liste française et la liste du forum mondial de l'OCDE, utilisée aussi par la banque européenne d'investissement, pour définir les juridictions non coopératives. Concrètement, dans les pays de cette liste, l'AFD, opérateur public français, peut continuer à opérer sur des projets de l'économie réelle mais ne peut plus utiliser ces pays comme des centres financiers offshore pour financer des projets dans d'autres économies. Nous avons donc relevé les standards.

En complément, je pourrai revenir sur le cadre de stabilité financière. Il s'agit aussi de travailler sur les dispositifs anti-corruption et anti-blanchiment. Nous avons donc amélioré ces dispositifs en mars dernier sur les paradis fiscaux et sommes maintenant parmi les plus efficaces, transparents et ambitieux au monde sur ces sujets.

Nous apportons également notre soutien à des initiatives multilatérales (G8 et G20) et, avec la Norvège, à une initiative « inspecteurs des impôts sans frontières » portée par l'OCDE, avec une étude de faisabilité cofinancée par la France et la Norvège. Cette initiative vise à aider les pays du Sud à renforcer leur lutte contre l'évasion fiscale leurs ressources humaines, savoir-faire et expertises, en utilisant des inspecteurs des impôts actifs ou à la retraite des pays du Nord. Cette initiative apporte une valeur ajoutée car elle portera sur des cas précis d'évasion fiscale supposée, de montage financier opaque, avec de l'expertise acquise par les Inspecteurs du Nord, au service des administrations du Sud.

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