Merci de nous recevoir dans ce lieu symbolique de la République. Merci également de nous offrir cette occasion de dialoguer et de préciser les enjeux de notre « diplomatie féministe », pour reprendre la terminologie employée et portée par notre ministre depuis un an. Le Président de la République a lui aussi affirmé ses ambitions en la matière. Je suis des femmes qui considèrent que le féminisme en général ne doit pas être porté uniquement par des femmes. Lorsqu'il est soutenu par le chef de l'État, il transmet le message d'une mobilisation affichée au plus haut niveau. Le Président de la République a non seulement fait du féminisme une grande cause nationale, mais a également plaidé pour faire de l'égalité femmes-hommes une grande cause mondiale, à un moment où le mouvement général et la situation au regard des droits des femmes sont sans doute plus préoccupants qu'ils ne l'étaient il y a quelques années.
L'ambition est forte, elle se décline en différentes actions concrètes précisées par le Président de la République. Je le cite : « Il est temps que notre monde cesse de faire des femmes des victimes et leur construise enfin la place qu'elles méritent, celle d'être aussi des leaders. Nous devons leur garantir partout l'accès à l'éducation, la santé, l'emploi, à la prise de décision économique et politique et lutter contre toutes les formes de violences qui s'exercent contre elles ».
L'aide au développement participe naturellement et constitue l'un des enjeux majeurs de notre diplomatie féministe qui avait été énoncée le 8 mars 2018 lorsqu'a été présentée la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes, que vous avez rappelée. Nous sommes presque à mi-parcours dans la mise en oeuvre de cette stratégie, qui fera l'objet d'une évaluation.
Mon rôle en tant que haute fonctionnaire à l'égalité femmes-hommes consiste à veiller à ce que cette ambition soit portée et mise en oeuvre par l'ensemble des services du ministère des affaires étrangères à Paris, dans notre réseau diplomatique et consulaire, mais également chez nos opérateurs. Mon rôle suppose aussi de garantir l'exemplarité de notre ministère : une diplomatie féministe n'est certes pas une diplomatie féminine, cependant, elle doit aussi être portée par des femmes. La progression de la parité se révèle donc nécessaire. Telle est la mission que m'a confiée le ministre, avec la présentation d'un plan Parité visant à augmenter le nombre de femmes occupant des fonctions de haut niveau dans la diplomatie. Inscrire cette ambition dans la durée représente un combat à long terme. Le ministre considère comme très important que le ministère soit composé de femmes et d'hommes qui incarnent la France dans sa diversité.
Avant de passer la parole à Joan Valadou qui porte avec moi le message du ministère des affaires étrangères, je voudrais rappeler quelques actions que nous avons menées l'an dernier et que nous conduirons l'année prochaine.
Tout d'abord, nous oeuvrons à la construction de l'égalité entre les femmes et les hommes afin de la porter sur la scène internationale par une action de promotion et de défense de valeurs fondamentales pour la France. Nous le faisions déjà depuis longtemps, car il s'agit d'une dynamique inscrite dans notre ADN diplomatique, mais nous avons structuré cette priorité. Nous exprimons cette préoccupation dans les différentes instances internationales auxquelles nous participons, comme le Conseil de sécurité des Nations unies, qui a adopté un certain nombre de résolutions à l'initiative de la France. Nous sommes également toutes et tous convaincus qu'une société plus égalitaire profite à tous, que ce soit en termes de développement durable, de paix ou de justice. Nous savons que les femmes sont les premières victimes des violences dans les territoires en crise, combien elles sont importantes pour assurer le développement, la réhabilitation et la reconstruction d'un pays qui sort d'un conflit, notamment pour en assurer le développement durable. Sans avoir nécessairement mené d'études commerciales, les femmes, notamment en Afrique, savent réaliser les meilleurs business plans et sont en mesure de conduire de petites ou grandes actions en faveur du développement de leur pays. Cela passe aussi par une promotion forte de l'éducation et de la scolarisation des filles.
Ensuite, je souhaite évoquer un point important, qui soulève le plus de contestation depuis les dernières années, celui de la promotion et du respect des droits et de la santé sexuels et reproductifs pour les filles et les femmes. Ce sujet fera sans doute l'objet d'une des coalitions d'actions qui seront du Forum Génération égalité de juillet.
Favoriser l'autonomie économique et l'accès à l'emploi décent des femmes constitue également un objectif important, comme garantir le libre accès des femmes et des filles au droit et à la justice et à la protection contre toutes les formes de violences.
Enfin, nous assurons la participation effective des femmes dans les espaces de décision économiques, politiques et sociaux. La France milite depuis de nombreuses années pour que ces droits soient préservés dans toutes les instances et bénéficie du soutien de partenaires importants et fidèles comme le Canada.
Notre action a aussi été illustrée par l'adoption et la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies dites « Femmes, paix et sécurité ». Durant la présidence française du conseil en mars 2019, une réunion présidée par notre secrétaire d'État à l'égalité a été organisée sur la participation des femmes aux négociations de paix dans la région du Sahel. La France a porté la défense des droits des femmes et la promotion de l'égalité femmes-hommes non seulement au Conseil de sécurité, mais également lors de la présidence française du G7, après un travail vigoureux soutenu par des membres de la société civile sur le modèle de la présidence précédente, celle du Canada, qui portait haut et fort ses ambitions pour les femmes et pour le rétablissement de la paix dans ces régions sinistrées.
Ces ambitions ont été consacrées par le Partenariat de Biarritz, dont l'objectif vise l'engagement d'un ensemble d'États à adopter de nouvelles lois progressistes pour l'égalité femmes-hommes parmi les pays membres du G7, mais également parmi les pays invités. Le Chili, l'Australie et le Sénégal ont ainsi présenté des engagements volontaires concrétisant ce partenariat. Leur engagement est important pour démontrer que l'égalité femmes-hommes n'est pas réservée aux pays occidentaux.
La Banque africaine de développement a, quant à elle, adopté une initiative favorisant l'accès des femmes au financement et à l'entrepreneuriat en Afrique.
Le Fonds international pour les rescapées de violences sexuelles dans les conflits constitue également une autre mesure importante. Au-delà du soutien exprimé par le G7 à la création de ce fonds, la France a concrétisé son engagement par une contribution de 6,2 millions d'euros entre 2020 et 2022.
Je voulais aussi souligner à cette occasion l'engagement pris par le président de la République auprès de Mme Nadia Murad d'accueillir cent femmes yézidies et leurs familles. Cet engagement a été tenu, puisque ces cent femmes et leurs familles sont aujourd'hui en sécurité en France. Nous sommes extrêmement fiers d'avoir pu mettre en oeuvre cet engagement.
Les institutions de la francophonie se sont également dotées d'une stratégie pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
La France, qui présidait le Conseil de l'Europe entre mars et novembre 2019, a mis l'accent sur la lutte contre les violences faites aux femmes par un plaidoyer en faveur d'une adhésion universelle à la convention d'Istanbul.
Nous allons prochainement célébrer le cinquième anniversaire de l'adoption des Objectifs de développement durable (ODD), le vingtième anniversaire de l'agenda « Femmes, paix et sécurité » du Conseil de sécurité, mais aussi le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration de la plate-forme d'actions de Pékin. À cet égard, nous accueillerons en juillet le Forum Génération égalité organisé par ONU Femmes et coprésidé par la France et par le Mexique. Nous avons rencontré hier notre ambassadrice, Delphine O, qui est en train de déterminer, avec nos partenaires, les différentes coalitions d'actions et de les mettre en place.
La volonté d'avoir une diplomatie plus féminine demande des efforts importants, avec un vivier très masculin dans l'encadrement supérieur, sa mise en oeuvre n'est pas aisée, mais nos efforts ont été reconnus puisque nous avons été le premier ministère labellisé « égalité femmes-hommes ». Cette reconnaissance suppose de l'ambition, mais aussi de la détermination dans l'action et dans la durée. Bien que des progrès restent à accomplir, notre action en interne s'est concrétisée par une mise en cohérence et une exemplarité des pratiques en doublant, par exemple, le nombre de femmes ambassadrices : le ministère compte aujourd'hui 27 % d'ambassadrices, contre 11% en 2011.