Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Mission «pouvoirs publics » - examen du rapport spécial

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Comme autre exemple de complexité, je souhaiterais mentionner l'articulation des aides à la rénovation énergétique des logements privés.

En fonction de la nature des travaux et des ressources des bénéficiaires, différents dispositifs d'incitation et de soutien s'appliquent et sont parfois susceptibles de se cumuler : crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), taux réduit de TVA à 5,5 %, subventions de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), exonération totale ou partielle de taxe foncière sur les propriétés bâties, aides des collectivités territoriales ou d'autres organismes, dispositifs de micro-crédits, fonds national d'aide à la rénovation énergétique...

Dans le cadre de son référé sur la gestion de l'Anah du 30 janvier 2014, la Cour des comptes avait d'ailleurs déjà mis en évidence la difficile articulation entre ces dispositifs. Il existerait près de 1 300 dispositifs différents au total. Il faut être là aussi un grand juriste pour comprendre l'articulation des différents outils.

Le groupe de travail partage ce sentiment mais ne souhaite pas, à ce stade, proposer de modification substantielle, alors que, d'une part, le CITE et l'éco-PTZ ont déjà énormément évolué au cours des dernières années et que, d'autre part, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit leur prorogation tout en proposant des modifications. Son examen sera l'occasion de discuter de ces mesures. Il convient, en tout état de cause, de tenir compte de la nécessaire stabilisation des dispositifs et de soutenir la rénovation énergétique des logements, en particulier dans le cadre de la lutte contre les « passoires thermiques » ainsi que de la recherche d'économies d'énergie et de réduction des coûts pour les ménages.

Les dispositifs actuels n'atteignent pas toujours leur cible. Souvent, ils ne permettent pas de rénover les logements les plus « énergivores » car ils ne sont pas suffisamment concentrés sur les ménages les plus en difficulté.

Le groupe de travail a tout de même envisagé l'unification du taux de TVA applicable aux travaux réalisés dans les logements anciens - sujet qui n'est pas forcément politiquement correct. Actuellement, alors que les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien se voient appliquer le taux de 10 %, ceux concernant la rénovation énergétique et leurs travaux induits bénéficient du taux à 5,5 %.

Or, l'application de ces deux taux réduits conduit à distinguer les travaux, selon leur nature et parfois dans le cadre d'un projet global. Cette différenciation n'est pas toujours aisée. L'unification des taux conduirait ainsi à une simplification utile du dispositif.

Par ailleurs, le groupe de travail s'interroge sur l'effet déclencheur de l'écart entre ces taux réduits car il est certain qu'un différentiel de taux de 4,5 points ne va pas être déterminant dans la décision de changer une chaudière. On peut parler d'effet d'aubaine.

Toutefois, le groupe de travail admet la difficulté de conduire cette réforme pour le moment, dans la mesure où, compte tenu de la forte contrainte budgétaire que connaît notre pays, cette unification des taux ne pourrait être réalisée qu'en retenant le taux de 10 % pour l'ensemble des travaux, comme le préconisait d'ailleurs la mission d'évaluation de la politique du logement qui regroupait l'inspection générale des finances, le conseil général de l'environnement et du développement durable et l'inspection générale des affaires sociales. Cette mesure conduirait ainsi à dégager par la même occasion 650 millions d'euros de recettes supplémentaires pour l'État, que l'on pourrait en partie redéployer.

Pour mémoire, les taux réduits de TVA applicables dans le domaine du logement représenteraient une dépense fiscale totale de 6,3 milliards d'euros pour 2016, selon les derniers chiffrages du projet de loi de finances.

Par ailleurs, d'autres mesures, coûteuses pour l'État, ne produisent pas l'effet incitatif attendu.

Ces dispositions ont généralement été prises afin de favoriser l'investissement immobilier ou libérer du foncier et, pourtant, elles ne permettent pour l'essentiel qu'un effet d'aubaine pour leurs bénéficiaires.

Ainsi, il est permis de douter de l'effet réellement déclencheur des abattements exceptionnels prévus successivement par les deux précédentes lois de finances pour l'imposition des plus-values de cessions immobilières, d'abord pour les propriétés bâties, puis pour les terrains à bâtir.

Lors des auditions, il nous a été indiqué que rien ne semblait démontrer l'efficacité de ces abattements pour créer le « choc d'offre » escompté.

Compte tenu de leur coût pour les finances publiques et de l'effet d'aubaine qu'ils engendrent, le groupe de travail recommande donc de renoncer à ce type de mesure.

De même, l'exonération de deux ans de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions nouvelles ne contribue pas à favoriser la construction de logements. En effet, selon les informations recueillies par le groupe de travail, cette exonération est très peu connue et n'a aucun impact sur la prise de décision des personnes accédant à la propriété. On ne décide pas de construire pour bénéficier de cette exonération ! Il convient toutefois de noter que le versement de la taxe foncière pourrait se cumuler alors avec celui de la taxe d'aménagement. Le groupe de travail considère que ce sujet mérite notre attention car le manque à gagner pour les collectivités territoriales lié à cette exonération est estimé à 300 millions d'euros.

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