Il est indiscutable que la plupart des musées européens ont effectué un gros travail sur la provenance des oeuvres et leur description. Nous faisons ce travail au Quai Branly depuis 20 ans - sans vouloir critiquer les autres musées, la qualité des fiches qui ont accompagné les objets transférés du musée de l'Homme était inégale... elles se bornaient souvent à « don de M. Untel » ou « legs de Mme Unetelle ». Il a fallu rechercher le lien avec l'Afrique, la période où il a été collecté...
Les grandes opérations de collecte - telles que la croisière noire ou la croisière jaune - n'ont pas été suivies administrativement. On ne connaît pas bien l'origine des crédits d'acquisition, sans compter que les collecteurs gardaient certaines pièces pour eux.
Le ministre insiste beaucoup sur ce travail concernant l'origine des pièces. Nous avions commencé à le faire mais il faut que les musées accélèrent. L'Allemagne est en train de le faire : elle va en effet ouvrir à Berlin, ancienne capitale du Reich, le Humboldtforum, qui sera un musée plus traditionnel que le quai Branly, lequel se voulait plutôt un Centre Pompidou des cultures du monde avec l'idée d'un dialogue entre les arts et les techniques. En ouvrant un musée destiné à présenter les cultures du monde, les Allemands ont assez peur de la manière dont l'opinion publique, qui a évolué très rapidement, va réagir.
Notre système d'enseignement de l'histoire de l'art ne favorise pas la connaissance de ces collections. Il y a très peu d'enseignements sur l'art africain à l'université ; l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA) se penche sur le sujet mais c'est relativement nouveau. C'est ce qui explique que l'on manque de spécialistes parmi les lauréats du concours.
Oui beaucoup de pays ont procédé à des restitutions. Les Britanniques n'ont pas rendu leurs têtes maories, mais la commission dont je vous ai parlé sert de soupape. Pour dire les choses clairement, les Britanniques restituent des objets de manière à ne pas avoir à restituer les marbres d'Elgin (Sourires). Les Néerlandais et les Belges ont restitué des oeuvres - pas toujours avec succès : des oeuvres rendues par la Belgique au Zaïre se sont vite retrouvées sur le marché ; les Néerlandais ont restitué un totem d'une région du Canada à des populations dont l'on sait avec quasi-certitude qu'elles n'occupaient pas cette région à l'époque de son acquisition...