Intervention de Joan Valadou

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 23 janvier 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur l'égalité femmes-hommes enjeu de l'aide publique au développement

Joan Valadou, de la culture, de l'enseignement et du développement international (MEAE) :

sous-directeur du développement humain à la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (MEAE). - Je suis ravi de participer à cette table ronde avec Madame la haute fonctionnaire. Comme indiqué à l'instant, l'année 2019 s'est révélée particulièrement riche sur le plan de la diplomatie féministe, notamment dans le cadre de la présidence française du G7. L'année 2020 sera également charnière avec le Forum Génération égalité et l'évaluation de la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

La diplomatie féministe, qui constitue une priorité de notre action internationale, s'inscrit dans un contexte d'engagements politiques puissant, en particulier de la part du Président de la République. Il a fait de l'égalité femmes-hommes l'une des grandes causes de son quinquennat et a appelé, à la tribune de l'Assemblée Générale des Nations unies en 2018, à faire de cette cause une grande cause mondiale.

Cet engagement a été également porté par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, de concert avec Marlène Shiappa, la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations. Il s'est traduit par l'inscription de cet objectif dans la politique de développement et de solidarité de la France. Cette politique défendra une approche par les droits ; elle visera à mettre fin à toute forme de discrimination et de violence faites aux femmes et aux filles. Cet objectif guide et structure notre action internationale en matière de solidarité et de développement.

La Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un cadre temporel qui vise l'atteinte d'objectifs à l'horizon 2022, mais aussi un cadre de redevabilité, comportant des indicateurs assez précis et assez nombreux.

Cette stratégie s'articule avec d'autres stratégies sectorielles qui peuvent aussi avoir trait aux droits des femmes. La France est ainsi très engagée en faveur de la défense des droits et de la santé sexuels et reproductifs (DSSR), qui constitueront l'une des thématiques clés du Forum Génération égalité. D'autres stratégies sectorielles existent également dans le domaine de l'éducation ou de santé mondiale. Toutes incluent désormais systématiquement la question du genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans leurs objectifs.

La stratégie actuelle visant l'égalité s'inscrit dans la continuité des précédentes stratégies de 2007 puis de 2013, qui portaient plus spécifiquement sur l'articulation entre genre et développement. Cependant, elle repose non seulement sur les engagements politiques que j'ai déjà évoqués, mais aussi sur une ambition plus puissante, qui vise à intégrer l'égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte du genre de façon transversale et systématique dans l'ensemble de l'action extérieure de la France. Nous ne nous situons plus exclusivement dans une approche tournée vers les questions de développement et de solidarité, mais dans l'intégration pleine et entière de ces objectifs dans notre action extérieure et dans le fonctionnement et l'organisation de notre diplomatie.

Nous nous inscrivons toutefois toujours dans une approche par les droits et dans une approche de développement parfaitement articulées et cohérentes. L'émancipation des femmes constitue évidemment un objectif en soi, mais aussi un moteur du développement, y compris économique.

Cette stratégie d'une quarantaine de pages est structurée autour d'un objectif général et de cinq sous objectifs :

- favoriser un renforcement de la culture institutionnelle en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la prise en compte du genre au sein du ministère et de ses opérateurs. La réalisation de cet objectif passe par un pilotage à haut niveau de cette stratégie, qui relève du secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La sous-direction assure pour sa part le secrétariat de cette stratégie et de ce portage institutionnel, afin d'améliorer les pratiques internes sur l'égalité professionnelle, de renforcer la sensibilisation et la formation de l'ensemble des agents du ministère, comme le réseau de correspondants qui travaillent sur les questions de genre et d'égalité, tant au niveau central que dans nos ambassades et chez nos opérateurs ;

- l'intensification du plaidoyer politique de la France en matière d'égalité entre les femmes et les hommes face à un risque réel de régression normative et sociétale sur un certain nombre de sujets touchant aux droits des femmes, comme la question des DSSR (droits et santé sexuels et reproductifs). Cette réalité se vérifie au niveau multilatéral comme au niveau bilatéral. La stratégie encourage vivement l'ensemble des ambassadeurs à inclure totalement les questions d'égalité dans leurs plans d'action et vise à inscrire cette priorité dans les dialogues stratégiques bilatéraux susceptibles d'être tenus avec un certain nombre de pays ;

- l'augmentation et l'amélioration de la prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'aide publique au développement. Il s'agit ici d'augmenter les financements ayant comme objectif principal ou significatif la réduction des inégalités, mais aussi d'augmenter les contributions françaises dans les organisations internationales « championnes » de l'égalité entre les femmes et les hommes et de progresser en matière de budgets sensibles au genre en renforçant l'engagement de tous les acteurs et opérateurs de l'État. Nous désirons atteindre d'ici 2022 un taux de 50 % en volume de notre APD ayant un effet favorable sur l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- améliorer et renforcer la visibilité, la transparence et la redevabilité de l'action du ministère et de ses opérateurs en fonction de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cet objectif renvoie au cadre de redevabilité et aux indicateurs précédemment évoqués, mais aussi sur l'objectif de communication interne et externe autour de cette stratégie ;

- le renforcement des liens avec les acteurs de la société civile, le secteur privé et la recherche pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Il existe une volonté de renforcer l'expertise et la visibilité des organisations de la société civile française, les liens avec le secteur privé et la lutte contre les stéréotypes et discriminations de genre, et la recherche et la capitalisation sur la thématique de l'égalité. La plateforme « Genre et développement » évoquée un peu plus tôt constitue une illustration concrète de cet objectif.

Beaucoup d'indicateurs servent à mesurer ces objectifs. Pour le premier objectif, l'indicateur s'intéresse à l'augmentation de la proportion de femmes dans les fonctions d'ambassadrices, mais le ministère s'intéresse également au pourcentage de collègues qui ont été sensibilisés et formés, à l'organisation de séminaires et d'événements réguliers. À cet égard, je signale la tenue à Paris, la semaine du 27 janvier, du séminaire de nos correspondants « Genre » qui travaillent dans les ambassades, pour les opérateurs ou en central. Ce type d'événement permet aux agents de s'approprier les questions de genre pour les porter ensuite au quotidien.

Sur le deuxième objectif, l'un des indicateurs mesure le nombre de plans d'action des ambassades qui intègrent pleinement l'égalité, l'augmentation du nombre de stratégies « égalité » dans les grands fonds multilatéraux, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Pour le troisième objectif, l'indicateur principal constitue l'atteinte de 50 % de l'APD bilatérale d'ici 2022 en volume, avec des objectifs tels que l'atteinte de 700 millions d'euros d'APD bilatérale avec un marqueur 2 de l'OCDE. Il s'agit ici de la capacité à analyser l'ensemble de nos projets selon les critères de l'OCDE.

Des indicateurs portent également sur la communication non stéréotypée et l'élimination des pratiques sexistes, en féminisant par exemple les noms de métiers, de fonctions et de grades.

Enfin, des indicateurs spécifiques existent également pour le dernier objectif, comme le soutien à la plate-forme genre et développement.

Nous sommes actuellement à mi-parcours de cette stratégie 2018-2022 et nous conduisons une évaluation interne de cette stratégie permettant de mesurer les efforts accomplis. Cette évaluation sera conduite au printemps par le Haut Conseil à l'égalité (HCE), qui avait déjà évalué les précédentes stratégies, et qui examinera à mi-parcours l'état d'avancement de cette stratégie internationale.

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