Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 18 février 2020 à 14h30
Irresponsabilité pénale — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’irresponsabilité pénale est un sujet qui promet un débat passionnant. Le concept est simple : certaines personnes ont bel et bien commis une infraction, mais elles échappent à la sanction pénale. Ainsi, nous comptons parmi nos concitoyens des coupables irresponsables, dont l’absence de punition a été inscrite dans la loi.

Le cas du meurtrier de Sarah Halimi a suscité beaucoup d’interrogations et, parfois, d’incompréhensions sur la question de l’irresponsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental au moment où les faits sont commis. Deux de nos collègues ont ainsi récemment déposé des propositions de loi tendant à réviser le régime qui s’applique à tout trouble psychiatrique.

Comment rester sourd à la douleur des victimes ? Comment supporter que des coupables puissent échapper à la justice ?

La responsabilité pénale est la règle. Nous sommes tous personnellement responsables de nos actes. Lorsque quelqu’un enfreint volontairement la loi, il doit être puni. Il y a cependant des circonstances qui font exception à cette règle.

C’est le cas lorsque celui qui a commis l’infraction a agi conformément à la loi, ou lorsque son action a été dictée par la nécessité ou par la légitime défense. C’est aussi le cas lorsque l’auteur a été contraint de commettre le délit sous la menace d’une arme, par exemple, ou encore lorsque l’auteur est trop jeune pour être doué de discernement. Et c’est encore le cas lorsque l’auteur est atteint, au moment des faits au moins, d’un trouble mental qui abolit son discernement.

L’exception qu’est l’irresponsabilité pénale doit être interprétée, comme toutes les exceptions, de la manière la plus stricte. Pour qu’elle soit retenue, la réunion des conditions nécessaires doit être soigneusement vérifiée. Et c’est le juge judiciaire, magistrat indépendant et impartial, qui décide de son application, éclairé au besoin par les observations d’experts du domaine concerné.

N’est pas déclaré irresponsable qui veut. Il ne suffit pas de s’enivrer pour instrumentaliser ensuite son ivresse et la faire valoir en guise de défense. Cela fait longtemps que la prise de stupéfiants ou d’alcool constitue une circonstance aggravante de l’infraction qui en découlerait.

Il en va de même pour celui qui, se sachant épileptique, décide de prendre sa voiture et provoque un accident. Les juges ne sont pas dupes de ceux qui se placent délibérément dans des circonstances de nature à abolir leur discernement.

L’irresponsabilité pénale n’est ni un sauf-conduit ni une faveur que l’on accorde à l’accusé. C’est une exigence de justice : une même action n’a pas le même sens quand elle est commise par un malade mental ou quand elle l’est par une personne saine d’esprit. Punir un malade mental comme on punirait une personne saine d’esprit n’est pas juste.

Sans discernement, il n’y a pas d’intention, donc pas de remise en cause des lois établies par la puissance publique. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de préjudice ou qu’il n’y a pas de faute. Cela signifie que la réponse à apporter n’est pas de nature pénale.

La peine est la sanction infligée par la puissance publique à l’individu ayant volontairement enfreint la loi qui protège la société. L’élément intentionnel de l’infraction et le discernement qui en est le support nécessaire sont donc essentiels à la sanction pénale. La punition ne se justifie pas lorsque l’intention n’existe pas.

L’absence de responsabilité pénale ne fait cependant pas obstacle à la responsabilité civile. Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation, comme le prévoit l’article 414-3 du code civil.

L’action civile tend à compenser au mieux le préjudice subi par la victime. Trop souvent, cette réparation ne peut être qu’imparfaite, car le passé ne saurait être changé. Rien ne peut effacer la douleur causée par la perte d’un être cher ; ses proches devront désormais vivre avec le poids de son absence.

Il nous faut cependant tenter d’atténuer au mieux cette douleur en indemnisant le plus justement possible la victime. Il est de notre devoir de veiller à ce que cette réparation puisse avoir lieu, même en cas d’insolvabilité de l’auteur de l’infraction.

Même s’il peut être difficile de l’entendre, il faut dire que le droit à réparation de la victime ne s’étend pas à la sanction pénale du coupable.

L’article 130-1 du code pénal prévoit que la peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’infraction et de favoriser sa réinsertion, et ce afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime.

L’action pénale est menée par le ministère public au nom et pour le bénéfice de l’État. Elle oppose l’État, garant des intérêts de la société, d’une part, et l’auteur de l’infraction, d’autre part.

Si « on ne juge pas les fous », que faut-il en faire quand ils sont dangereux ? L’irresponsabilité pénale ne fait pas obstacle au prononcé de mesures de sûreté. Ceux qui ont été affectés par un trouble mental qui les a conduits à s’en prendre à autrui doivent être soignés, pour leur propre bien et pour celui de tous les autres membres de la société.

Le rôle de l’État consiste notamment à assurer la protection de la société. Cette protection passe parfois par des sanctions pénales, parfois par des mesures de santé.

Notre rôle de législateur est d’œuvrer en faveur de l’intérêt général. Nous devons veiller à ce que la loi garantisse la sécurité et la justice, sans céder à l’illusion que nous pourrions éliminer le mal de notre société.

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