Comme vient de l'indiquer notre présidente, cette proposition de loi traite de sujets que nous connaissons bien, puisque nous les avons déjà examinés à plusieurs reprises.
Lors des débats sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (Egalim), tout d'abord, neuf des douze articles qui nous sont soumis ce matin ont été examinés par les deux assemblées. Ces éléments n'avaient pas leur place, malgré leur intérêt majeur pour les filières, dans cette loi - nous l'avions dit - et la censure de ces articles par le Conseil constitutionnel faute d'un lien même indirect avec le texte l'a confirmé. Depuis cette censure en octobre dernier, plusieurs propositions de loi entendent reprendre, en totalité ou en partie, ces articles consensuels.
C'était le cas de la proposition de loi de notre collègue Gilbert Bouchet sur la Clairette de Die ou de la proposition de loi que j'ai déposée, avec nombre d'entre vous, sur la déclaration de récolte obligatoire et l'autorisation de certaines cessions à titre onéreux de semences non inscrites au catalogue.
C'était surtout le cas de la proposition de loi de Mme Marie-Pierre Monier et de l'ensemble des membres du groupe socialiste et républicain qui avait permis au Sénat, dès le mois de mars 2019, soit un trimestre après la censure du Conseil constitutionnel, de proposer de reprendre les articles les plus importants. Cette démarche nous avait permis d'avoir un débat nourri sur des rédactions de compromis que nous avions travaillées dans un esprit de consensus. C'était une démarche essentielle et il faut saluer l'initiative proposée par Mme Monier et ses collègues.
Enfin, le groupe La République en Marche a déposé, à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi reprenant huit articles censurés. Elle est aujourd'hui constituée de douze articles, parmi lesquels neuf ont déjà fait l'objet d'un examen en séance publique au Sénat.
On le voit, les positions des deux assemblées et de l'ensemble des groupes politiques parlementaires convergent, et il faut s'en féliciter. C'est d'ailleurs cette convergence qui a motivé le Gouvernement à inscrire la proposition de loi sur son ordre du jour. Permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer cette démarche.
Il découle de cette situation particulière que notre mission aujourd'hui n'est pas de refaire des débats que nous avons déjà eus, mais de nous concentrer sur l'essentiel, à savoir travailler à la rédaction d'une loi de qualité, entrant en vigueur le plus rapidement possible. Nous devons conserver le souci de l'efficacité.
Avec Henri Cabanel, notre travail a été guidé par trois exigences : l'amélioration du texte pour corriger les éléments les plus problématiques sans ajouter de nouveaux sujets ; la recherche de solutions consensuelles sur les sujets afin d'éviter d'ajouter au débat des points durs qui bloqueraient l'adoption de la proposition de loi ; la quête d'un équilibre entre un raffinement juridique, toujours utile, et la nécessaire réponse aux demandes urgentes de nos filières agricoles qui demandent une entrée en vigueur de la loi le plus rapidement possible. En effet, ces articles sont très attendus par ces filières. Dans les faits, ils les attendent depuis octobre 2018. Certes, le Parlement doit prendre son temps, mais il doit aussi savoir accélérer le rythme, quand cela est nécessaire et quand un consensus est susceptible de se dégager. Il sera donc nécessaire, si vous me permettez l'expression, de « prioriser » nos combats sur les sujets qui nous paraissent les plus importants pour l'intérêt général.
J'attire effectivement votre attention sur le risque majeur de cette proposition de loi, à savoir se retrouver coincée dans une navette parlementaire. Si notre texte n'est pas conforme, il sera renvoyé à l'Assemblée nationale. S'il n'est pas adopté conforme, il reviendra de nouveau au Sénat pour ensuite, éventuellement, faire l'objet d'une commission mixte paritaire et, en cas de désaccord, d'une nouvelle lecture dans chacune des chambres. Autant dire que cette proposition de loi n'entrera jamais en vigueur compte tenu de l'ordre du jour parlementaire, avec le projet de loi sur les retraites !
C'est pour conjurer ce risque que nous avons souhaité travailler en amont avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Barbara Bessot Ballot, dont je tiens à saluer la présence parmi nous ce matin, pour faire converger le plus possible nos rédactions. Cette initiative a permis, me semble-t-il, d'expliquer à nos collègues députés nos interrogations et nos éléments de réflexion. Grâce à l'écoute de la rapporteure, nous sommes sans doute parvenus à véritablement progresser sur de nombreux points.
Au total, sur les douze articles de la proposition de loi, sept ont été adoptés en des termes conformes ou quasi conformes, sous réserve de quelques divergences rédactionnelles.
Parmi eux, certains articles sont très attendus.
À l'article 1er, les députés ont retenu la solution dégagée au Sénat dès 2018 de l'affichage par ordre décroissant de tous les pays d'origine des miels présents dans un mélange. C'est la solution allant le plus loin en toute conformité avec le droit européen. Il faut se féliciter de la reprise de cette rédaction.
À l'article 2 ter est interdit le recours à des dénominations animales pour des produits végétaux.
L'article 3 ouvre de nouveau la possibilité pour nos producteurs de fromages fermiers d'affiner leurs fromages à l'extérieur de leur ferme, tout en continuant à bénéficier de l'appellation « fermier » - nous y reviendrons.
Enfin, l'article 8 rétablit le caractère obligatoire de la déclaration de récolte, amendement que nous avions ajouté dans la loi Egalim et que nous avions proposé de nouveau dans une proposition de loi au mois de mars dernier.
Demeurent quelques sujets presque nouveaux que nous avons à étudier.
Certains d'entre eux constituent des avancées significatives. L'article 2 bis établit un affichage obligatoire des viandes porcines et ovines, des viandes de volaille et de la viande hachée en restauration hors foyer. C'était le cas pour la seule viande bovine ; désormais, ce sera le cas pour toutes les viandes. Il faut vraiment se réjouir d'un tel article à l'heure où 75 % de la viande consommée dans les restaurants est importée, sans que le consommateur en soit informé - c'est ce qu'indiquait le rapport de notre collègue Laurent Duplomb.
Certes, il demeure quelques sujets de désaccord technique. Je pense par exemple au sujet des semences potagères vendues à des jardiniers amateurs, qui est traité à l'article 8. Depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages subsiste un contentieux que l'on connaît bien sur la compatibilité entre la solution proposée, à savoir sortir du catalogue des semences vendues à des jardiniers amateurs qui ne suivent pas des fins commerciales, et le droit européen. Cela fait quatre ans que ce contentieux dure sans qu'il n'ait jamais été tranché formellement ; seule la Commission européenne peut y répondre. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter l'article tel quel et, comme cela est prévu dans le droit européen, de le notifier pour que la Commission tranche enfin ce débat.
Bien sûr, il demeure des sujets problématiques. Henri Cabanel exposera le problème posé par l'étiquetage des bières. Je pense, pour ma part, à un ajout effectué par l'Assemblée nationale à l'article 1er sur le cacao, qui pourrait, tout comme les semences, être contraire au droit européen et pourrait ne pas être applicable.