Intervention de Toumani Djimé Diallo

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 février 2020 à 9h30
Situation sécuritaire de leurs pays et sur les suites attendues du sommet de pau du 13 janvier 2020 — Audition des ambassadeurs des pays du g5 sahel

Toumani Djimé Diallo, ambassadeur du Mali :

Que faisons-nous pour combattre les critiques contre l'armée française ? Nous avons arrêté un leader religieux qui a beaucoup d'adeptes, et dont les propos virulents sur la présence française ont beaucoup d'audience.

Quant à Radio Patriote, la station fait l'objet d'actions en justice, qui sont en cours. Mais ses avocats invoquent la liberté d'expression. Tout ce que l'État peut faire dans ce genre de cas, c'est garantir que la justice suive son cours. C'est ce que nous faisons. Peut-être cette station sera-t-elle fermée si elle n'arrête pas ce genre d'émissions, mais cela ne saurait se faire brutalement. Ainsi le veut l'esprit français de la démocratie et du droit tel que nous l'avons reçu et compris...

Le mandat de la Minusma est de maintenir la paix dans un pays en guerre ; voilà le paradoxe. Elle perd tellement d'hommes ! Mais son mandat n'est pas bon. Nous ne cessons de demander - et nous voudrions que le Sénat appuie cette demande - que ce mandat évolue. Pour le moment, ce mandat, dont il est clair qu'il est inadéquat, permet à la Minusma de dire carrément que sa mission n'est pas de combattre le terrorisme, mais de protéger la paix et les civils.

Y a-t-il concurrence entre la Russie et la France au Mali ? Ce paradigme est selon moi une affaire mondiale. Il existe des contradictions entre puissances, mais Staline a bien été aux côtés de la France pour se battre contre l'ennemi commun. Il n'y a pas de concurrence pour nous. Nous savons que nous devons tout à la France. Sans Serval, nous ne serions plus aujourd'hui. Plusieurs présidents de la République l'ont dit. Serval, parce que c'est la France, parce que nous avons une histoire commune et aussi parce que la Constitution française le permettait. J'ai été ambassadeur en Allemagne. Les Allemands n'auraient pas pu réagir aussi vite, car ils auraient dû avoir l'accord du Parlement, ce qui était loin d'être évident. Nous devons notre existence à la France. Maintenant, il faut avancer.

L'autonomisation des femmes est effectivement essentielle. Nous avons créé un prix d'excellence des étudiants maliens en France et l'Unesco a eu une heureuse initiative pour encourager les jeunes femmes aux études scientifiques. Or, lors de la première édition du prix d'excellence, la parité a été respectée sans préméditation aucune !

D'où vient l'argent ? Il vient de la Libye. Depuis cinq ans, la Libye a retrouvé sa production pétrolière d'antan. C'est Haftar qui maîtrise l'essentiel des puits, et non le gouvernement reconnu par l'ONU. L'argent provient aussi du trafic de cocaïne et des êtres humains, car, hélas ! la migration rapporte.

Sur les négociations : notre président a toujours déclaré de manière péremptoire qu'il ne négocierait jamais. Il faut un débat politique ; nous sortons d'un dialogue national inclusif organisé sur tout le territoire et avec la diaspora. C'est une des recommandations. Mais il est clair qu'il y aura des lignes rouges : la charia, nous ne marcherons pas ! Idem pour l'intégrité territoriale et la situation faite aux femmes. Dans ce sens, nous allons donc vers le dialogue, mais pas vers un dialogue de vaincus. C'est tout simplement pour exploiter toutes les possibilités. Même si nous parvenons à une solution d'entente, ceux qui ont du sang sur les mains devront en rendre compte, comme cela s'est terminé en Algérie.

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