Troisième question : la péréquation doit-elle garantir le niveau actuel des ressources de toutes les collectivités territoriales ?
Un tel choix aurait pour conséquence de figer les inégalités entre collectivités territoriales d’une même strate démographique. Or ce n’est pas plus souhaitable que de mettre en place des dispositifs pénalisant les territoires les plus dynamiques, contributeurs aux dispositifs de péréquation.
Quatrième et dernière question : quel est le montant optimal d’un dispositif de péréquation ? Autrement dit, existe-t-il, d’une part, un seuil minimal à partir duquel une politique péréquatrice serait vraiment efficace et, d’autre part, un seuil maximal au-delà duquel on risquerait de connaître d’éventuels effets pervers, comme l’installation dans une position d’assistanat ou une désincitation pour les collectivités contributrices au développement de leurs territoires, car elles se sentiraient pénalisées ?
Au nom du réalisme, il nous est apparu difficile d’apporter une réponse univoque à cette question. Nous avons néanmoins fait le choix de limiter notre réflexion au niveau optimal de la péréquation, réalisée dans le cadre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en la considérant comme une donnée désormais incontournable.
C’est pourquoi la première piste que nous proposons consiste à porter à 33 % la part péréquatrice du produit de la CVAE, et non à 25 %, comme cela est prévu par la loi de finances pour 2010. Cette piste nous est apparue fondamentalement novatrice, car elle vise à développer une péréquation fondée sur des ressources fiscales en lieu et place de dotations budgétaires et de concours financiers de l’État
Notre deuxième piste a trait aux critères sur lesquels pourraient reposer les nouveaux dispositifs de péréquation. Aujourd’hui, le potentiel fiscal intervient dans la répartition de toutes les dotations de péréquation. Or ce critère est mis à mal, d’une part, par la suppression de la taxe professionnelle et, d’autre part, par le développement des nouvelles dotations de compensation liées à cette suppression.
Par conséquent, nous devons redéfinir l’un des critères centraux de répartition de la péréquation. Je souhaite appeler votre attention sur deux critères qui pourraient remplacer le potentiel fiscal et rendre les futurs dispositifs de péréquation plus efficaces.
Le premier critère que notre collègue Rémy Pointereau et moi-même proposons est celui du revenu global des habitants. La prise en compte de ce critère dans de nombreux pays européens, comme l’Allemagne, a permis un fort équilibrage des ressources des collectivités territoriales. C’est pourquoi nous estimons que l’assiette fiscale la plus pertinente, celle qui permettrait de prendre en compte la quasi-globalité des ressources des contribuables, est celle de la contribution sociale généralisée, et non celle de l’assiette de l’impôt sur le revenu, car les trop nombreuses exonérations fausseraient l’évaluation des richesses des territoires.
Le second critère s’appuie sur la prise en compte de la population. De nombreuses études montrent le lien entre accroissement des charges des collectivités et évolution démographique.
Les deux facteurs qui peuvent expliquer ce constat sont, d’une part, la distorsion d’attribution de certaines dotations au titre de la DGF et, d’autre part, le décalage entre la croissance démographique et sa prise en compte dans le calcul des dotations de la DGF basée sur la population.
Cependant, nous devons considérer un tel critère avec prudence. Comme le démontrent les études économétriques réalisées par les services de Bercy, le critère d’augmentation des charges des départements est non pas, comme on pourrait s’y attendre, la dépense sociale ou la croissance démographique, mais la part des personnes de plus de soixante ans dans la population du territoire départemental. Ainsi, le critère de population s’apprécierait différemment selon le niveau de collectivités territoriales.
Nous considérons toutefois que son maintien, voire son renforcement comme critère de répartition, est nécessaire. En effet, il apparaît bien souvent que, si les critères actuels de répartition des dotations étaient pondérés par la population, leur efficacité péréquatrice serait plus importante. Mais ce critère ne doit pas conduire à aggraver la situation des territoires à faible densité.