Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Mission «pouvoirs publics » - examen du rapport spécial

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

D'autres facteurs nuisent au bon fonctionnement du marché immobilier français.

La hausse des coûts de la construction constitue ainsi un sujet de préoccupation. Il est vrai que, contrairement à ce que l'on entend souvent, les statistiques, notamment d'Eurostat, montrent que ces coûts sont toutefois moins importants en France que dans d'autres pays d'Europe comme l'Allemagne. Mais leur caractère dynamique est tout de même inquiétant puisqu'entre 2004 et 2014, selon Eurostat, les prix à la production ont globalement crû de près de 30 %. Le problème du coût du travail dans le secteur, en hausse de 20 % sur la même période, n'explique pas tout, ni l'augmentation des prix des matériaux qui s'établit à 17 %. La hausse du coût de la construction s'explique aussi par les normes de plus en plus nombreuses. En 2014, selon l'Institut Montaigne, le nombre des normes qui réglementaient le secteur était estimé à 4 000, soit plus de 1 000 articles répartis dans onze codes différents et une quinzaine de lois ou décrets non codifiés !

L'impact économique de certaines de ces normes a pu faire l'objet d'estimations précises. À titre d'exemples, la Fédération française du bâtiment, entendue par le groupe de travail, avait ainsi évalué à 2 % du coût de la construction d'un bâtiment le surcoût de l'application du décret du 30 mai 2011 relatif à l'attestation de prise en compte de la réglementation acoustique à établir à l'achèvement des travaux de bâtiments d'habitation neufs et ce qu'il engendre. Au total, la fédération estime que la bonne application de la réglementation renchérirait les coûts de construction de 15 % à 20 %.

Certes, ces normes, qu'elles soient de niveau législatif ou réglementaire, sont dans leur très grande majorité adoptées au nom de motifs légitimes et louables. Il s'agit de mieux protéger l'environnement, de réaliser des économies d'énergie, de renforcer la sécurité et la sûreté des bâtiments, de garantir leur accessibilité pour les personnes handicapées, d'adapter la société au vieillissement...

Mais, à l'épreuve du terrain, les règles adoptées au niveau national se révèlent bien trop souvent inadaptées, parfois jusqu'à l'absurde.

Dans son rapport réalisé en 2013 avec Alain Lambert au nom de la mission de lutte contre l'inflation normative, notre collègue Jean-Claude Boulard avait ainsi fait état d'un exemple particulièrement édifiant, celui d'un décret de 2010 imposant de strictes normes antisismiques dans des zones n'ayant jamais connu le moindre tremblement de terre, telles que sa ville du Mans !

Trop nombreuses, trop générales, les normes qui s'imposent aux constructeurs sont enfin trop instables dans le temps, ce qui pénalise notamment les plus petites entreprises qui peinent à s'adapter.

Le chantier de la simplification des normes doit donc impérativement se poursuivre et s'amplifier dans la construction.

Le coût très élevé de l'hypothèque en France peut également constituer un frein à l'accession à la propriété. Si l'on n'a pas accès à la caution, ce qui est généralement le cas des ménages les plus modestes, il convient de recourir à l'hypothèque. La comparaison européenne n'est pas flatteuse. Selon les chiffres de l'institut Montaigne, les droits d'inscription hypothécaires ne représentent ainsi que 500 euros en Allemagne pour un prêt d'un montant de 100 000 euros. En Belgique les droits d'inscription hypothécaires s'élèvent seulement à 0,33 % du montant du prêt.

Par comparaison, l'hypothèque apparaît en France excessivement onéreuse. Pour la souscrire, un particulier doit rémunérer un notaire, verser la contribution de sécurité immobilière, qui représente 0,05 % de la somme empruntée, et enfin s'acquitter de la taxe de publicité foncière, soit 0,715 % du montant garanti.

Par la suite, en cas de remboursement de l'emprunt avant terme, l'acquéreur d'un bien immobilier aura obligatoirement recours à une mainlevée de son hypothèque, qui représente entre 1 et 2 % du capital restant dû.

L'utilisation de l'hypothèque est donc très dissuasive pour nos concitoyens et représente au total près de 2 % du montant emprunté. Les sommes en jeu sont importantes et pénalisent les ménages les plus fragiles.

Une réforme du régime de l'hypothèque pourrait donc, selon nous, être sérieusement envisagée dans notre pays, comme le suggère également l'institut Montaigne dans son récent rapport sur la politique du logement.

Pour conclure, nous n'avons pas abordé le sujet des droits de mutations à titre onéreux, qui bénéficient directement aux collectivités territoriales et bien qu'il ait été abordé par certaines personnes entendues lors des auditions. Cette question mériterait également d'être posée.

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