Monsieur le ministre, c'est avec grand plaisir que notre commission, que vous connaissez bien pour y avoir siégé pendant six ans, vous reçoit pour faire un point sur l'état et les perspectives de nos relations avec la Russie.
Vous avez été nommé, en 2014, représentant spécial de la France pour la Russie, poste dans lequel vous avez été confirmé par l'actuel Président de la République. Ayant facilité les relations entre Paris et Moscou dans le contexte difficile de la crise ukrainienne, vous avez été décoré, en 2017, de l'ordre de l'Amitié par le président russe Vladimir Poutine en remerciement de vos efforts.
Néanmoins, nous voudrions aujourd'hui, si vous en êtes d'accord, aller au-delà des seuls enjeux de notre relation commerciale, pour aborder ceux de la relation franco-russe, en particulier sur le plan géostratégique, celui qui passionne le plus, on le sait, le président Poutine.
Puissance militaire réaffirmée, mêlant démonstration de puissance et, parfois, agressivité, notamment en Ukraine, la Russie fait tout pour retrouver sa place au sein du concert des Nations. Elle est aujourd'hui présente dans chacune des grandes crises : Syrie, Libye, mais aussi Centrafrique et Mali, au travers des milices Wagner. Il n'est pas certain que sa présence soit toujours pacifiante, et les agissements de la milice Wagner ou des séparatistes prorusses aux confins de la Russie ne nous rassurent pas.
L'effacement stratégique américain, la crise du multilatéralisme, largement impulsée par la Russie, qui a opposé quatorze fois son véto sur le dossier syrien au Conseil de sécurité, la mollesse de la réaction européenne nous donnent un sentiment d'impuissance.
Dans ce contexte, notre commission, qui est engagée, parfois sous quelques critiques ou des regards dubitatifs, dans un dialogue avec le Conseil de la Fédération de Russie, approuve la démarche de relance des relations franco-russes souhaitée par le Président de la République. Le président Larcher a lui aussi lancé quelques initiatives ; il a invité la présidente du Conseil de la Fédération russe au sommet des sénats d'Europe et il ira à Moscou au printemps.
Ces démarches sont sans doute importantes, mais n'est-ce pas déjà trop tard, le rapport de forces n'est-il pas déjà trop déséquilibré en faveur de la Russie ? Quelles sont les chances de réussite de cette démarche de réengagement de la Russie ? Quels sont nos leviers pour amener les Russes à mieux respecter le droit international en l'échange de cette reconnaissance ? Sur quels sujets peut-on espérer des avancées de la part de la Russie ?
Comment voyez-vous aujourd'hui se déployer la puissance militaire russe ? Avec une certaine inquiétude, comme nous ?
Quelle maîtrise la Russie a-t-elle de ses alliés ? Je pense en particulier à la Turquie et à l'Iran. Quelle perception a-t-elle de son partenariat, forcément déséquilibré, avec la Chine ?
Par ailleurs, l'annonce récente par le président Poutine de réformes constitutionnelles tendant à redistribuer le pouvoir au sein du système politique russe et, peut-être, à lui permettre d'y conserver un rôle influent, suggère qu'il pourrait y avoir une certaine continuité après l'élection présidentielle de 2024. Quel sort le président Poutine se réserve-t-il, selon vous ?
Enfin, comment voyez-vous l'avenir de ce pays, qui a reconquis sa puissance au plan international et lavé l'humiliation des années 1990, mais dont le développement économique demeure le talon d'Achille ? Peut-on espérer des évolutions dans ce domaine ?