Intervention de Enrique Martinez

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 février 2020 à 9h30
Audition de M. Enrique Martinez directeur général du groupe fnac darty

Enrique Martinez, directeur général du groupe Fnac Darty :

Membre du groupe depuis vingt et un ans, j'en suis le principal dirigeant depuis 2017. Les défis sont énormes. En France, le commerce a été affecté, notamment ces deux dernières années, par certains mouvements dans des périodes critiques, dont les fêtes de fin d'année. Mais les difficultés tiennent principalement à l'énorme pression des acteurs mondiaux du digital, qui ont profondément modifié les règles du jeu dans le secteur de la distribution. Les pure players ont des moyens illimités leur permettant d'avoir des pertes importantes sur leur activité commerciale, ce qui n'est pas à la portée des acteurs du commerce traditionnel. Ils ont ainsi pu faire progresser très significativement la vente en ligne.

Nous avons en France et en Europe des champions de la distribution qui se battent pour rester présents sur les marchés. Ailleurs dans le monde, les acteurs du commerce traditionnel qui étaient un peu faibles ont disparu. Mais nous sommes confrontés à des fermetures de commerces physiques, et le phénomène risque de s'aggraver dans le futur.

Voilà quatre ans que la Fnac et Darty font partie du même groupe. C'était une chance inouïe pour créer un vrai champion de la distribution des produits électroniques, électroménagers et culturels. Cela nous a donné une taille suffisante pour pouvoir investir davantage sur l'expérience client et rester leader sur toutes nos catégories des produits en France. Le modèle que nous développons est complètement différent de celui des pure players. Notre réseau de magasins est extraordinaire. Nous continuons à le développer partout en France. Nous avons bâti un modèle complémentaire entre le physique et le digital.

Les clients veulent la simplicité et la facilité d'accès du digital. Mais l'expérience du magasin vient en complément. L'avantage concerne aussi l'économie et la responsabilité sociale des entreprises (RSE), car le coût des livraisons dans les centres-villes est élevé.

Le groupe est un acteur engagé de l'économie française et européenne. Nous prenons des initiatives pour qu'il puisse jouer un rôle de leader et de référent dans une économie de plus en plus circulaire. Nous avons 26 000 collaborateurs, dont 19 000 en France, et 600 magasins. Nous continuons à faire des ouvertures, grâce à une politique de développement de la franchise. Il a été décidé voilà quelques années de permettre à des entrepreneurs indépendants ayant souvent d'énormes problèmes économiques de s'associer à notre réseau. Cela a été un axe majeur de développement de notre activité.

Pour compléter notre offre, nous avons acquis Nature & Découverte, marque exemplaire, dont plus de 60 % des produits sont fabriqués en France, permettant de renforcer l'activité dans les magasins et sur internet. Nous développons l'enseigne dans d'autres pays.

Nous avons bâti des partenariats avec des groupes français, ayant constaté que, malgré notre taille, nos moyens étaient limités pour développer des activités ou des services. Les accords concernent des groupes comme Deezer, Orange ou Kobo.

Aujourd'hui, 20 % du chiffre d'affaires est généré en digital. Plus de la moitié de la volumétrie revient au magasin, permettant d'avoir un flux très significatif.

Nous avons un souci de qualité de l'expérience. Il y a plus de 5 millions de transactions par an, d'où un énorme besoin de formation et d'accompagnement.

Le groupe a une politique forte de recrutement de jeunes, avec plus de 1 000 contrats en alternance en France. Les possibilités de développement de carrière offertes à des jeunes à faible formation jouent un rôle d'ascenseur social. En outre, la politique de promotion interne est très affirmée, surtout dans les magasins.

Nous sommes, je pense, les mieux placés de notre secteur s'agissant de l'égalité entre les hommes et les femmes, qui représentent 38 % de nos effectifs. Le conseil d'administration est à parité, et il y a 40 % de femmes au sein du comité exécutif. De même, nous avons l'un des taux les plus élevés d'emploi de personnes handicapées, 5 %.

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux effets de l'activité sur la planète. Historiquement, Darty a été un des groupes les plus mobilisés au monde en la matière, réparant plus de 1,2 million de produits chaque année. Plus de 2 000 personnes sont exclusivement dédiées à cette tâche, soit à domicile, soit en atelier.

Nous avons intégré les nouveaux outils offerts par le big data. Le baromètre du service après-vente (SAV) permet d'informer les consommateurs sur la qualité attendue des produits. Nous avons introduit un label « choix durable » pour les produits dont la durée de vie sera la plus longue possible. Cela combine capacité à réparer et durabilité, y compris des pièces disponibles. Nous sommes ravis d'avoir amené certains industriels à prolonger, parfois à doubler la durée de vie des pièces détachées.

Des acteurs de taille bien plus importante peuvent avoir une politique de paiement des impôts complètement différente de la nôtre. Ils continuent ainsi à ouvrir des entrepôts en Europe ou en France avec des sommes que notre groupe dédie à ses obligations fiscales.

Ce n'est pas la seule distorsion. Les règles en matière d'utilisation des données des cartes bancaires des clients, selon que l'hébergement est en France ou ailleurs, par exemple au Luxembourg, procurent à d'autres des avantages d'utilisation et de simplicité sur les modes de paiement, alors que les mêmes pratiques sont interdites aux e-commerçants français. Ce n'est peut-être pas très visible au quotidien, mais les écarts sur les taux de transformation et la perte de bases clients sont énormes. Il sera de plus en plus difficile de se battre dans ces conditions. Les consommateurs, qui considèrent la simplicité des paiements comme un énorme avantage, ne comprennent pas que des acteurs comme la Fnac ou d'autres groupes ne proposent pas de tels services. C'est bien un problème de réglementation.

Face à la pression à laquelle ils sont soumis, les commerces physiques doivent se transformer. Certaines lois françaises n'intègrent pas encore complètement l'effet de l'e-commerce au regard de la concurrence.

Cela limite énormément la capacité de transformation intelligente du commerce physique, et les conséquences peuvent être désastreuses.

Sur certains sujets, le diagnostic est fait : la distorsion de concurrence est importante. La question est : comment le législateur est-il capable de soumettre tous les acteurs à des règles qui fassent que chacun, avec ses armes, puisse satisfaire ses clients ?

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