Intervention de Corinne Le Quéré

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 février 2020 à 9h35
Audition de Mme Corinne Le quéré présidente du haut conseil pour le climat

Corinne Le Quéré :

Presque tous les pays qui ont un objectif ambitieux de neutralité carbone ont mis en place un comité indépendant ; en revanche, l'Union européenne n'en dispose pas. Je siège au comité britannique, ce qui permet des échanges directs entre nos deux institutions. Nous avons aussi des échanges informels avec les comités suédois et néo-zélandais afin de dresser des comparaisons entre nos pays.

Notre rapport a certes mentionné que l'objectif de neutralité carbone en 2050 est cohérent avec l'accord de Paris, mais nous rappelons aussi que cet objectif n'exprime pas à lui seul l'entière responsabilité de la France. Les transports aériens internationaux en particulier n'étaient pas inclus dans la loi relative à l'énergie et au climat. Le Gouvernement s'est engagé à les inclure à partir de 2022 ou 2023 dans l'objectif de neutralité carbone, ce que nous avions recommandé, dans la mesure où l'on peut estimer la fraction de ce trafic qui est de la responsabilité de la France.

Concernant l'empreinte carbone, la situation est un peu plus difficile, puisqu'on ne la contrôle pas entièrement. Les mesures mises en place au niveau national permettent de diminuer les émissions territoriales et ainsi l'empreinte carbone, notamment en matière de sobriété énergétique. En revanche, on ne dispose pas encore de leviers pour ce qui est de la consommation de produits importés. L'Union européenne devrait à son tour adopter un objectif de neutralité carbone pour 2050, ce qui permettra de réduire l'empreinte carbone des produits européens ; il restera les produits importés depuis le reste du monde.

La taxe carbone est structurante et importante, parce qu'elle permet à l'ensemble de la société de réduire ses émissions de façon plus efficace et économique. En revanche, elle n'est pas juste : elle touche davantage les personnes les plus démunies ; c'est pourquoi elle est mal acceptée. Nous avons formulé des recommandations pour en faire une taxe à la fois efficace et acceptable. Il faudrait notamment qu'il soit clair que la finalité de cette taxe n'est pas d'apporter un revenu à l'État, mais de restructurer l'économie de manière à ce que le prix des activités qui émettent des gaz à effet de serre soit plus élevé et reflète leurs dommages environnementaux. L'utilisation des recettes doit être complètement transparente. Par ailleurs, l'assiette de cette taxe doit être refondue pour qu'elle soit plus juste et vise un plus grand nombre d'acteurs : sa conception actuelle est trop focalisée sur le transport et le bâtiment. Il faut en outre réévaluer la redistribution aux ménages les plus modestes et procéder à des investissements dans les infrastructures de manière à être moins dépendants de l'automobile. Si les citoyens ne disposent pas d'une alternative à la voiture, même avec les taxes les plus élevées possible, il n'y aura pas de changement !

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