Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 18 février 2020 à 14h30
Quelle doctrine d'emploi de la police et de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l'ordre — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le maintien de l’ordre est, sans nul doute, un sujet d’une grande actualité. C’est pourquoi je tiens à remercier nos collègues du groupe CRCE pour l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, tant il est nécessaire de mieux comprendre comment la doctrine d’emploi de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le cadre du maintien de l’ordre a évolué depuis ces derniers mois.

Par où commencer ? Dans le sillage des manifestations liées à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, à la loi Travail, au mouvement des « gilets jaunes » et, plus récemment, au projet de loi portant réforme des retraites, force est de constater que l’État est confronté à une augmentation sans précédent des actes de violence tant envers les biens – notamment le mobilier urbain – qu’envers les symboles de la République, à l’image du saccage de l’Arc de Triomphe, le 1er décembre 2018.

Ainsi, pour les opérations de maintien de l’ordre, l’année qui vient de s’écouler aura été exceptionnelle, à la fois par la durée de mobilisation des forces de sécurité intérieure et par le niveau de violence auquel ont dû faire face gendarmes et policiers.

Afin de répondre à ce développement des troubles à l’ordre public, l’État, qui en est le principal garant, doit disposer d’unités professionnelles qui s’appuient sur des savoir-faire et des savoir-être garantissant une continuité de son action en tout temps et en tous lieux. C’est pourquoi des forces professionnelles de maintien de l’ordre, spécialement formées et solidement encadrées par des personnels expérimentés, sont les plus à même de favoriser une gestion politique des crises sociales. Rompues à doser l’emploi de la force, elles permettent ainsi d’éviter des fractures durables au sein du corps social qu’est la Nation.

Ces unités régulièrement entraînées doivent renforcer leur robustesse afin de se préparer collectivement aux situations les plus dangereuses et les plus instables, mais également développer leurs capacités physiques et leur maturité psychologique en matière de gestion du stress ainsi que le discernement individuel de leurs membres.

Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, la formation et l’entraînement sont la clé d’un maintien de l’ordre efficace, c’est-à-dire avec un usage strictement nécessaire de la force.

Face à l’intensification et à la multiplication dans le temps de ces mouvements de violence, cependant, l’État a dû faire appel à des policiers ou à des gendarmes qui n’étaient pas des spécialistes du maintien de l’ordre, issus notamment de brigades anti-criminalité. Confier les missions de maintien de l’ordre, même très ponctuellement, à des personnels non spécialisés peut présenter un risque pour ces personnels eux-mêmes, qui sont moins bien formés et mal entraînés à l’usage de tel ou tel matériel, mais aussi pour les personnes qui se trouveront face à eux.

À cet égard, il y a quelques mois, nous avions débattu dans cet hémicycle des lanceurs de balles de défense. D’utilisation complexe, mais indispensable, ce matériel nécessite une réelle expertise dans son maniement. Il est probable qu’un policier de la BAC ou un CRS, plongés au cœur d’une manifestation violente, n’auront pas exactement les mêmes réflexes ou les mêmes réactions en l’utilisant.

Comment, dès lors, concilier liberté de manifester et respect de l’ordre public ? Peut-on parler d’un changement, voire d’une remise en question, de la doctrine d’emploi du maintien de l’ordre ? Je le pense.

Comme je l’ai rappelé, nous avons assisté à une réorganisation du maintien de l’ordre qui permet aux forces de l’ordre d’être plus mobiles, présentes sur l’ensemble du territoire et plus dynamiques. Elles peuvent ainsi disposer d’une plus grande autonomie. Depuis plusieurs mois, la doctrine historique reposant sur le principe de la mise distance pour éviter un contact direct avec les manifestants a sensiblement évolué, afin que les compagnies de CRS ou de gendarmes mobiles ne soient plus simples spectateurs des agissements de ces casseurs appelés Black Blocs qui empêchent tout individu d’exercer son droit de manifester librement.

Ce changement de doctrine visant à permettre une intervention plus directe et plus réactive est, certes, salutaire, mais n’est pas dénué de conséquences. Lorsque des policiers et des gendarmes vont au contact, le risque de blessures s’accroît, du côté des manifestants comme des forces de l’ordre.

Enfin, le débat d’aujourd’hui nous donne l’occasion d’évoquer la décision rendue par le Défenseur des droits en décembre dernier rappelant que « les fonctionnaires de police et militaires de gendarmerie […] appartenant aux services et aux unités engagées en opération de maintien de l’ordre ne peuvent, au cours de ces opérations, dissimuler leur visage, notamment par une cagoule ».

Ce principe vient renforcer celui que met en œuvre la loi du 2 mars 2011, qui dispose que « se dissimuler le visage, c’est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société ».

Autrement dit, dans l’espace public personne ne peut porter une tenue destinée à dissimuler son visage sans motif légitime, tel que la participation à des missions spécifiques et strictement définies par une note de la direction générale de la police nationale (DGPN).

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, il est important de rappeler que, comme n’importe quel citoyen, les agents de police se doivent d’être visibles, reconnaissables, notamment par leur numéro de matricule. Le port de la cagoule doit rester strictement encadré et les règles relatives au matricule respectées, y compris lors des opérations de maintien de l’ordre, afin que certains policiers ou gendarmes qui ne respecteraient pas les lois de la République ne puissent pas se réfugier dans l’anonymat.

Mes chers collègues, débattre du maintien de l’ordre n’est pas sans difficulté, tant la notion a évolué et s’est adaptée au cours des crises sociales que notre pays a connues. Il est fondamental que les forces qui assurent le maintien de l’ordre conservent toute la confiance du peuple, car elles sont les garantes de la stabilité de la société.

Pour que cette confiance soit garantie, il faut que les comportements déviants soient sanctionnés dès qu’ils sont détectés, afin que les agissements d’une infime minorité ne déteignent pas sur les policiers et les gendarmes qui assurent notre sécurité au quotidien.

C’est l’occasion, pour moi ainsi que pour les membres du groupe Union Centriste, de témoigner de notre soutien aux policiers et aux gendarmes et de notre respect pour le difficile métier qu’ils exercent.

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