Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la doctrine du maintien de l’ordre « à la française » s’est bâtie dans le temps autour d’un processus de pacification de la gestion des manifestations. Il s’agit de garantir la libre expression démocratique et, en même temps, la paix et la sécurité publique. Or cet équilibre périlleux est devenu de plus en plus ténu et extrêmement instable.
La doctrine du maintien de l’ordre « à la française » est mise en œuvre par deux unités de forces mobiles, qui sont les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmerie mobile. Elles fonctionnent en unités constituées, définies comme des unités organisées selon des règles hiérarchisées et collectives.
L’usage retenu de la force se décline en plusieurs principes strictement enseignés et respectés par les unités spécialisées dans le maintien de l’ordre : le principe de la mise à distance des manifestants, le principe d’intervention collective et sur ordre, le principe d’absolue nécessité, de gradation et de réversibilité.
La doctrine existe et elle est très claire ! Elle n’est pas un monolithe figé, comme certains aiment à le laisser croire. Elle s’adapte en fonction des contextes, de l’évolution de ses conditions d’exercice et de la diversification de ses missions. Elle évolue bien entendu dans le temps, grâce aux multiples compétences et à l’expertise reconnue de nos forces de l’ordre, que je salue ici. Le cadre juridique, quant à lui, existe aussi, qu’il s’agisse de l’adaptation, de la mobilité ou du contact.
C’est la raison pour laquelle, à mon sens, le problème réside aujourd’hui bien moins dans la doctrine que dans la stratégie à adopter face au cas de figure donné et à la tactique qui en découle. À ce moment-là, mes chers collègues, on ne peut sous aucun prétexte faire abstraction du monde dans lequel on vit ! La sollicitation croissante des forces de l’ordre, les violences inadmissibles et insupportables commises à leur encontre et le malaise policier qui y fait écho forment un très dangereux triptyque dans un climat de tension exacerbé.
De même, face aux exigences croissantes de sécurité dans un contexte de menace terroriste extrême, la dimension judiciaire et répressive du maintien de l’ordre a bien évidemment pris une place plus importante dans la gestion de l’ordre public. Comment s’en étonner ?
De quoi parle-t-on aujourd’hui ? Il s’agirait de peaufiner une nouvelle doctrine miracle accompagnant l’habile glissement sémantique du politiquement correct qui veut que l’on dise aujourd’hui « gestion démocratique des foules » plutôt que « maintien de l’ordre »…
Parle-t-on de dessiner un nouvel équipement des policiers et gendarmes, puisque le Défenseur des droits lui-même trouve, dans son rapport du mois de décembre 2017, que « l’équipement lourd, du style “robocop”, […] semble contribuer à une certaine déshumanisation des forces chargées du maintien de l’ordre » ? Pourquoi ne pas les mettre en slip de bain pendant qu’on y est ? Sous les pavés et les boules de pétanque, il y a sûrement la plage !