Intervention de Catherine Di Folco

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 février 2020 à 9h00
Proposition de loi adoptée par l'assemblée nationale visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d'un enfant — Examen du rapport pour avis

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco, rapporteur pour avis :

Si la commission des lois a souhaité se saisir de ce texte, c'est pour permettre aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que les salariés de droit privé, face à une situation particulièrement douloureuse.

Pour information, en 2017, 6 500 jeunes de moins de 25 ans ont perdu la vie, dont 3 943 mineurs, mais il n'existe aucune donnée statistique concernant le nombre d'agents publics concernés.

Quel est le droit en vigueur pour les agents publics ? Lorsqu'ils perdent un membre de leur famille, ils peuvent bénéficier d'autorisations spéciales d'absence (ASA). Leur durée varie toutefois d'un versant à l'autre de la fonction publique.

Actuellement, les agents de l'État peuvent s'absenter pendant trois jours ouvrables en cas de décès de leur enfant, majorés de deux jours pour tenir compte des délais de transport pour se rendre aux obsèques. Ces autorisations d'absence constituent non pas un droit, mais une « simple mesure de bienveillance de la part de l'administration », comme le souligne une instruction ministérielle de 1950.

Dans les versants hospitalier et territorial, la durée des ASA est laissée à la libre appréciation des employeurs. Chaque collectivité territoriale délibère sur sa propre doctrine.

Pour sortir de l'hétérogénéité, faciliter la tâche des employeurs et prévoir une équité de traitement des agents publics, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilite le Gouvernement à préciser, par décret en Conseil d'État, la liste des ASA dans les trois versants ainsi que leurs conditions d'octroi. Ce décret est en cours de préparation et pourrait être publié au printemps 2020, après examen par le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

Les autorisations spéciales d'absence sont assimilées à un temps de travail effectif : les agents publics conservent leur traitement indiciaire ainsi que leurs droits, notamment pour le calcul de leur ancienneté et de leur pension de retraite. Leurs jours d'absence ne génèrent toutefois aucun congé payé et les agents peuvent perdre certaines de leurs primes.

Ces garanties restent plus faibles que dans le secteur privé : les salariés bénéficient, de droit, d'un congé de deuil, dont la durée a été portée de deux à cinq jours en 2016. Il s'agit d'une durée minimale, qui peut être augmentée par un accord collectif au niveau de l'entreprise ou de la branche. Ce congé est pris en compte dans le calcul des congés payés.

Outre les autorisations spéciales d'absence, les agents publics qui perdent un enfant peuvent prendre des congés payés ou être placés en arrêt maladie. Dans ce dernier cas, leur premier jour d'arrêt - le jour de carence - est décompté de leur traitement. D'autres congés existent pour accompagner un enfant malade, avec une prise en charge partielle par l'assurance maladie : le congé de proche aidant, le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale. Les collègues peuvent également faire don d'une partie de leurs jours de repos aux parents d'un enfant malade et aux proches aidants. Ces dispositifs constituent des garanties essentielles pour les agents publics. Et s'inscrivant dans le cadre d'un parcours de soins, ils sont inadaptés en cas de décès brutal de l'enfant.

La proposition de loi déposée par notre collègue Bricout a été malmenée à l'Assemblée nationale. En accord avec le Gouvernement, les députés ont supprimé l'allongement de cinq à douze jours du congé de deuil dans le secteur privé. Ils ont privilégié des dispositifs alternatifs, notamment pour faciliter le don de jours de repos ou la prise de congés payés. De plus, ils ont négligé les 5,33 millions d'agents publics - fonctionnaires, contractuels et militaires - qui représentent pourtant 21 % de la population active.

Devant l'émoi suscité par les travaux de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de programmer rapidement l'examen de cette proposition de loi au Sénat afin de « revoir sa copie ». Aussi, je vous propose d'en profiter pour introduire des dispositions applicables aux trois versants de la fonction publique. Les employeurs publics que j'ai auditionnés semblent tout à fait favorables à cette démarche.

Je vous soumets deux amendements permettant d'offrir les mêmes garanties aux agents publics - fonctionnaires et contractuels - qu'aux salariés de droit privé. Ils s'inscrivent dans la même logique que les amendements déposés pour le secteur privé par notre collègue Élisabeth Doineau, rapporteure pour la commission des affaires sociales.

Le premier amendement introduit un article additionnel après l'article 1er. Il prévoit de recourir aux autorisations spéciales d'absence en cas de décès d'un enfant sans qu'il soit besoin de créer de nouveaux congés. Plus simple sur le plan juridique, ce choix permet de couvrir toutes les catégories d'agents publics en même temps. À l'inverse, la création d'un congé par la loi n'aurait concerné que les fonctionnaires, pas les contractuels.

Par cohérence avec le secteur privé, les agents publics bénéficieraient d'une première autorisation spéciale d'absence de cinq jours ouvrables, quel que soit l'âge de l'enfant. Cette première ASA devrait être prise au moment du décès, sans possibilité de fractionnement.

Lorsque l'enfant est âgé de moins de 25 ans ou à charge au sens du code la sécurité sociale, les fonctionnaires et les agents contractuels bénéficieraient d'une seconde autorisation spéciale d'absence de dix jours ouvrables. Cette seconde ASA pourrait être fractionnée dans un délai de six mois à compter du décès. Les jours non consommés ne pourraient pas être reportés ni figurer dans un compte épargne-temps.

Au total, les agents publics qui perdent un enfant de moins de 25 ans ou à charge pourraient s'absenter pendant trois semaines de leur poste de travail. Cependant, conformément aux règles générales de la fonction publique, leur absence ne pourrait pas excéder 31 jours consécutifs, dans le cas de congés payés posés à la suite des ASA.

Ces autorisations spéciales d'absence seraient accordées de droit et assimilées à un temps de travail effectif, les agents conservant leur traitement indiciaire, ainsi que leurs droits à formation et à la retraite. Par cohérence avec le secteur privé, elles entreraient en compte pour le calcul des congés payés.

Cette mesure serait financée par les employeurs publics. La coordination des employeurs publics territoriaux semble d'accord. Le Gouvernement pourrait toutefois envisager une prise en charge partielle par la sécurité sociale, qu'il est le seul à pouvoir proposer en vertu des règles de recevabilité financière de l'article 40 de la Constitution.

Pourquoi fixer le seuil à 25 ans ? Initialement, la proposition de loi concernait uniquement les enfants mineurs. Faut-il fixer un autre seuil ? Comment le fixer ? Comment le justifier auprès des familles endeuillées ?

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