Messieurs les ambassadeurs, je vous remercie d'avoir tous répondu positivement à notre invitation : c'est avec un grand plaisir que nous vous accueillons ce matin pour faire le point sur le G5 Sahel. Nous portons le plus grand respect aux missions que vous assurez à Paris, nombre d'entre nous ont déjà des contacts avec vous, mais c'est la première fois que nous organisons cet échange qui permettra un débat nourri. Nous souhaitons faire le point avec vous sur le G5 Sahel, sur la situation sécuritaire qui prévaut actuellement dans la région, et sur les conséquences attendues du sommet de Pau du 13 janvier dernier, dont cette réunion constitue, en quelque sorte, le volet parlementaire. Je précise que cette table ronde s'inscrit dans un travail intense mené par notre commission depuis un mois, visant à dresser le bilan le plus exhaustif et le plus objectif possible de l'opération Barkhane dans la perspective d'un débat qui aura lieu dans l'hémicycle du Sénat en mai ou juin prochain sur le sujet. Vous contribuerez à nous éclairer.
Je souhaite avant toute autre considération rendre un hommage appuyé aux soldats morts ou blessés dans la lutte contre les groupes terroristes, aux militaires de vos pays, qui payent un lourd tribut à ce conflit, ainsi qu'aux soldats français tombés dans cette lutte ou gravement blessés. Je voudrais également rendre hommage à toutes les victimes civiles de vos pays qui souffrent des attaques impitoyables de ces groupes armés, de plus en plus nombreuses au fil des derniers mois, apportant inquiétude, crainte et déstabilisation des Etats.
À la suite d'une année 2019 particulièrement difficile pour les pays du Sahel, le sommet de Pau, à l'initiative du Président de la République, a permis de prendre des décisions pour reprendre la main en inversant des résultats pour le moment insuffisants dans la lutte contre le terrorisme. Les grands axes privilégiés sont la création d'une nouvelle coalition militaire plus large, une concentration des moyens, par ailleurs renforcés, sur la région des trois frontières et contre l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), et un renforcement des capacités militaires nationales de chacun des pays, le nôtre inclus, avec 550 hommes supplémentaires. Dans le même temps, car nous savons bien que la solution militaire ne sera pas suffisante, le sommet de Pau a prévu de restaurer l'autorité de l'État partout où elle est attendue par les populations et, enfin, de donner un nouvel élan au développement, en particulier dans le cadre de l'Alliance Sahel.
Messieurs les ambassadeurs, pourriez-vous, dans un premier temps, nous décrire la situation sécuritaire actuelle dans chacun de vos pays ? Quel est le degré d'enracinement des terroristes ? Quelles sont les causes profondes des troubles croissants - je pense en particulier à la dégradation récente de la situation au Burkina Faso et au Niger ?
Quelles sont ensuite les principales mesures que vos gouvernements vont mettre en oeuvre pour concrétiser l'élan nouveau donné lors du sommet de Pau et pour capitaliser sur l'effort militaire supplémentaire décidé par la France, l'effectif de Barkhane devant monter à 5 100 soldats d'ici à la fin du mois ?
Outre les aspects militaires, notamment le déploiement d'un nouveau bataillon tchadien, pourriez-vous insister, en particulier, sur les efforts politiques de vos gouvernements pour permettre de régler les conflits en profondeur ?
Je ne vous cacherai pas, et vous le savez, que l'opinion publique française a été particulièrement choquée par certaines manifestations antifrançaises dans certains États du Sahel et d'une forme de complaisance d'une partie de la classe politique à l'égard de ces mouvements. Or, vous le savez, trente-cinq soldats français ont laissé leur vie durant l'opération Barkhane et dix dans le cadre de Serval ; ce sont autant de familles, d'unités militaires, de frères d'armes endeuillés à jamais. Ce sont des centaines de blessés, souvent très graves, dont la vie a basculé. Sur le plan budgétaire, Barkhane représente 800 millions d'euros par an pour les contribuables français : vous comprendrez aisément que l'opinion publique française ait pu être choquée par ces propos antifrançais. La clarification politique apportée à Pau par vos chefs d'Etat respectifs, que sans aucun doute vous confirmerez aujourd'hui, est donc la bienvenue. Les sénateurs sont souvent interrogés sur cette situation. La France est au Sahel à la demande des pays concernés, notamment du Mali, pour les aider à regagner leur souveraineté, et non pour des raisons économiques.
La présidence du G5 Sahel est assurée depuis peu par la Mauritanie ; en accord avec vous, je donne la parole au représentant du pays dont la présidence du G5 Sahel vient de s'achever, Son Excellence M. Alain Ilboudo, ambassadeur du Burkina Faso. Je précise que cette audition fait l'objet d'une captation audiovisuelle.