Intervention de Michel Amiel

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 février 2020 à 9h00
Risques liés au coronavirus covid-19 et les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre sa transmission — Audition

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

Les tests diagnostic mis au point pour détecter la maladie présentent-ils des trous dans la raquette - autrement dit, y a-t-il des faux négatifs ?

Qu'en est-il de la fiabilité des publications chinoises ? Didier Raoult estime que l'étude sur l'efficacité de la chloroquine est fiable mais que, pour des raisons qui sont ce qu'elles sont, elle n'est pas acceptée au niveau international.

De la discussion scientifique, nous glissons vers un débat de communication et de politique ; d'aucuns évoquent la fermeture des frontières. Ne faudrait-il pas dédramatiser la situation ?

Pr. Jérôme Salomon. - L'inefficacité des portails thermiques fait l'objet d'un consensus scientifique international. La fièvre peut être masquée par du paracétamol ou des anti-inflammatoires, elle peut également varier ; sans compter les cas asymptomatiques, rapatriés puis testés positifs. Tous les pays qui les ont mis en place, dont l'Italie et les États-Unis, n'ont pas eu de résultats. C'est visuellement rassurant, mais ce n'est pas la bonne technique. La meilleure réponse est soignante ; elle consiste à tester et examiner les patients, à répondre à leurs questions.

La France dispose à la fois de chambres à pression négative et de chambres d'isolement : la distinction est importante car lorsque les chambres d'isolement ont une capacité importante de renouvellement de l'air, les chambres à pression négative ne sont pas nécessaires. D'après le premier audit, nous avons 2 400 lits répartis dans 108 établissements, entre les départements des maladies infectieuses d'une part, les soins intensifs et la réanimation de l'autre. Il convient de les réserver aux cas les plus graves : pour les formes bénignes, notamment les enfants, la meilleure solution est le maintien à la maison.

En revanche, les capacités de réanimation sont par définition limitées, et il convient d'éviter les pertes de chances pour d'autres patients. C'est une question éthique. Des techniques lourdes comme la circulation extra-corporelle commencent à être évoquées en Chine.

Le point le plus significatif, dans cette épidémie, est la forte mortalité, plus importante que celle de la grippe chez les adultes de moins de 75 ans. Je suis très attentif à la formation de terrain : les directives doivent être connues des professionnels sur site et des libéraux. Nous travaillons aussi avec les Ehpad pour déterminer la conduite à tenir.

L'arsenal législatif nous permet de réagir de façon adaptée. Le sénateur Amiel a récemment déposé une proposition de loi sur le sujet. La collaboration entre ARS, préfets et collectivités locales se déroule bien. La communication de proximité, comme l'annonce que nous allons délivrer dans quelques heures au sujet du cas grave d'Amiens, est de nature à rassurer nos concitoyens.

Enfin, la fermeture des frontières est dénuée de sens au point de vue scientifique. Le virus circule déjà dans plus de quarante pays, et la circulation est libre dans l'espace Schengen. Comme l'a souligné Olivier Véran, l'Italie, c'est presque la France. Imagine-t-on une frontière entre l'Occitanie et PACA ? Les épidémiologistes délivrent le message suivant : cela n'a pas de sens d'utiliser un filet de pêche pour attraper une fourmi ; en revanche il faut attraper toutes les fourmis, grâce à un système d'alerte et de détection précoces permettant de reconstituer la chaîne de transmission. C'est un enjeu important de communication.

Pr. Geneviève Chêne. - Une étude de modélisation de l'école de santé publique de Londres montre que moins de la moitié des cas seraient détectés par des portails thermiques. À l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, nous avons mis en place la prise de température par des réservistes à l'aide d'un appareil individuel.

Concernant la transmission nosocomiale, les données fournies par les centres chinois de contrôle des maladies sont considérées comme fiables. 4 % des 45 000 premiers cas, 1 716 exactement, ont touché des professionnels de santé, dont les deux tiers à Wuhan et 23 % dans la région du Hubei. Cela permet de tirer quelques conclusions pour la préparation du système de santé, en particulier l'importance de la disponibilité des masques FFP2 : le délai de reconnaissance et de prise en charge de l'épidémie a sans doute contribué, dans le Hubei, aux transmissions nosocomiales.

Il est particulièrement important de disposer d'un système de remontée de données en temps réel, pour analyser la situation et les scénarios d'évolution. Ces données doivent remonter pour être consolidées à un échelon coordonné, ce qui est le cas en France au niveau national.

Pr. Catherine Leport. - La question de la disponibilité des lits d'infectiologie et de réanimation prend de plus en plus d'importance, dans la perspective de la préparation à une épidémie de grande ampleur. Elle s'est déjà posée lors de la pandémie grippale de 2009. C'est aussi une question éthique, et cette dimension sera prise en compte par le Haut conseil de santé publique, comme vous l'avez demandé.

En ce qui concerne la transmission nosocomiale, les cabinets médicaux seront sans doute très sollicités ; ils doivent donc disposer de masques ou de kits de protection appropriés. En effet, pour protéger l'hôpital, pour que celui-ci se consacre aux formes les plus graves, il faut que les formes bénignes de la maladie, très majoritaires, soient prises en charge en ville ; cela implique que les professionnels aient le matériel requis.

Je ne saurais vous indiquer avec précision quel est l'impact des fiches de la mission Coreb ; nous devions conduire une étude d'impact, mais l'actualité nous a empêchés de le faire. Ces fiches sont destinées aux tout premiers soignants qui voient les premiers patients. Ces premiers soignants doivent savoir comment réagir de façon adaptée, sans être trop alarmiste ni solliciter excessivement les structures. Ces fiches semblent apporter une certaine satisfaction puisque l'on nous demande d'en refaire régulièrement.

Les tests diagnostiques sont très importants pour les cliniciens. Cela dit, quand un test est négatif, l'examen clinique prime et on peut refaire le test. Cela n'est du reste pas propre à cette maladie ; les virologues s'accordent pour dire que les tests ne semblent pas plus souvent négatifs qu'avec d'autres maladies infectieuses. Des recommandations seront bientôt transmises pour préciser la conduite à tenir en cas de test négatif ; il est parfois raisonnable de contrôler la négativité, car il peut y avoir des phénomènes de rebond.

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