Intervention de Ouafae Sananès

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 23 janvier 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur l'égalité femmes-hommes enjeu de l'aide publique au développement

Ouafae Sananès, experte Genre, chargée des relations institutionnelles et stratégiques à l'Agence française de développement (AFD) :

Je vous remercie d'avoir organisé cette session et d'avoir invité l'AFD à présenter ses actions. Je remercie également mes collègues et toutes les personnes ici présentes pour l'intérêt qu'ils attachent à la question de l'égalité femmes-hommes.

Avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, nous sommes très investis en faveur de l'égalité femmes-hommes et de sa mise en oeuvre.

Dans un premier temps, je présenterai brièvement la mission de l'AFD ; dans un deuxième temps, j'évoquerai les réalisations au titre de 2019 et, enfin, la mobilisation et les actions à venir.

L'AFD constitue une institution financière : il s'agit d'une agence de développement qui traduit la politique de la France en matière de développement bilatéral et international. L'AFD est également un groupe, qui dispose de 85 agences dans le monde, présentes dans 115 pays.

Sa mission consiste à accompagner les transitions économiques, démographiques et autres dans les pays partenaires, à promouvoir l'égalité pour un développement durable, en s'alignant sur l'Accord de Paris et sur le Plan 100 % lien social.

La politique de l'AFD en matière de développement se fonde sur le constat que les pays riches comme les pays en développement font face aux mêmes défis, comme le défi du climat. Ce défi donne lieu au Plan 100 % climat ; le lien social est, quant à lui, entendu au sens large comme un moteur et un socle du développement.

Comme axe principal de ce lien social s'inscrivent bien sûr l'égalité entre les femmes et les hommes, le développement inclusif basé sur l'égalité et l'équité, la construction de la paix et de la cohésion sociales.

L'AFD est très investie dans les résolutions 1325 et suivantes du Conseil de sécurité pour consolider le rôle des femmes dans les processus de paix et de reconstruction. L'atteinte de cet objectif nécessite la multiplication des partenariats internationaux publics ou privés, sociétés civiles, européens et locaux.

Enfin, l'AFD cherche à faire profiter les femmes de la croissance économique, de la prospérité et à établir l'équité dans la répartition des richesses par des projets de développement.

Le groupe AFD se compose de PROPARCO, filiale dédiée au secteur privé et sera élargi à Expertise France qui rejoindra le groupe probablement en 2021. À ce jour, nous totalisons environ 2 650 collaborateurs et recensons 4 000 projets accompagnés, pour un montant qui s'élève à presque 14 milliards d'euros d'engagements.

La nouvelle approche du lien social promue par notre directeur général consiste à mettre l'accent sur les populations. L'AFD a connu une extension du champ de ses domaines d'expertise et apporte des réponses à des problématiques anthropologiques et sociologiques sur la question de l'autonomisation des femmes. L'AFD réfléchit par exemple à la meilleure manière d'accompagner les États sur l'aspect de la budgétisation sensible au genre et sur l'intégration de la prise en compte réelle du genre. L'AFD s'intéresse également au sport, car cette activité est susceptible de renforcer le lien social.

Durant l'année 2018, 463 000 filles ont bénéficié de la scolarisation à travers les projets menés par l'AFD, 826 000 personnes ont eu accès à l'eau potable et 7 millions de personnes à l'électricité, 50 000 kilomètres carrés d'espaces naturels ont été préservés grâce à des actions conduites sur le terrain et 14 millions de personnes ont bénéficié d'un accès amélioré à la santé.

L'égalité entre les femmes et les hommes figure en haut de l'agenda de l'AFD, de son directeur général et de ses équipes. Cette politique consiste à favoriser l'autonomisation économique des femmes - qui se traduit par une autonomisation globale des femmes et de leur communauté - et à faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles un axe fondamental de travail de l'AFD.

Ces deux priorités n'excluent pas les autres actions sectorielles ou transversales par lesquelles l'AFD intervient, mais traduisent un engagement supplémentaire en faveur de l'égalité.

La stratégie internationale de la France présentée par mes collègues a fixé des objectifs à réaliser par l'AFD : 50 % d'engagements en volume noté 1 ou 2 selon le marqueur genre de l'OCDE et 700 millions d'euros de projets notés en CAD 2 d'ici 2022. Pour 2019, l'objectif était d'atteindre 450 millions d'euros en CAD 2 et, 35 % d'engagements en volume en 2019 et 40 % en 2020. Avons-nous atteint ces objectifs ?

En 2019, l'AFD a enregistré 500 millions d'euros de projets notés CAD 2 et 4 milliards en volume qui auront intégré le marqueur genre CAD 1 et CAD 2, l'équivalent de 50% de projets en volume. L'AFD a ainsi dépassé les 35% fixés au titre de 2019.

Aujourd'hui, 50 % des engagements en volume de l'AFD sont ainsi dédiés à l'égalité femmes-hommes.

Parmi les 500 millions d'euros figurant en CAD 2, 250 millions proviennent de subventions, dont 211 millions dédiés aux actions en Afrique. Ces chiffres sont susceptibles d'évoluer à la suite de l'exercice de redevabilité effectué au titre de l'année 2019.

Les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) constituent l'une des thématiques les plus importantes des questions de genre ; elle comptera parmi celles que l'AFD portera en 2020. Parmi les projets qu'elle soutient, un certain nombre se concentre sur des questions de population, telles que la question de l'accès des femmes à la formation, à un emploi décent et à l'entrepreneuriat. À titre d'illustration, le projet MSMEDA en Égypte qui promeut l'entrepreneuriat féminin et les accompagne dans leur projet. Un autre projet à Maurice encourage les entreprises qui viennent contracter un prêt à promouvoir l'égalité femmes-hommes ; d'autres initiatives accompagnent les institutions et les États pour lutter contre les violences faites aux femmes ou pour renforcer la prise en compte du genre dans les politiques publiques. Plus récemment, au Sénégal, un projet en partenariat avec ONU Femmes vise la collecte des données sexo-spécifiques. La collecte des données désagrégées par sexe constitue, aujourd'hui, un vrai défi pour mesurer l'atteinte des objectifs de développement durable. Lors de la COP 25 sur le climat, beaucoup d'interlocuteurs et de partenaires ont souligné l'absence de données sur les liens entre genre et climat ; sans ces données, il serait difficile d'évaluer la situation et d'être en mesure de proposer des politiques climatiques tenant compte des réalités des femmes.

Pour intégrer la question du genre et du développement en 2020, l'AFD s'est dotée d'un plan d'action interne sur l'égalité femmes-hommes composé de cinq axes :

- autonomiser les femmes sur le plan économique, mais aussi dans le domaine de la santé et de l'éducation ;

- lutter contre toutes les violences faites aux femmes ;

- garantir l'intégration du genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les secteurs du groupe AFD ;

- faire du groupe AFD une plate-forme leader sur la thématique de l'égalité femmes-hommes ;

- consolider et renforcer le pilotage et les standards de qualité.

La réponse à cette mobilisation en faveur de l'égalité a abouti à la création de la cellule « lien social ». À l'origine, l'AFD comportait deux experts en matière de genre, mais il est rapidement apparu que des moyens humains supplémentaires étaient nécessaires pour faire face au défi de l'égalité femmes-hommes. Cette cellule est chargée du pilotage stratégique, du partenariat institutionnel et de l'appui aux opérations. Elle doit incarner un « espace d'incubation » qui porte de nouvelles initiatives. Là où les départements géographiques ou les directions techniques interviennent tous les jours, la cellule « lien social » a pour mission d'être une force de proposition.

Comment devenir un espace incubateur ? L'exemple de l'initiative EDIFIS « éducation, droits sexuels et reproductifs, insertion des filles et des femmes au Sahel » est pertinent quand le développement est pris dans une approche globale.

Pour conclure, je dirais que l'égalité femmes-hommes constitue une priorité de notre agenda et de notre directeur général. Je souhaiterais le souligner, car il est important que la thématique bénéficie d'un portage politique interne. Un progrès notoire en matière de prise en compte du genre dans les opérations a été réalisé depuis le premier cadre d'intervention transversale 2014-2017 et aujourd'hui l'AFD poursuit cet effort.

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