Le commerce de demain portera, comme cela a toujours été le cas, sur les valeurs. Les clients cherchent du sens, de la confiance, face à un hyper-choix qui les perd parfois. Il est fondamental de proposer des marques de confiance. Toutefois, nous constatons que les clients ont parfois des comportements contradictoires : ils déclarent être sensibles aux valeurs, mais ce n'est pas toujours décisif lors du choix final, hypersensible au prix. Le phénomène de prix n'a jamais été aussi présent qu'aujourd'hui, quand la comparaison est immédiate, à portée de téléphone. Oui, il faut donner du sens, mais des marques qui ne sont pas aussi éthiques ou bienveillantes que d'autres peuvent quand même l'emporter par le prix.
Nous avons lancé nos sites internet en 1999. Ces derniers temps, la pénétration du commerce en ligne a progressé de 1 point par an. Dans les secteurs où la différence de prix entre commerces physique et en ligne n'est pas si importante, la pénétration de ce dernier est moins grande. Il y a une corrélation directe entre pénétration du commerce en ligne et prix plus bas. C'est ainsi que le e-commerce s'est imposé dans beaucoup de pays.
Deux facteurs sont à considérer pour modéliser l'évolution de la pénétration du commerce en ligne : la limite du modèle de vente à perte qui impose une pression trop forte sur les prix de certains secteurs d'activités, et la capacité de résistance des acteurs du commerce physique. Le commerce en ligne a aussi progressé là où le commerce physique a disparu, entraînant une perte de choix. Un consommateur qui ne dispose plus de librairie mais veut continuer à lire est obligé de passer par une plateforme.
La livraison constitue un sujet majeur. La loi Lang sur le livre a autorisé la facturation des frais de livraison à un centime, la gratuité étant interdite. Si l'on applique cette offre à l'ensemble du secteur, pour les commerçants en ligne, il est très difficile d'absorber des frais de livraison de plus en plus chers, si ce ne sont pas les magasins qui assurent le rôle de point de retrait. Nous avons cet avantage sur les commerçants uniquement en ligne. C'est une distorsion de concurrence.
Nous sommes très attentifs au phénomène de place de marché. Beaucoup d'acteurs hébergent des commerçants installés hors de l'Union européenne, en Chine ou ailleurs en Asie, qui vendent des produits à des tarifs impossibles, parfois plus bas que ceux auxquels mon groupe les achète. Ce n'est pas normal. Il existe probablement un manquement de déclaration de la TVA. Nous avons signé l'an dernier la charte de déontologie du Gouvernement sur le sujet. Nous soutenons sa mise en exécution.
Le point de vigilance concerne les plateformes de place de marché qui ne sont pas hébergées en France : que faire avec une plateforme italienne qui vend en France des produits chinois ou thaïlandais ? Le commerce en ligne provoque des distorsions de concurrence très significatives. À nous de trouver les bonnes règles du jeu pour rétablir la concurrence.