Intervention de Stéphane Martin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 février 2020 à 9h40
Restitution des oeuvres d'art — Audition de M. Stéphane Martin ancien président de l'établissement public du musée du quai branly - jacques chirac

Stéphane Martin, ancien président de l'établissement public du musée du Quai Branly - Jacques Chirac :

Ces deux institutions sont très sensibles au vent de l'histoire. Étrangement, leurs membres ne sont pas nécessairement des conservateurs de musée. Elles ont de fait proposé une définition du musée qui ne cadre pas du tout avec la conception française que l'on retrouve par exemple dans la loi musées de 2002.

Concernant le soutien à la politique muséale en Afrique, Franck Riester mène actuellement une mission sur l'accompagnement de la restitution des oeuvres de Béhanzin et la construction d'un musée à Abomey, mission à laquelle nous participons et quelque peu complexe sur les plans politique et juridique.

Nous coopérons avec un certain nombre de musées africains. Le musée du Quai Branly va organiser l'année prochaine une exposition sur la route des chefferies, exemple d'objets muséographiques conçus par des Africains pour un public de touristes occidentaux et de visiteurs africains. Dans un ensemble de petits royaumes camerounais ont été créés des musées pour que les rois locaux conservent leurs regalia et les trésors de leurs chefferies. Nous voulons montrer qu'il existe des solutions muséographiques spécifiques à l'Afrique qui ne sont pas forcément celles du musée occidental.

La question de l'universalité, soulevée par Laure Darcos, est très importante, mais elle n'est pas toujours facile à faire entendre par nos interlocuteurs. Par exemple, le bâtiment abritant le musée de Dakar, bien conçu par ailleurs, a été construit par les Chinois sans contenu préalablement défini. Les Sénégalais ont décidé d'en faire, non pas un musée du Sénégal ou même de l'Afrique, mais un musée de l'histoire des civilisations noires, à partir des travaux de Cheikh Anta Diop. Cela nécessitait l'acquisition de collections situées hors du Sénégal - sollicitée, l'Égypte n'a pas donné suite.

Nous avons été sollicités par ce musée pour la constitution d'une vitrine de masques. Nous leur avons alors proposé de leur confier également des masques japonais, suisses, ce qu'ils ont accepté.

Un an après l'ouverture, Laurent Le Bon, président du musée Picasso, leur a proposé une exposition Picasso, manière pour eux d'entrer dans la communauté des musées, dans le flux de prêts entre musées. Malheureusement, je crains que cette exposition n'ait pas lieu, le directeur du musée de Dakar l'estimant hors sujet par rapport à l'objet du musée.

Mme Laborde disait que c'est le pays qui reçoit qui décide. Il faudrait que cette question soit tranchée. Le Président de la République a employé le mot « restitution » à dessein pour ne pas frustrer ses auditeurs, mais cela a des conséquences. Le rapport Sarr-Savoy propose un retour à l'état antérieur des objets. Selon moi, on peut distinguer deux dimensions dans la restitution : une restitution de musée à musée pour la vie muséale internationale ; une restitution tout court, option plus radicale.

Travailler de musée à musée permet d'éviter cette forme de mise sous tutelle qu'évoquait Mme Vérien, les restitutions ne se faisant pas sous contrôle. Le rapport Sarr-Savoy souligne la nécessité de ne pas infantiliser les bénéficiaires de ces restitutions.

L'organisation de ces transferts dans le cadre d'une politique patrimoniale conjuguant politique de retour d'objets et politique de soutien aux musées réglerait une grande partie des problèmes.

Ce qu'il s'est passé au Zaïre il y a une vingtaine d'années à la suite des restitutions par le musée Tervuren ne serait plus possible aujourd'hui : les Africains demanderaient des comptes si les objets devaient connaître un mauvais destin. N'oublions pas que nous sommes désormais à l'heure de l'internet et des réseaux sociaux.

Madame Blondin, j'ignorais qu'il était prévu de supprimer la Commission scientifique nationale des collections. Indiscutablement, cette commission ne fonctionne pas aujourd'hui. Mais peut-être, dans l'esprit du ministère, ne s'agit-il pas nécessairement d'un acte hostile ; peut-être veut-il la remplacer par autre chose ?

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