Monsieur le président, madame la ministre des outre-mer, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà un peu plus de deux ans maintenant, le 6 septembre 2017, le cyclone Irma, d’une violence inouïe, frappait les îles du nord de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint Martin.
Alors que nos deux territoires se retrouvaient coupés du monde, l’Hexagone semblait soudain découvrir la puissance des cyclones, en même temps qu’il se souvenait que, au-delà des mers, il s’agissait bien d’îles françaises qui étaient dévastées. C’est en partie ce qui fait que nous sommes réunis pour ce débat aujourd’hui.
Après cette catastrophe, la délégation sénatoriale aux outre-mer s’était engagée dans un travail de longue durée sur les risques naturels majeurs outre-mer, convaincue que, face à l’ampleur exceptionnelle de ce phénomène, les pouvoirs publics se devaient de tirer collectivement des leçons ; convaincue, également, que les changements climatiques en cours ne feraient malheureusement que renforcer la présence de telles catastrophes naturelles dans l’actualité de nos territoires ; convaincue, enfin, que du traumatisme résultant de cet événement inédit devait émerger une prise de conscience collective pour l’avenir des outre-mer.
Je tiens ici à remercier le président du Sénat, M. Gérard Larcher, d’avoir soutenu cette démarche et de s’être engagé devant les élus ultramarins, lors du récent congrès des maires, à la tenue de ce débat dans l’hémicycle.
Durant deux années, j’ai eu l’honneur de coordonner les travaux de la délégation sur ce sujet. Je remercie son président, Michel Magras, de sa confiance, ainsi que les quatre rapporteurs avec qui j’ai travaillé : Mathieu Darnaud, Victoire Jasmin, Abdallah Hassani et Jean-François Rapin. Mes chers collègues, je sais votre engagement sur ce sujet et vous assure de tout le bonheur que j’ai eu à travailler à vos côtés.
Ce travail s’est conclu par la production de deux rapports et d’une centaine de recommandations. Loin d’un positionnement politique vain, la délégation a fait le choix de l’ouverture, de la construction, avec le Gouvernement comme avec les collectivités, mais aussi de l’exigence. Nous le devions aux territoires que nous représentons ici.
Le temps est maintenant à la transformation de ces constats et préconisations. C’est bien l’action qui doit être au cœur de notre débat aujourd’hui.
Madame la ministre, sur la prévention des risques, quels sont vos projets pour adapter le cadre des plans de prévention des risques naturels (PPRN) aux réalités insulaires ou littorales et aux impératifs de développement de nos territoires ? Il est crucial de les rendre davantage compréhensibles, mieux acceptés et donc plus efficaces. L’exemple de Saint-Martin, aujourd’hui, en est une difficile démonstration.
Sur la prévention, encore, quels moyens financiers le Gouvernement débloquera-t-il ? Va-t-on assouplir le recours au fonds Barnier ? Quid d’un réel fonds vert ? Quelle accélération du plan Séisme Antilles, alors que les situations de la Martinique et de la Guadeloupe sont encore si préoccupantes ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour accompagner nos collectivités, afin d’accroître la préparation de nos populations et de réduire leur vulnérabilité ?
Sur la gestion des crises, comment renforcer les moyens de sécurité civile et d’alerte des populations dans les territoires qui en manquent cruellement, comme Mayotte, et, surtout, Wallis-et-Futuna ?
Quelle approche renouvelée de gestion des risques cycloniques faut-il adopter, après le travail sur les niveaux d’alerte mené à La Réunion ? Quels fonds d’intervention mettre en place pour une action rapide après chaque crise ?
Quant à l’adaptation de nos territoires, quelles actions entreprendre pour accroître la résistance des réseaux, infrastructures vitales en cas d’aléa ? Que préconiser quant aux normes de construction, sujet sur lequel travaille la Nouvelle-Calédonie ?
Concernant la résilience de nos territoires, quels efforts mener en matière de recherche scientifique face au défi du nouveau volcan découvert au large de Mayotte, face aux besoins en houlographes et en radars ? De manière opérationnelle, quel appui apporter aux collectivités qui luttent contre les sargasses ?
Quelles mesures prendre face à l’érosion du trait de côte et aux risques littoraux que doivent affronter tous nos territoires, de la Guyane équatoriale jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans l’Atlantique Nord ?
Quelles ambitions se fixer dans la lutte contre les changements climatiques qui menacent en particulier, de manière imminente, les îles de Polynésie française ?
Madame la ministre, le Président de la République a annoncé un projet de loi relatif aux risques naturels. J’espère que le projet du Gouvernement et les moyens accordés seront à la hauteur du défi que nous devons collectivement relever. Les quelques questions que je viens de poser montrent que, bien plus qu’un simple texte de loi, c’est un plan d’action qui s’impose.
Si la délégation sénatoriale aux outre-mer a demandé la tenue du présent débat en amont de ce projet, c’est bien pour éclairer le Sénat sur les enjeux qu’il portera.
C’est aussi pour vous montrer l’attente qui est la nôtre, madame la ministre, et pour vous dire que nous resterons vigilants, afin que ce sujet ne soit pas, comme c’est trop souvent le cas, malheureusement, l’occasion de grands discours, mais de peu de réalisations.
C’est encore pour souligner que l’action que nous appelons de nos vœux ne peut être que collective et appuyée sur nos territoires, leurs populations et les élus de nos collectivités.
C’est enfin – je le dis avec gravité – pour qu’aucun de nous n’oublie la puissance dévastatrice que nous avons connue.
Les séismes de 1839 et 1843 en Martinique et en Guadeloupe, les éruptions de la montagne Pelée, en 1902, et de la Soufrière, en 1976, les cyclones Hugo, en 1989, Luis, en 1995, Alan, en 1998, Dina, en 2004, Irma, en 2017, toutes ces catastrophes ont jalonné les histoires de nos territoires. Mais, si elles sont gravées dans la mémoire collective de nos populations, elles n’ont pas suscité à ce jour de réponse assez ambitieuse des pouvoirs publics pour réduire durablement la vulnérabilité des territoires ultramarins.
Madame la ministre, il est aujourd’hui de notre responsabilité à tous de bâtir, ensemble, la résilience des outre-mer. Je ne doute pas que ce débat sera riche et apportera des réponses concrètes aux préoccupations de nos concitoyens.
Enfin, comment ne pas saluer l’ensemble de nos collègues présents aujourd’hui dans cet hémicycle ? Je veux remercier tout particulièrement nos collègues de l’Hexagone, qui portent un intérêt de plus en plus affirmé aux questions ultramarines et aux outre-mer, grâce aux travaux de notre délégation.