En dehors de ces chiffres qui doivent nous interpeller, nous avons assisté à des scènes d’une rare violence au cours de 2018 et de 2019. Des bâtiments ont été incendiés alors qu’ils étaient occupés – il faut en tenir compte –, des dizaines de véhicules ont été brûlés.
Ces dégradations ont parfois visé des lieux hautement symboliques : les Champs-Élysées bien sûr, des ministères et des préfectures, mais également l’Arc de Triomphe dans des circonstances qui ont profondément choqué tous les Français.
Monsieur le secrétaire d’État, les forces de l’ordre ont été mises à très rude épreuve dans un contexte sécuritaire qui reste préoccupant. Les personnels affectés au maintien de l’ordre n’étaient peut-être pas toujours suffisants, mais il est parfois difficile de tout prévoir.
Je veux rendre hommage au sang-froid et à l’engagement extraordinaires de nos forces de l’ordre. Si certains ont commis des violences injustifiées, comme on dit, ils devront être sanctionnés pour cela. Il ne faut cependant pas oublier que l’immense majorité des fonctionnaires a toujours fait preuve de mesure, dans des conditions qui étaient pourtant extrêmes. Je tiens à saluer, avec l’ensemble du groupe Les Indépendants, leur professionnalisme et leur exprimer tout notre soutien.
Le maintien de l’ordre obéit à diverses doctrines : la mise à distance, la nasse ou le contact. Depuis 1968, la France a choisi la mise à distance. Éviter à tout prix le contact entre manifestants et forces de l’ordre a permis d’éviter des morts et a contenu le nombre de blessés. Chaque fois que le contact a été recherché, le bilan s’en est trouvé alourdi.
Ces blessures sont notamment dues à l’utilisation d’un armement qui s’est révélé à l’usage mal adapté au maintien de l’ordre. La majorité de nos voisins européens n’ont pas recours aux lanceurs de balle de défense pour assurer la sécurité des manifestations. Idem pour les grenades GLI-F4, qui n’auraient pas dû être employées à partir du moment où leur dangerosité avait été établie.
Il est primordial que l’ordre soit maintenu en garantissant la sécurité des personnes concernées : celle des fonctionnaires de police et de gendarmerie, celle des manifestants et celle des citoyens qui se trouvent en même temps dans la rue.
Nous souhaitons que les fauteurs de troubles puissent être judiciarisés et durement sanctionnés – pas avec des peines de huit jours à trois semaines. Cela ne doit cependant pas se faire à n’importe quel prix.
Le préfet Grimaud, qui a été cité par d’autres orateurs, a assisté au 6 février 1934 et était en charge du maintien de l’ordre durant mai 68. Il écrivit aux fonctionnaires que la force ne devait être utilisée qu’en dernier recours et avec retenue. « Nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation », a-t-il déclaré. La réputation de nos forces de police est bonne.
Il nous semble donc que la stratégie qui doit être retenue est celle d’un maintien de l’ordre focalisé sur la prévention des dégâts humains. Les interpellations doivent avoir lieu chaque fois qu’elles peuvent être réalisées en sécurité, et pour nos concitoyens et pour les forces de l’ordre. Chacun le sait, tout cela n’est pas facile.
Le droit de manifester est essentiel au dialogue social, tout le monde est d’accord. L’ordre public est nécessaire à l’expression des libertés. Les forces de l’ordre ne pourront pas tout faire. Il est de la responsabilité de tous les Français de contribuer à les préserver.
L’un de nos collègues a évoqué les caméras-piétons. Dans un rapport d’information sur la sécurité dans les gares – métro et chemin de fer –, dont j’ai été l’auteur, j’ai préconisé que tous les policiers soient équipés de tels dispositifs. À cette occasion, j’ai eu des contacts avec la SNCF et j’ai pu me rendre compte de la façon dont cela fonctionnait. J’ignore ce qu’il en est aujourd’hui, mais cela fonctionnait alors bien : les policiers et gendarmes que j’avais rencontrés dans le cadre de cette étude et qui en disposaient l’ont confirmé et m’ont indiqué que le résultat était positif.