Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 janvier 2020 à 13h35
Institutions européennes — Réunion plénière de la lxiie conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires cosac du 1er au 3 décembre à helsinki - communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Mes chers collègues, la trêve des confiseurs et l'agenda du début d'année ne nous ont pas encore laissé le temps d'évoquer la réunion de la LXIIe COSAC qui s'est tenue à Helsinki les 2 et 3 décembre derniers. J'y participai avec mes collègues Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère. Cette réunion devait dresser le bilan de la présidence finlandaise du Conseil de l'Union européenne. Le Premier ministre Antti Rinne est intervenu pour en rappeler les quatre priorités : valeurs communes et État de droit, climat, compétitivité et inclusion sociale et sécurité. Il prône une démarche intégrée pour l'industrialisation et la numérisation de l'Union européenne, ce qui prend tout son sens dans le débat actuel autour de la 5G, dont la feuille de route a été particulièrement bien détaillée par notre commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. Celle-ci semble plutôt équilibrée, car elle prend en compte les remarques de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et propose d'ajouter quelques clefs de sécurité.

J'ai apprécié l'insistance de M. Antti Rinne sur la nécessité d'assurer, sur les marchés mondiaux, une égalité des conditions de concurrence, afin de ne pas disqualifier les producteurs européens. Il a conclu en évoquant la nouvelle boîte de négociation chiffrée que la présidence finlandaise venait de présenter sur le cadre financier pluriannuel, en vue du Conseil européen de décembre. Nous savons, depuis, que cette proposition n'a pas prospéré, les divergences entre États membres restant nombreuses et profondes. Nous devrions connaître, le 20 février prochain, à combien les États membres acceptent de porter le budget européen en part du revenu national brut (RNB).

Quelques heures après cette intervention devant la COSAC, le Premier ministre finlandais démissionnait. Nous l'avons appris en temps réel de notre Ambassadeur à Helsinki. Cette situation assombrit le bilan de la présidence finlandaise qui n'aura finalement pas pu venir à bout de deux grands chantiers : amener l'ensemble des États membres à se rallier à l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 et trouver une voie de compromis sur le cadre financier pluriannuel.

Deux sessions prévues au programme portaient sur les droits fondamentaux dans l'Union européenne et la stratégie climat ; les deux autres donnaient la parole à Maro efèoviè, vice-président de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles, et à Michel Barnier, chef de la task force pour les relations avec le Royaume-Uni. Une discussion s'est ajoutée au programme, au sujet de la Conférence sur l'avenir de l'Europe que venait d'annoncer la Présidente de la Commission, permettant aux participants de rappeler que les parlementaires nationaux sont les meilleurs représentants de la société civile. À ce titre, mes collègues présidents des commissions des affaires européennes des autres Parlements nationaux et moi-même venons d'adresser un courrier au président du Parlement européen, à la Commission européenne et au président du Conseil des Affaires générales pour demander que le nombre de parlementaires nationaux participant à cette Conférence sur l'avenir de l'Europe soit au moins égal à celui des membres du Parlement européen. Trois commissaires européens ont la responsabilité du bon déroulement de cette conférence : le commissaire slovaque, M. Maro efèoviè ; la commissaire tchèque chargée des valeurs et de la transparence, Mme Vìra Jourová ; et la commissaire croate chargée de la démocratie et de la démographie, Mme Dubravka uica.

La session sur les droits fondamentaux a été l'occasion de mettre en avant l'action de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette agence a été créée en 2007, lorsque la Charte européenne des droits fondamentaux est devenue directement invocable par les citoyens européens, en vertu du traité de Lisbonne. Le directeur de l'agence, Michael O'Flaherty, a présenté son action. L'Agence des droits fondamentaux ne prend aucune décision réglementaire ni ne traite aucune plainte individuelle, mais elle collecte des données, donne des avis et favorise le dialogue avec la société civile pour un partage de bonnes pratiques. Elle promeut également la formation à la Charte européenne des droits fondamentaux et la réalisation de recherches sur ce sujet.

Le commissaire Maro efèoviè a ensuite présenté les priorités de la nouvelle Commission : climat, inclusion, numérique et protection du mode de vie européen. Il a invité les Parlements nationaux à lui faire connaître les obstacles bureaucratiques ou législatifs que leur pays pourrait rencontrer du fait de l'Union européenne. Il a également indiqué que l'action de l'Union européenne devait se fonder sur le concept de « subsidiarité active », ce qui doit l'amener à prendre des initiatives dans les domaines où son action est la plus efficace.

La session consacrée au climat a permis d'évoquer le projet de mécanisme d'ajustement carbone. Le professeur Markku Ollikainen, président du comité finlandais sur le changement climatique, a souligné le défi technique que représente la détermination du contenu en carbone des biens importés, socle d'un tel mécanisme. Il a indiqué que ce système renchérirait le prix des biens importés - ce qui exercera une pression sur les pays fournisseurs pour qu'ils produisent des biens plus propres - mais aussi le prix des consommations intermédiaires pour certaines industries. La parole a ensuite été donnée à M. Pekka Timonen, maire de Lahti, ville finlandaise de 120.000 habitants, consacrée capitale verte européenne pour 2021. La neutralité carbone devrait être atteinte dès 2025 dans cette ville qui a réduit ses émissions en abandonnant le charbon et en se chauffant grâce aux énergies renouvelables et à l'énergie tirée du recyclage de ses déchets. La ville de Lahti s'est aussi engagée dans la protection de l'eau, car le lac qu'elle borde était le plus pollué de Finlande dans les années 1980. Le maire a vanté cette success story et fait valoir que le verdissement de Lahti grâce à l'économie circulaire avait permis la création de nouveaux emplois. Certains parlementaires ont salué l'efficacité de ce type d'actions menées à l'échelle locale, tout en se demandant comment convaincre les populations de s'y engager.

Enfin, Michel Barnier a fait un point de situation sur les discussions entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Nous étions encore dans une période d'incertitude aiguë puisque les élections britanniques n'avaient pas encore eu lieu. Michel Barnier s'est employé à présenter l'accord de retrait conclu avec le Royaume-Uni pour faire valoir qu'il respectait nos choix fondamentaux et servait quatre objectifs principaux :

1. La priorité donnée aux citoyens. L'accord assure que les droits des 4,5 millions d'Européens au Royaume-Uni, ou Britanniques en Europe, sont protégés à long terme. Cette question fait encore l'objet de beaucoup d'inquiétudes et d'incertitudes de la part de ressortissants britanniques en France ou d'européens en Grande-Bretagne.

2. L'Irlande. La paix y est préservée grâce à l'absence de rétablissement d'une frontière dure. L'Écosse, le Pays de Galles et l'Ulster étaient d'ailleurs opposés à l'accord qui a été conclu entre le Royaume-Uni et l'Union européenne en novembre 2019. Afin de conserver une économie unique dans l'île tout en protégeant le marché unique européen et en satisfaisant l'exigence britannique d'autonomie douanière, les biens entrant dans l'île devront tous respecter les normes européennes mais se verront appliquer des droits de douanes distincts selon leur destination finale. Les droits européens seront appliqués pour les produits destinés à l'Irlande et les droits britanniques pour les produits qui n'entreront pas sur le marché européen. Un comité mixte devra garantir la surveillance de ce mécanisme.

3. La protection du marché intérieur. Michel Barnier a souligné que le marché intérieur européen était beaucoup plus qu'une zone de libre-échange. C'est un écosystème de 500 millions de citoyens avec des normes communes, des règles communes, une supervision commune et une juridiction commune. Le Brexit aura montré l'unité des 27, qui sont copropriétaires de ce marché unique. Il a estimé qu'en se retirant de l'Union européenne, le Royaume-Uni aurait 600 accords à reconstruire. Il a particulièrement insisté sur les trois domaines prioritaires que sont la sécurité intérieure, la défense et le commerce, sur lesquels un partenariat stratégique est nécessaire avec le Royaume-Uni. Le cadre financier pluriannuel qui s'annonce ampute de près de moitié le Fonds de défense européen et le Fonds spatial européen. Cela est désolant, particulièrement pour des politiques naissantes. La commission de la défense et son président, Christian Cambon, en sont également meurtris. Michel Barnier a enfin résumé la feuille de route du futur accord de libre-échange à négocier entre l'Union européenne et le Royaume-Uni avec une forme de slogan très explicite « zéro tarif, zéro quota, si zéro dumping ».

4. L'avenir de l'Europe. Michel Barnier s'est félicité des conditions de transparence totale envers les 27 dans lesquelles l'accord de retrait a été négocié et de la confiance ainsi construite, confiance qu'il a appelée à cultiver pour le futur. Nous allons nous engager à nouveau derrière Michel Barnier dans une négociation ardue avec le Royaume-Uni. Le Parlement européen vote cet après-midi la sortie du Royaume-Uni et Michel Barnier doit être confirmé dans ses fonctions et pour sa feuille de route dans les prochaines semaines.

Je conclurai sur ce point en indiquant que nous avons sollicité Michel Barnier pour qu'il vienne, au printemps, présenter l'état de cette nouvelle négociation aux commissions du Sénat concernées, dont la nôtre bien sûr. D'ici là, un mandat de négociation devrait être proposé par la Commission européenne, dès le lendemain du Brexit, pour l'accord sur la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Le Conseil Affaires générales du 25 février prochain devrait examiner le texte. Nous aurons donc à nous positionner dans des délais très contraints.

J'invite mes collègues Philippe Bonnecarrère et Simon Sutour qui étaient aussi à Helsinki à compléter mon propos s'ils le souhaitent.

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