Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 février 2020 à 17h05
Politique de coopération — Ouverture de négociations en vue d'un nouveau partenariat entre l'union européenne et le royaume-uni : examen d'une proposition de résolution européenne et d'un avis politique

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous sommes contraints par ce calendrier particulier. Le Royaume-Uni ne peut pas espérer à la fois conserver le bénéfice de certaines dimensions de la construction européenne et s'exonérer d'autres aspects de cette construction ressentis comme contraignants : la liberté que le Royaume-Uni entend retrouver en se retirant de l'Union a nécessairement un prix. Cela est particulièrement important en matière de services financiers. Le négociateur en chef de l'Union européenne a indiqué qu'il n'y aurait « pas d'équivalence générale, globale ou permanente sur les services financiers ». C'est évidemment un point sur lequel nous insistons. Selon la directrice générale du Trésor, Mme Renaud-Basso, que vient d'auditionner la commission des finances, une équivalence serait accordée sur certains services financiers, mais elle serait révisable et révocable dès que le Royaume-Uni montrerait des velléités de diverger.

Nous insistons également sur la nécessité de parvenir à un accord sur la pêche. C'est une condition sine qua non pour permettre la conclusion d'un accord d'ensemble. Cela figure bien dans le projet de mandat, mais nous insistons particulièrement sur ce point. J'aimerais que nous y consacrions du temps avant l'été. Je crois que nous allons revivre à grande échelle ce que j'ai vécu à petite échelle avec Guernesey : Londres s'est empressée de dénoncer l'accord de 1964 liant les îles anglo-normandes et les Vingt-Sept ; mais, en dix jours, le problème a été résolu. Les pêcheurs de Guernesey se sont fait prendre en otage par Londres, mais le comité régional des pêches de Normandie a réagi en proclamant que si les Français n'avaient plus accès aux eaux britanniques, les Britanniques n'auraient plus accès aux criées de Normandie. Le matin, 46 licences ont été émises au prix de 100 euros, puis elles ont été gratuites. Cela risque de se passer de la même façon. Il faut dire que les pêcheurs français prennent parfois jusqu'à 60 % de leurs poissons dans les eaux britanniques, en particulier écossaises, mais que 75 % du poisson pêché par les Britanniques est vendu dans l'Union européenne.

Nous considérons que le niveau d'ambition du partenariat sera directement corrélé au niveau d'harmonisation des normes, dans un contexte où, pour la première fois, l'enjeu est de gérer une volonté de divergence réglementaire.

Comme l'a fait le Parlement européen dans sa résolution adoptée le 12 février, nous relevons que le niveau d'ambition le plus élevé suppose une harmonisation dynamique des normes. J'ai bien entendu les propos tenus par David Frost, qui rejette tout alignement dynamique et dénonce par avance le traitement injuste qui serait fait au Royaume-Uni, par rapport à d'autres États ayant conclu des accords de commerce.

Mais le Royaume-Uni n'est pas dans la position classique des autres États avec lesquels nous contractons. L'imbrication des économies britannique et européenne est sans commune mesure avec celle des autres États. La proximité géographique se passe de commentaire. Or, pour la première fois, nous sommes confrontés à nos frontières immédiates, je le souligne à nouveau, à un État qui veut diverger pour nous faire concurrence, et à non à un État qui souhaite converger.

Nous relevons donc les enjeux relatifs aux conditions de concurrence loyale, équilibrée et équitable, notamment l'importance des sujets relatifs à l'environnement et à la lutte contre les changements climatiques, au moment où le Pacte vert pour l'Europe est l'une des priorités de la Commission européenne.

Nous souhaitons que des mesures de sauvegarde puissent être envisagées pour des produits sensibles. Celles-ci pourraient ainsi être activées si les produits concernés sont importés dans l'Union dans des quantités tellement accrues et à des conditions telles qu'ils causent ou menacent de causer un préjudice grave aux producteurs de l'Union fabriquant des produits similaires ou directement concurrents.

Nous avons également plaidé pour renforcer le mécanisme de règlement des différends, qui doit être crédible, réactif et dissuasif. Il sera forcément différent de celui qui est prévu par les autres accords de libre-échange. Nous insistons en effet sur la qualité de la gouvernance, le suivi de l'accord et le mécanisme de règlement des différends. Ce sera un point important pour la crédibilité d'ensemble.

Le Royaume-Uni et l'Union devront mettre en place des organismes indépendants dotés de moyens suffisants pour veiller au respect des engagements pris.

Le Royaume-Uni devra, et c'est un point fondamental, reconnaître la compétence exclusive de la Cour de justice de l'Union européenne pour apprécier le droit européen. C'est un chiffon rouge pour les Britanniques, mais c'est nécessaire s'ils veulent rester dans certaines agences de l'Union européenne...

Enfin, nous demandons expressément que les parlements nationaux soient étroitement et régulièrement informés, en temps utile, de l'évolution des négociations, tout au long de celles-ci. C'est là un enjeu démocratique majeur !

S'agira-t-il d'un accord mixte, d'un accord simple ? La question n'est pas tranchée.

Sur le fondement du rapport qui vous a été présenté, je vous invite à formuler vos éventuelles observations.

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