Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’adoption imminente de cette proposition de loi fournit des motifs de satisfaction certains, le contexte de la discussion de ce texte, quant à lui, doit nous pousser à la réflexion.
Je commencerai par les motifs de satisfaction, qui sont nombreux.
Il faut d’abord se réjouir qu’une initiative parlementaire soit adoptée si rapidement. Déposée au Sénat le 3 octobre dernier, cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en séance publique le 5 novembre, puis examinée en commission à l’Assemblée nationale le 18 décembre, si bien que les députés ont pu l’adopter en séance plénière, à l’unanimité également, le 15 janvier dernier.
Transmis au Sénat, le texte a fait l’objet d’une nouvelle unanimité mercredi dernier, après avoir été examiné selon la procédure de législation en commission.
Il faut se réjouir aussi des apports de nos collègues députés et ainsi du bon fonctionnement du bicamérisme, même si l’on peut s’étonner qu’une deuxième lecture ait été rendue nécessaire, alors que nos vues convergeaient manifestement depuis l’origine.
Les dispositions contenues dans ce texte sont autant d’avancées significatives pour les personnes handicapées et leurs familles. Je les rappellerai brièvement.
L’article 1er supprime la barrière d’âge de 75 ans pour déposer une demande de prestation. Il a été voté conforme par nos collègues députés ; nous n’y reviendrons donc pas.
L’article 2 rend opérationnels les fonds départementaux de compensation du handicap en clarifiant leur base légale, ce qui permettra au Gouvernement de prendre le décret d’application tant attendu. Les députés ont ajouté une demande de rapport sur la mise en œuvre de ce dernier et l’évolution du reste à charge des personnes ayant déposé au moins une demande auprès d’un fonds départemental. C’est, en l’espèce, un moyen d’évaluation sans doute utile, quoi que l’on puisse penser, en général, des demandes de rapport.
L’article 3, qui crée un droit à vie à la PCH lorsque c’est possible, simplifie les démarches des bénéficiaires ainsi que le contrôle de l’utilisation de la prestation, a été adopté avec quelques modifications rédactionnelles.
L’article 4, enfin, crée un comité stratégique chargé de formuler des propositions pour améliorer la prise en charge des transports des personnes handicapées. Le périmètre de sa réflexion a été élargi, au Sénat puis à l’Assemblée nationale, aux besoins des enfants et à la considération de tous les types de mobilités.
À cet article, nous aurions tous souhaité un dispositif plus consistant, mais vous savez bien, chers collègues, à quelles limites constitutionnelles sont confrontés les parlementaires. Par ailleurs, la meilleure preuve de l’utilité d’un tel organe de réflexion et de proposition est donnée par la lecture des engagements récents du Gouvernement à l’issue de la Conférence nationale du handicap, puisque la mobilité n’en fait pas partie…
Je le souligne non pas par malice, mais pour que la probable unanimité sur ce texte ne nous masque pas les efforts qui restent à accomplir. Les conclusions de la Conférence nationale du handicap sont significatives, mais elles ne sauraient être définitives.
À certains égards, la question des barrières d’âge se pose à nouveaux frais. La grande loi du 11 février 2005 prévoyait d’ailleurs la suppression de tous les seuils de cette nature dans un délai de cinq ans. Pourquoi, en effet, les personnes handicapées ne pourraient-elles bénéficier de la prise en charge de la compensation de leur handicap après 60 ans ?
Pour répondre à cette interrogation, la réflexion sur l’articulation entre la PCH et les dispositifs destinés aux personnes âgées dépendantes est manifestement renvoyée à l’examen du projet de loi Grand âge, dont le calendrier n’est pas encore connu.
Cette question a reçu l’éclairage nouveau d’une étude versée voilà dix jours par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) au débat sur la réforme des retraites.
Cette étude révèle que les personnes handicapées liquident leur retraite à 62, 4 ans en moyenne, soit 0, 3 an plus tard que les personnes sans incapacité. Étant par ailleurs moins souvent en emploi, ces personnes passent en moyenne 8, 5 années sans emploi ni retraite après 50 ans, soit près de 7 ans de plus que les personnes sans incapacité, et cet écart s’accroît !
Cette curieuse situation s’explique par le fait que les personnes sans handicap bénéficient plus aisément de certains dispositifs, du type « carrières longues ».
Alors que le Gouvernement nous somme de consentir à échafauder un nouveau système, tâchons de conserver une vision cohérente de la politique destinée aux personnes handicapées, en articulant compensation, prévention et garantie des ressources.
Mais à chaque jour suffit sa peine : pour l’instant, soyons fiers, mes chers collègues, de voter cette nouvelle avancée en faveur des personnes handicapées et de leurs familles. Ne perdons cependant pas de vue l’ampleur des défis qui restent à relever, et, surtout, ne doutons jamais des apports indispensables du Parlement à l’amélioration de nos politiques publiques !