Monsieur Collombat, j'ai volontairement limité mon rapport aux quatre mesures temporaires de la loi SILT. Si l'on étend le champ d'investigation, on quitte notre rôle de contrôle de la loi SILT et on risque aussi, d'ailleurs, d'empiéter sur le travail d'autres missions lancées sur d'autres sujets connexes, comme la commission d'enquête sur la lutte contre la radicalisation. À titre personnel, j'ai aussi des doutes et des inquiétudes sur les centres de déradicalisation - un centre vient d'ouvrir en plein centre de Lille, à deux pas de la gare Lille-Europe, qui permet d'aller directement à Molenbeek-Saint-Jean -, mais j'attendrai les conclusions de notre commission d'enquête.
Sur la question de l'efficacité que vous soulevez, je rappelle que les visites domiciliaires ont permis de déclencher de nombreuses poursuites judiciaires : au moins deux poursuites pour association de malfaiteurs à but terroriste, dix pour apologie du terrorisme et une pour financement du terrorisme.
Vous avez raison de déplorer le manque d'homogénéité dans la mise en oeuvre des périmètres de protection. Certains préfets ont choisi de ne pas les utiliser, privilégiant d'autres outils. Il convient de laisser une liberté d'appréciation aux préfets. Pour autant, nous proposons une charte référentielle, en accord avec le ministère de l'intérieur, pour homogénéiser les pratiques en France.
Les MICAS constituent aussi un outil de surveillance essentiel qui facilite l'action des services de renseignement. Grâce aux pointages ou aux périmètres assignés, on sait où se trouvent certains individus, avec qui ils entrent en contact, etc. Il ne faut donc pas toucher à ce dispositif.
Pour fermer un lieu de culte, on peut utiliser, outre la loi SILT, la législation sur les établissements recevant du public qui peut, d'ailleurs, être parfois plus rapide. Les fermetures de lieux de culte réalisées sur le fondement de la loi SILT ont été peu nombreuses, mais elles ont été efficaces puisque cinq des sept lieux de culte fermés n'ont pas rouvert. Il s'agissait de lieux de prédication salafiste avérés. Grâce à nos services de renseignement, on a une connaissance de ce qui se dit dans les mosquées. Ainsi, dans le nord de la France, un centre d'obédience iranienne a été fermé, car des attentats étaient en préparation. Ces mesures ont donc fait la preuve de leur efficacité. Il faut plusieurs mois pour fermer un lieu de culte, car la procédure est lourde et extrêmement rigoureuse.
Mme Lherbier a évoqué les obligations de soins sans consentement et la coordination entre les services de santé et l'administration : les obligations de soins relèvent de l'administratif, mais dès lors que l'on constate que la pathologie relève vraiment du domaine psychiatrique, il faut laisser faire les professionnels médicaux.
En ce qui concerne le retour des femmes de djihadistes en France, la politique du Gouvernement est sensée : on ne fait pas revenir les femmes de djihadistes, mais uniquement les enfants orphelins. Tous ceux qui reviennent de Syrie sont placés en détention provisoire, mais le Gouvernement n'entend pas faire revenir ceux qui peuvent être jugés sur place.
Avant de faire nos propositions, nous avons auditionné à plusieurs reprises les services du ministère de l'intérieur, les services de renseignement et le PNAT. Les échanges ont été nourris et nous avons donc rédigé nos mesures en conséquence. Quant au ministère de la justice, chacun sait qu'il constitue un grand paquebot, avec une certaine inertie, et qu'il est spontanément peu enclin à mettre en place de telles mesures : sans fermer la porte, le ministère a choisi d'attendre. Nous avons donc collaboré avec le ministère de l'intérieur et le PNAT.
En 2017, nous avions été attentifs à l'équilibre entre la sécurité et les libertés. Nous ne voulons pas le remettre en cause. Au contraire, nous affirmons que les MICAS, à caractère administratif, doivent conserver une portée limitée. Nous proposons aussi de privilégier les mesures judiciaires plus protectrices des libertés et qui facilitent la réinsertion. Le Conseil constitutionnel a validé ces mesures et leur équilibre. Nos propositions respectent cet équilibre, et vont même plus loin avec le transfert à la justice d'un certain nombre de mesures.
Monsieur Leconte, seuls sept lieux de culte ont été fermés sur le fondement de la loi SILT, d'autres lieux de culte l'ont été sur le fondement d'autres dispositions. La mesure administrative a une fonction préventive : il ne s'agit pas tant de fermer un établissement définitivement que d'évincer des personnes, des salafistes en particulier, qui ont infiltré un lieu de culte et de les empêcher de continuer à prêcher s'il devait être amené à rouvrir. La mesure judiciaire ne le permet pas.
Je partage tout à fait les propos de M. Sueur sur les centres de déradicalisation. Le procureur François Molins nous a aussi décrit la sur-radicalisation dans le milieu carcéral. Il est nécessaire de prendre des mesures préventives pour y pallier. Sachant qu'une centaine d'individus vont sortir de prison, nous serions coupables, en tant que législateurs, de ne pas prévoir un dispositif préventif pour éviter la récidive.
MM. Bigot et Bonnecarrère ont évoqué les risques juridiques liés au caractère rétroactif de certaines mesures. Nous espérons avoir trouvé le bon équilibre dans la rédaction de l'article qui concerne les mesures de sûreté et de suivi post-sentenciel, mais toutes les suggestions seront les bienvenues !
L'extension du champ de l'article 721-2 du code de procédure pénale ne vise pas tout à fait le même objectif que la nouvelle mesure de suivi et de surveillance post-sentencielle. Celle-ci concernera les individus condamnés pour les infractions les plus graves, c'est-à-dire condamnés à sept ans de prison ou plus. Pour les autres, nous souhaitons renforcer les dispositifs de suivi existants - c'est le sens de la modification de l'article 721-2 du code de procédure pénale.
M. Bonhomme a rappelé les débats de la loi SILT et les craintes exprimées quant à une extension des prérogatives administratives au détriment du judiciaire. Nous visons justement à garantir cet équilibre.
Sur la question des terroristes sortant de détention, Mme Belloubet a exprimé des intentions, mais n'a pas indiqué précisément comment les réaliser. Lors de leur audition, les représentants du ministère de la justice ne nous ont pas apporté d'éléments de réponse. En revanche, le ministère de l'intérieur et le parquet ont des propositions précises.
La nouvelle surveillance judiciaire que nous proposons de créer a pour but de pallier les limites des mesures judiciaires existantes. Les réformes pénales des dernières années ont créé une situation paradoxale : les individus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme sont les plus suivis en détention et ceux qui bénéficient des possibilités d'aménagement de peine les plus réduites, mais ce sont également ceux qui bénéficient du suivi le plus réduit à leur sortie de détention. Cette difficulté devrait se résorber à l'avenir, car les individus condamnés après 2016 ont pu ou pourront se voir appliquer la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire. Néanmoins, dans l'attente, nous avons un « stock » d'individus condamnés pour des faits de terrorisme avant cette date et qui ne bénéficient pas, ou très peu, de suivi à leur libération. Nous visons donc principalement ces individus, dont la sortie inquiète tout particulièrement le PNAT. En créant une mesure de sûreté, c'est-à-dire une mesure qui n'a pas pour objectif de réprimer un acte, mais de prévenir la récidive et de protéger la société - et c'est bien de cela qu'il s'agit lorsque nous parlons de condamnés terroristes -, nous échappons au principe de non-rétroactivité des peines. La nouvelle mesure de sûreté pourrait donc être appliquée à tous les individus qui sortiront de détention à compter de son entrée en vigueur. Il ne s'agit pas d'une innovation juridique. Nous nous inscririons au contraire dans la droite ligne d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui a, à plusieurs reprises, validé l'existence des mesures de sûreté et leur caractère rétroactif.
Pour répondre à M. Mohamed Soihili, jamais, lors de nos auditions, on ne nous a signalé le cas des territoires ultra-marins comme un cas sérieux et anxiogène. Sur le plan statistique, seulement cinq périmètres de protection ont été mis en place à La Réunion, uniquement pour des questions événementielles ; aucun dans les autres territoires d'outre-mer. Des visites domiciliaires ont eu lieu en Guyane et une MICAS y a été prononcée.
Je partage les propos de Mme Delattre et souhaite que nous puissions nous coordonner avec la commission d'enquête sur la lutte contre la radicalisation.
Enfin, il est vrai que les contentieux se multiplient à propos des écoles privées hors contrat. Il conviendrait de réfléchir aux moyens d'homogénéiser la manière dont on y répond.