Monsieur le président, je vous remercie de cette opportunité.
La Mauritanie fut le premier pays du G5 Sahel à subir les attaques de groupes terroristes au Sahel, en l'occurrence le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, né d'une scission avec le Groupe islamique armé algérien qui a attaqué la garnison militaire de Lemgheity, le 4 juin 2005, près de la frontière avec l'Algérie et le Mali. Le bilan fut de 15 soldats mauritaniens et 9 terroristes tués. Plusieurs autres actions terroristes ont frappé le pays entre 2007 et 2011, prenant pour cibles des unités de l'armée nationale et des ressortissants étrangers. Quatre touristes français ont été cruellement assassinés par des milices d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en 2007 près de la ville d'Aleg. Un double attentat a visé le ministère de la Défense nationale et l'ambassade de France à Nouakchott ; il a été déjoué le 2 février 2011. En juillet 2011, l'armée mauritanienne a engagé avec succès une opération militaire contre une importante base d'Aqmi, dans la forêt de Wagadou, en territoire mauritanien.
C'est à partir de 2011 que la Mauritanie a réussi à mettre un terme aux actions terroristes qui secouaient périodiquement le pays, grâce à une stratégie élaborée en 2010, appuyée sur une action sécuritaire, une politique de dialogue et des actions de développement profitant aux populations les plus vulnérables de la société. Des efforts très importants ont été déployés pour renforcer les capacités opérationnelles des forces armées et de sécurité par l'acquisition d'équipements de plus en plus performants et la formation des hommes au combat contre les terroristes. Des groupements spéciaux d'intervention disposant d'une grande mobilité ont été mis sur pied et des avions militaires de combat ont été acquis.
Une vaste zone de notre territoire qui servait jadis de zone de transit aux terroristes et aux trafiquants de drogue - ces deux groupes sont totalement liés - a été déclarée zone militaire interdite. Les opérations menées par les unités de l'armée dans cette zone ont permis de neutraliser plusieurs terroristes et trafiquants de drogue et de saisir d'importantes quantités de drogue. La dernière a eu lieu le 11 février dernier.
Je voudrais, pour que vous appréciiez les efforts de la Mauritanie, signaler que pour acheminer les premiers secours ou les renforts, jusqu'en 2009, l'armée mauritanienne recourait régulièrement à de vulnérables moyens de transport de marchandises empruntés aux commerçants.
Nous avons engagé un dialogue conduit par les principaux érudits et imams du pays avec les jeunes radicalisés, qui a ramené dans le droit chemin la majorité d'entre eux et les a réinsérés socialement.
Nous organisons périodiquement des colloques et des rencontres de sensibilisation sur la tolérance de l'islam. La dernière rencontre, et cela a été noté par les chefs d'État lors du dernier sommet du G5 Sahel, s'est tenue à Nouakchott, du 21 au 23 janvier dernier, sur le thème « Oulémas d'Afrique, la tolérance et la modération contre l'extrémisme et la violence », en présence d'érudits et de leaders religieux musulmans représentant toute l'Afrique.
Le caractère transfrontalier du terrorisme impose la mise en place d'une approche régionale. C'est pourquoi le G5 a été créé le 16 février 2014 à Nouakchott. La France a été son premier partenaire. Elle l'a appuyé fortement sur le plan militaire et de la formation notamment.
L'Alliance Sahel, chargée de la mise en oeuvre du programme de développement d'urgence, qui a mobilisé les partenaires autour du programme d'investissements prioritaires s'est faite à l'initiative de la France et de l'Allemagne. L'intervention de la France a été salutaire. Sans l'opération Serval en 2013, le Mali serait tombé entre les mains des terroristes ; cela aurait été la somalisation du Sahel et probablement de toute la région ouest-africaine. C'est extrêmement clair pour nous.
Le G5 a mis en place la force conjointe, qui agit en trois fuseaux comptant 5 000 hommes à terme répartis en sept bataillons. Le bataillon mauritanien de cette force compte 580 hommes déployés actuellement au point d'attache de Nbeikit Lahouach, une nouvelle ville créée pour un meilleur contrôle du territoire national. Cette zone servait de repère aux terroristes. Les habitants peuvent désormais s'y regrouper au lieu d'être isolés. Cette force conjointe dépend fortement de l'appui financier et logistique des partenaires du G5. Lors du sommet de Pau, il a été décidé qu'elle révise un peu son concept pour aller au-delà des 50 kilomètres de part et d'autre des frontières.
Le sommet de Pau a réuni, le 13 janvier 2020, les chefs d'État des pays du G5 Sahel et la France à un moment où le Sahel, et particulièrement la région des trois frontières, connaissait une recrudescence sans précédent des attaques terroristes, avec un lourd bilan en vies humaines et un vrai risque de résurgence des conflits communautaires. Les terroristes jouent sur les lignes de fracture tribales et religieuses. C'est dans ce cadre que les chefs d'État ont appelé à une coalition pour le Sahel.
Nous nous réjouissons des résultats du sommet de Pau et des avancées de la mise en oeuvre de la feuille de route enregistrées en un temps record. Le secrétariat de la coalition est déjà en contact avec tous les membres de cette coalition et ses partenaires potentiels. La stratégie de communication du secrétariat exécutif du G5 Sahel a été adoptée par le conseil des ministres du G5 Sahel, dimanche dernier à Nouakchott. L'assemblée générale de l'Alliance s'est tenue pour la première fois hier à Nouakchott sous la présidence de M. Jean-Yves Le Drian.
Nous assistons depuis le sommet de Pau à une intensification des opérations de lutte contre les groupes armés terroristes, particulièrement l'État islamique au grand Sahel, menées conjointement par les forces des pays du G5 et la force Barkhane. Leur bilan, hautement appréciable, témoigne de l'efficacité de la nouvelle approche. Nous sommes convaincus que la lutte connaîtra un tournant décisif et que la région connaîtra la paix et la sécurité et s'engagera résolument sur la voie du développement.
Je souhaite conclure avec une citation de notre président au sommet de Dakar : « Nous devons suivre et tarir les sources de financement du terrorisme, mener des politiques de déradicalisation à travers les érudits religieux et, enfin, renforcer les mécanismes de coopération régionale et internationale et surtout renforcer la coopération multilatérale. »