Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 29 janvier 2020 à 13h35
Institutions européennes — Usage de la langue française dans les institutions européennes : avis politique de m. jean bizet

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je serai moins sévère concernant le Conseil de l'Europe car tous les textes, y compris dans les commissions préparatoires, sont rédigés en français et en anglais, et souvent en premier lieu en français. Les difficultés qui se présentent à 27 pays sont multipliées lorsque 47 pays sont concernés. Il importe que la langue française reste la langue de travail. Il faut distinguer la langue utilisée pour s'exprimer oralement dans l'hémicycle de la langue de travail administratif. La co-rédaction dans deux langues me semble fondamentale. Je fais miens les propos d'Umberto Eco selon qui la langue des Européens est la traduction. Dans les années 1980, j'étais techniquement en charge de l'Eurobaromètre, créé par le Français Jacques-René Rabier, proche collaborateur historique de Jean Monnet. Je concevais les questions posées dans 15 pays d'Europe en français et en anglais, de manière à disposer conceptuellement d'un double système de compréhension. Dès l'instant où la direction de l'Eurobaromètre a été reprise par un éminent professeur allemand, l'anglais est devenu la seule langue d'élaboration du questionnaire. La conception des questions s'en trouve très orientée. Je ne suis pas certain que la langue anglaise elle-même préside à la conception des documents produits par Bruxelles. Ils sont plutôt rédigés dans un jargon que Georges Orwell appelait le « Newspeak », que l'on a traduit par la novlangue. Même les Britanniques critiquent l'anglais de Bruxelles qu'ils jugent incompréhensible. C'est une langue édulcorée, de technocrates, bien loin de la richesse qu'elle peut offrir. Cet anglais ne sert qu'un petit groupe de personnes qui vivent entre elles au sein des institutions. Il n'est pas fait pour communiquer avec l'extérieur, même pour des gens anglophones.

L'avis politique que vous proposez pourrait être renforcé. Car l'enjeu n'est pas seulement de disposer de traductions. Pour pouvoir penser la diversité européenne, il faut penser dans plusieurs langues.

M. le Président, vous évoquiez tout à l'heure la devise européenne, choisie par un grand jury présidé par Jacques Delors. Cette devise, In varietate concordia, ne signifie pas « unis dans la diversité » mais « dans la diversité, vers la concorde ». Cette notion de « concorde » a été mal traduite par celle d'union, car après le Marché unique et l'Acte unique, certains souhaitaient transformer la Communauté européenne pour se diriger vers l'unification. L'idée de « communauté », bien plus spirituelle que celle d'union, correspond pourtant exactement à ce que nous voudrions être, associés mais différents. Je serais favorable à rebaptiser l'Union européenne en Communauté européenne !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion