Intervention de Jérôme Salomon

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 février 2020 à 9h00
Risques liés au coronavirus covid-19 et les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre sa transmission — Audition

Jérôme Salomon :

Je suis très attentif à ce que l'ensemble de la communauté française réponde de la même façon, y compris en outre-mer. Nous avons évidemment la même démarche dans tous nos territoires, même dans ceux qui n'ont pas la même organisation. Le virus arrivera n'importe où et il n'y a pas de raison que le virus sorte dans un endroit où tout est prêt et organisé pour l'accueil des patients. Cela m'obsède depuis plusieurs semaines ; tous les territoires doivent être équipés pour faire le test et pour savoir que faire. Les ARS et les préfets des Antilles sont très actifs ; ils doivent faire beaucoup de communication de proximité.

Il y a aussi des enjeux de relations intra-Caraïbes. Je suis en relation étroite avec le directeur général de l'ARS, notamment pour ce qui concerne les croisières.

Madame Lassarade, je n'ai pas connaissance de gravité particulière pour les femmes enceintes. Quant aux enfants, ils ne sont pas asymptomatiques, ils n'ont pas de forme grave, c'est pourquoi ils peuvent être vecteurs avec des formes bénignes. Il faut donc créer un réflexe de circuit infectieux, en particulier en pédiatrie ; ainsi, en cas d'éruption fébrile - rougeole -, de diarrhée fébrile - très contagieuse - ou de toux fébrile, le patient doit être pris en charge de façon spécifique, sans rester quatre heures en salle d'attente des urgences.

On a déjà été amené à fermer trois écoles, aux Contamines-Montjoie, pour un cas, qui n'était d'ailleurs pas inquiétant. On peut donc l'envisager s'il y a un foyer quelque part. Toutefois, il y a une difficulté doctrinale : quand doit-on rouvrir les établissements ? Par ailleurs, il vaut mieux laisser les enfants revenant de zones où circule activement le virus en « quatorzaine » à la maison, car on ne peut pas leur demander de prendre les précautions que l'on exige des adultes.

Les masques périmés ne le sont qu'en raison de leurs élastiques ; c'est plutôt rassurant. On a un stock stratégique de masques chirurgicaux et une commande de masques spécifiques pour les professionnels de santé. L'enjeu, pour les libéraux, est de concevoir un système simple d'accès aux masques. L'idée sera d'aller les chercher au plus près du cabinet, sans doute via les officines.

Pr. Arnaud Fontanet. - Attendons déjà de voir si la chloroquine a un effet. Pour l'instant, il est prématuré de se prononcer sur la manière dont elle pourrait être utilisée. Il est vrai que c'est une piste intéressante, parce que le médicament est d'ores et déjà disponible, qu'il a peu d'effets indésirables, qu'il bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché, etc.

Pour ce qui est du climat, on sait qu'un certain nombre de virus respiratoires sont saisonniers et préfèrent les périodes hivernales. Cela tient peut-être en partie au fait que certains virus résistent mieux dans le froid et les climats secs. Cela s'explique aussi par le fait que, pendant les périodes hivernales, les gens vivent beaucoup plus en intérieur et de manière beaucoup plus confinée, ce qui favorise la transmission des maladies respiratoires.

me souffle que le coronavirus Mers, actif dans les pays du Golfe, résiste bien aux températures élevées. Il me semble donc que, pour l'instant, on ne peut pas statuer sur l'impact éventuel sur le coronavirus d'un réchauffement des températures avec l'arrivée du printemps et de l'été, même si je sais que le président américain s'est montré, sur ce point, assez optimiste.

Pour ce qui concerne la distance à respecter pour éviter le risque de transmission, nous sommes obligés de fixer une règle pour nous faciliter la tâche. En effet, dans le travail d'investigation que réalisent Santé publique France et les ARS sur les personnes qui ont été en contact avec un malade, les niveaux d'isolement et de confinement dépendent du degré de contact, étroit ou plus faible, avec celui-ci. La distance de 1 à 1,5 mètre que nous utilisons est celle des postillons, dont on sait qu'ils sont les principaux vecteurs de transmission. La fixation d'une règle est nécessaire pour faciliter la tâche des personnes chargées de faire le travail. Il existe des publications on ne peut plus sérieuses, par exemple du MIT, qui ont mesuré la distance des postillons émis par des gens qui toussent ou éternuent. Ce n'est donc pas complètement laissé à l'appréciation personnelle...

Qu'il s'agisse des personnels soignants, qui sont très exposés, ou des contacts familiaux, l'expérience nous montre que cette règle d'un contact étroit a, finalement, une signification épidémiologique pratique qui fonctionne assez bien, même s'il peut y avoir des exceptions.

Je rappelle aussi le rôle de la transmission que l'on appelle « manuportée ». Les postillons restent sur les surfaces inertes. Dans un milieu un peu humide, le virus peut survivre plusieurs heures - les études divergent sur leur nombre. Quoi qu'il en soit, il importe de se souvenir que l'hygiène des mains doit être extrêmement stricte et d'apprendre à ne pas porter ses mains à sa bouche ou à son nez, pour ne pas infecter ses muqueuses.

Pr. Geneviève Chêne. - Nous disposons de très peu de données disponibles à ce jour sur la transmission mère-enfant. Quoi qu'il en soit, les petites séries qui ont pu être publiées ne donnent pas l'impression qu'une telle transmission puisse exister. Je ne dis pas qu'elle n'existe pas, mais les données ne vont pas en faveur d'une transmission mère-enfant similaire à celle qui peut exister, par exemple, pour le VIH. Si elle existait, elle serait sans doute extrêmement faible. Cela dit, il faudrait disposer de plus de données. Il est donc nécessaire de rester extrêmement vigilants sur ce plan.

Pour compléter les propos d'Arnaud Fontanet sur l'évaluation du niveau de risque en fonction de la proximité, il faut à la fois que la distance soit courte et que le temps passé dans cette proximité soit de l'ordre de 30 à 60 minutes. Ces critères sont utilisés par Santé publique France et les ARS pour l'investigation menée auprès des contacts, en particulier pour les classer selon un niveau de risque. Chaque fois que nous avons un doute, nous optons pour le niveau de risque supérieur, pour être cohérents avec l'idée de casser le plus possible les chaînes de transmission. D'ailleurs, sur les centaines de contacts à niveau de risque élevé que nous avons a pu comptabiliser et suivre jusqu'à présent, nous n'avons pas vu de nouveau cas apparaître. C'est un point important.

Je ne saurais également trop insister sur l'absolue nécessité de rappeler les gestes barrières et les règles d'hygiène, dans une situation où l'on ne dispose ni de traitement ni de vaccin.

Pr. Catherine Leport. - Le directeur général de la santé a fait part de sa préoccupation concernant les Antilles. Hier, nous avons discuté très concrètement du syndrome de détresse respiratoire aiguë avec les collègues de Guadeloupe et de Martinique. La mission Coordination opérationnelle du risque épidémique et biologique (Coreb), avec la Société de réanimation, est en train aujourd'hui de mettre en place un échange de pratiques, pour que les enseignements qui seront tirés de cette expérience puissent servir à tous. Les Antilles sont complètement intégrées dans l'approche multiprofessionnelle et multisites. Simplement, les conditions sont plus difficiles pour cette espace qu'elles ne le sont pour le territoire métropolitain.

Le climat n'est pas le seul déterminant. Je rappelle que le Sénat a abrité, voilà quelques années, une discussion autour du rapport du Haut Conseil de la santé publique sur les maladies infectieuses émergentes, qu'il existe un certain nombre de déterminants de l'émergence des maladies infectieuses, au sens large, lesquels dépassent très largement les activités humaines et que les deux principaux facteurs sont les voyages et la consommation, en particulier, bien entendu, pour ce qui concerne les antibiotiques. Le Sénat soutient assez régulièrement la poursuite de ce séminaire, qui resitue l'émergence des maladies humaines dans leurs interactions avec le monde animal, le monde végétal et l'environnement et qui procède d'une vision beaucoup plus large, intéressante dans un contexte d'incertitudes.

S'agissant de la distance de sécurité, l'un de mes premiers professeurs de réanimation médicale et infectieuse à l'hôpital Claude-Bernard interdisait aux personnes travaillant dans son service de se serrer la main et, a fortiori, de s'embrasser. Il nous avait appris à nous saluer à la mode chinoise. Il y a apprendre de tous ! Je vous encourage à tester ce mode de salutation, qui marque, dans l'esprit des gens, la nécessité d'une distance.

La distanciation doit être la première mesure. L'accueil des personnes malades est essentiel si l'on veut qu'elles aient confiance dans le système de santé. À cet égard, accueillir quelqu'un de manière conviviale en lui faisant comprendre la nécessité de maintenir une certaine distance est essentiel.

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