Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis des mois, la France vit une situation politique et sociale dégradée à l’origine d’un climat de défiance et de violence à l’égard des représentants de l’autorité publique. Les forces de l’ordre, à propos desquelles nous débattons ce soir, font face à une situation inédite à plus d’un titre.
Il y a eu, d’abord, les attentats contre Charlie Hebdo, ceux du Bataclan, puis tous les suivants, qui ont conduit à une montée en puissance du dispositif de sécurité intérieure. Cette mission essentielle, qui s’avère consommatrice d’effectifs et de moyens, ne semble pas près de s’arrêter, compte tenu du niveau élevé de menace, du retour des revenants et des fins de peines de certains condamnés pour terrorisme.
Il y a, ensuite, la crise migratoire, dont l’issue n’est pas pour demain, avec des conditions difficiles et des situations qui dégénèrent parfois.
La radicalisation, encore, de la contestation sociale s’amplifie. Des manifestations tournent mal, noyautées par des individus qui débordent aussi bien les forces de sécurité que les organisateurs des manifestations. Les réseaux sociaux jouent un rôle d’activateur et de caisse de résonnance de ces violences, compliquant le maintien de l’ordre.
La crise des « gilets jaunes », enfin, s’est ajoutée au tableau. Ni son ampleur ni sa radicalité n’avaient été anticipées. Elle est attisée, selon moi, par des mouvements ultras, spécialistes du désordre, qui veulent abattre les institutions, quand le cœur du mouvement – il faut le dire – reste pacifique.
Il semble loin, le temps où les Français acclamaient dans les rues leur police qui venait de mettre un terme à la cavale meurtrière de terroristes. Un certain fossé se creuse entre les citoyens et la police ; les problématiques, pour ne pas dire les errements, du maintien de l’ordre n’y sont pas étrangers.
Cette situation ne peut plus durer, ne serait-ce que parce que personne, et surtout pas la démocratie, n’y trouve son compte, sauf l’extrême droite, qui se nourrit de ce climat délétère, et l’extrême gauche, qui peut donner libre cours à sa haine du capitalisme et des institutions, tout en médiatisant ses coups d’éclat.
C’est un fait, les forces de l’ordre sont épuisées d’avoir à faire face sur plusieurs fronts simultanément, le maintien de l’ordre s’ajoutant à leurs autres missions et s’inscrivant dans la durée.
Le bilan des blessés est inquiétant, sans parler des blessures invisibles, psychologiques, qui apparaissent lorsque les personnels sont à bout et peuvent conduire à des extrémités dramatiques. Ciblées par les Black Blocs, les forces de l’ordre le sont aussi par les terroristes. C’est la double peine !
De leur côté, les citoyens, choqués par certaines images, ne comprennent pas les stratégies de maintien de l’ordre mises en œuvre, et en sont parfois les victimes. Au cours de l’année dernière, celles-ci n’ont pas permis d’éviter, outre les violences sur les policiers, les atteintes aux personnes et les nombreuses dégradations de biens publics et privés.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les dégâts matériels ont été considérables sur la voie publique, même si le pire a été évité. En guise de maintien de l’ordre, il n’y a eu, dans certains cas, ni maintien ni ordre, mais seulement une gestion désordonnée du désordre qui a mis en péril les policiers, les gendarmes, les manifestants pacifiques, les commerçants et les habitants des quartiers concernés.
Alors, fatigués, débordés, parfois désorientés par les consignes, certains policiers se sont laissés aller à des comportements inappropriés, dont les plus graves doivent être sanctionnés, et qui, en retour, alimentent la haine de la police, puissamment relayée sur internet et dans la « complosphère ».
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quels retours d’expérience faites-vous des événements des derniers mois ? Comptez-vous abandonner des zones, comme ce fut le cas place d’Italie, dans lesquelles les radicaux peuvent tout casser ? Comment améliorez-vous la coordination avec les autres services, notamment les mairies, afin d’éviter aux forces de l’ordre d’être canardées par du mobilier urbain ou de chantier ? Comment renforcez-vous la formation au maintien de l’ordre ?
Je le conçois, la reprise en main du maintien de l’ordre ne passe pas uniquement par le ministère de l’intérieur et par la doctrine d’emploi des forces. Elle ne pourra être réellement efficace que si la réponse pénale, pour les cas qui en relèvent, est rapide et forte.
Manifester est, et doit rester, un droit fondamental dans notre démocratie. À cette occasion, ne laissons plus les casseurs tenir le haut du pavé et dégrader notre bien commun.