Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le maintien de l’ordre permet à chacun de s’exprimer sans désordre. C’est pourquoi je ne peux pas cautionner l’expression « violences policières ». Juxtaposer ces deux termes laisse à penser que la violence serait la finalité de l’action d’une police brutale par nature. Or le recours à la force est un moyen et non une fin. Nul ne s’engage dans la police par goût de la violence.
Parler de « violences policières », ce n’est pas dénoncer des brutalités condamnables, c’est attaquer la police en tant qu’institution et en contester le principe même. Il n’en résulte que l’affaiblissement de la démocratie.
Soit le recours à la force est légal, soit il ne l’est pas. Soit les forces de police n’ont pas d’autres choix que de recourir à la violence – une violence proportionnée, pour préserver l’ordre et l’expression d’une opinion –, soit il y a une faute des forces de l’ordre et l’autorité judiciaire doit alors être saisie et des sanctions doivent être prononcées.
Ce qui compte, c’est non le principe du recours à la force, mais son contrôle. Il est vain de contester à la police son monopole de la violence physique légitime. Ce monopole est une garantie démocratique.
Ne laissons donc pas les querelles partisanes et les raccourcis lexicaux tapageurs prendre le pas sur notre objectif commun qui est de protéger nos concitoyens dans l’expression de leurs opinions.
Depuis décembre 2018 et le mouvement des « gilets jaunes », cette expression a changé. Son rythme, sa fréquence, ainsi que dans son mode organisationnel se sont intensifiés. Face à l’évolution du modus operandi des manifestants, la doctrine, les pratiques du maintien de l’ordre se sont révélées inadaptées, compte tenu du niveau de violence qui, oui, est extrême, au regard non pas de l’histoire, mais des dernières décennies. Je pense au 1er décembre 2018 et à la prise de l’Arc de Triomphe ; je pense aussi au 16 mars 2019 et au saccage des Champs-Élysées.
Cette violence de rue n’est pas proprement parisienne. Souvenons-nous de la ZAD de Sivens, de Bure et de son centre d’enfouissement des déchets nucléaires, ou encore de Notre-Dame-des-Landes. Ces situations nouvelles doivent nous conduire, comme nous l’avons fait au cours de l’histoire, à revisiter nos techniques, notre doctrine, pour que la liberté de manifester demeure le principe et le recours aux forces de l’ordre l’exception.
La première exigence est de toujours mieux préparer et anticiper les manœuvres de maintien de l’ordre public. Cela suppose de mobiliser encore plus les services de renseignement afin d’adapter au mieux les moyens humains et les matériels mobilisés. L’anticipation suppose aussi un renforcement de la concertation entre les organisateurs, la préfecture et les services d’ordre. Cette concertation a toutefois des limites du fait de l’augmentation des rassemblements spontanés, désorganisés et autopilotés depuis les réseaux sociaux. Envisageons, par exemple, un durcissement des peines encourues lorsque les manifestations ne sont pas déclarées ou en cas de participation à des manifestations interdites.
Nous gagnerions aussi à communiquer davantage sur les réseaux sociaux, tant en amont de la manifestation qu’au cours de celle-ci, pour prévenir des interruptions de circulation, des sommations effectuées ou encore des manœuvres de dispersion.
Ne négligeons pas la question des équipements. Le vieillissement des matériels est une source de préoccupation, pointée notamment par nos collègues Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, qui dénoncent « des situations inadmissibles » et du matériel dans un « état de délabrement avancé ».
Il convient également de repenser la variété des armements disponibles. L’emploi des engins lanceurs d’eau a, par exemple, pour avantage de maintenir à distance les fauteurs de troubles. Nous devons en reconsidérer l’usage.
La formation au maintien de l’ordre est aussi cruciale. C’est une spécialité éprouvante, à laquelle doivent être préparées les unités de forces mobiles de façon harmonisée sur l’ensemble du territoire national. Cette harmonisation est d’autant plus indispensable lorsque l’on fait appel à des forces de sécurité publique non spécialisées.
Privilégions, enfin, l’effet de masse, qui permet d’éviter les incidents. Le conférencier Guillaume Farde rappelle la pérennité de la doctrine du préfet de police Maurice Grimaud, selon laquelle la trop forte proximité crée la violence. L’envoi au contact des manifestants de policiers en sous-nombre, trop peu formés, mal équipés, rompt avec cette doctrine, qui permettait d’éviter les blessures chez les manifestants, mais aussi dans les rangs des forces de l’ordre.
Nous ne pouvons pas demander aux unités de forces mobiles d’être présentes sur tous les fronts. Leur usage dévoyé pour d’autres missions éloignées de leur cœur d’action explique en partie les mauvais chiffres actuels de la délinquance. Dans ce contexte, nous devons également préparer des événements futurs, comme les jeux Olympiques de 2024.
Saisissons-nous des technologies nouvelles, je pense aux drones par exemple, pour maintenir l’ordre. C’est ainsi que nous pourrons protéger nos libertés fondamentales et que nous parviendrons à restaurer le lien de confiance entre nos concitoyens et les forces de l’ordre.