Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 février 2020 à 9h30
Situation sécuritaire de leurs pays et sur les suites attendues du sommet de pau du 13 janvier 2020 — Audition des ambassadeurs des pays du g5 sahel

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Merci de vous être prêtés à ce dialogue qui était important. Un certain nombre de points nous font chaud au coeur. Je pense notamment à la réaffirmation par les uns et par les autres de la reconnaissance que vous avez envers la France car nous nous sentons en première ligne. Nos voisins européens nous encouragent souvent trop modestement et nous aimerions bien que ce combat que nous menons pour la sécurité et la souveraineté en Afrique, comme en Europe, soit mieux partagé par tous. Ces mots de reconnaissance que vous nous avez adressés nous vont droit au coeur et sont très importants.

Vous avez bien compris l'émotion de nos collègues vis-à-vis de ceux médiatiques, journalistiques ou autres qui répandent des bruits antifrançais. Nous comptons aussi sur vos gouvernements respectifs pour les combattre car cela ne va pas dans le sens du chemin que nous souhaitons faire ensemble et risque, à terme, de déstabiliser la position même de la France, si l'opinion publique devient hostile. Après les événements d'Uzbin en Afghanistan, le président de la République n'avait plus qu'une solution, retirer les troupes, et on voit la situation qu'il y a eue après.

Monsieur l'ambassadeur, deux points peuvent faire discussion. Vous comprendrez que les éléments que vous avez donnés sur le comportement de tel ou tel, nous les prenons en note ; mais nous souhaitons réaffirmer notre solidarité avec nos forces armées. Moi-même, j'ai été à plusieurs reprises dans vos différents pays et notamment au Mali. Je sais la pression qui repose sur ces hommes. Ils sont partis ce matin pour nombre d'entre eux sans savoir s'ils rentreront ce soir de leur mission.

Comme dans toute organisation, certains comportements ponctuels peuvent être moins bons que d'autres, mais cela ne peut pas porter atteinte à l'ensemble des forces françaises, qui font un travail remarquable dans des conditions très difficiles. Je rappelle qu'ils partent pour 4 à 6 mois instantanément laissant femmes et enfants pour partir pour vivre dans des conditions climatiques et de dangerosité qui sont uniques. Qui assume un pareil défi dans notre pays ?! Notre rôle est de réaffirmer notre solidarité envers nos forces armées. S'il existe des manquements, la hiérarchie militaire saura les sanctionner. Il faut comprendre que c'est tous les jours leur propre vie qui est mise en cause. Ils le savent et ils l'acceptent.

En ce qui concerne la négociation, j'ai été sensible au fait que vous ayez fixé un certain nombre de lignes rouges. Par définition, la solution politique passe à un moment ou un autre par des discussions qui n'avaient pas lieu avant. Mais par respect pour l'engagement de vos propres troupes et des nôtres, tout ce pour quoi nous nous battons ne doit pas brusquement être passé par pertes et profits. La commission est heureuse d'entendre que vous avez fixé un certain nombre de lignes rouges : les gens qui ont du sang sur les mains, ceux qui ont organisé des attentats, ceux qui ont fait mourir vos soldats et les nôtres, ceux qui attentent à la condition féminine, ceux qui trafiquent la drogue, les êtres humains, les armes, ne sont pas des interlocuteurs ! Il va peut-être y avoir des discussions avec des éléments plus pacifiques pour discuter de la fin de ce conflit, mais nous vous invitons à être attentifs avec qui vous négociez afin que le combat que nous menons à vos côtés ne soit pas vain. Beaucoup n'ont pas de parole et peuvent chercher à négocier pour gagner du temps et refaire leurs forces avant d'être encore plus agressifs. La France a perdu beaucoup d'hommes dans le cadre de ses Opex. Il y a ici un monument dans le 15e arrondissement, qui aligne plus de 550 noms. Leurs familles supportent cette souffrance. Ils ne doivent pas être morts pour rien. Si la paix intervient, elle doit se faire dans l'honneur. Ce pour quoi se bat l'Etat souverain du Mali et les autres Etats doivent être des valeurs que l'on puisse partager et non pas une négociation finale où les principes disparaissent. Je le dis avec solennité, avec gravité. Cela conditionne notre soutien. Nous sommes prêts à mobiliser l'aide au développement, mais les règles pour lesquelles nous nous battons ensemble devront être strictement maintenues. Comme le dit si bien le proverbe, « quand on dîne avec le diable, il faut que la cuillère soit longue ! ». Soyez très attentif aux conditions de ce dialogue.

Merci de vous être prêtés à ce dialogue en tant que représentants de vos Etats. Il nourrit la réflexion. Nous allons sur place nous rendre compte de la difficulté. J'ai sillonné autrefois le Mali ; ce n'est plus le même aujourd'hui. Il faut se battre pour la paix, qui ne doit pas intervenir à n'importe quel prix. Les forces françaises payent un prix très lourd. La France doit être respectée ; elle est la seule à fournir un tel effort. Les contingents fournis par les autres pays européens s'élèvent à 100 ou 150 personnes seulement. La Légion étrangère est allée quasi à mains nues dénicher les terroristes dans le massif des Ifoghas. Vous savez la difficulté du combat qu'ils mènent. C'est un corps parmi les plus brillants, les plus aguerris, que cette Légion étrangère que nous aimons.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion