Intervention de Philippe Subra

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 20 février 2020 : 1ère réunion
Table ronde : « grand paris : une gouvernance à l'échelle territoriale ? »

Philippe Subra, géographe à l'Institut français de géopolitique et à l'université Paris VIII - Saint-Denis :

Les compétences de la métropole sont limitées, de plus elles sont exercées de manière croisée avec d'autres acteurs et avec l'État. Par ailleurs, la question des mobilités échappe à la métropole. Comment travailler sur le développement économique ou sur le logement sans avoir la main sur les questions de mobilité ?

Après un processus d'adoption assez complexe, chahuté et pittoresque, les établissements publics territoriaux ont conservé une autonomie forte, même s'ils n'ont pas été dotés du statut d'établissement à fiscalité propre. Le plus important, c'est le mode de gouvernance. Anne Hidalgo se félicitait récemment que 98 % des décisions prises par la métropole sont consensuelles. En réalité, ce consensus existe parce qu'à la métropole on ne parle pas des questions qui fâchent !

Je qualifie donc la métropole de « nain » sur la scène géopolitique locale ou d'objet géopolitique mou et sans pouvoir. Elle n'est pas à la bonne échelle et dispose de faibles moyens d'action, n'a pas de capacité stratégique et manque de légitimité. Elle manque aussi cruellement de notoriété. En dehors des acteurs politiques, qui connaît le nom du président de la métropole ? Ce qui est frappant, c'est que, alors que les grands enjeux sont métropolitains ou régionaux, dans le débat public on ne parle que de questions très locales. Je ne sous-estime pas l'importance de la commune comme structure de base de la vie démocratique, mais quand il existe un tel écart entre l'échelle des enjeux et celle des élections municipales, c'est qu'il y a un problème démocratique.

Certes, il faut de la complexité, car les réponses trop simples ne sont pas efficaces ou produisent des effets pervers importants. Toutefois la complexité de la gouvernance présente de gros inconvénients : elle introduit de la lourdeur, du retard et surtout un manque de lisibilité pour les citoyens.

Grand Paris des élus ou Grand Paris de l'État ? De manière évidente, tous les grands projets sont le fait de l'État : le Grand Paris Express, notamment. Pour le reste, c'est sympathique, mais ça n'est rien. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que les élus locaux contrôlent bien ce qui se passe, contrairement aux acteurs économiques.

Comment poser la question de la gouvernance ? Il faut réfléchir et se poser les bonnes questions. Un système de gouvernance sert à produire des politiques publiques efficaces, qui répondent aux problèmes et donc aux enjeux d'un territoire. Il ne faut donc pas partir de positions idéologiques ou d'opposition de pouvoirs, il faut partir des enjeux. Quels sont les enjeux que l'on juge prioritaires ? Pour chacun de ces enjeux, quelle est la réponse en termes de politique publique qui sera la plus efficace ?

Le système de gouvernance a un deuxième rôle : permettre un meilleur fonctionnement démocratique et correspondre à la dimension identitaire qui relie les citoyens au territoire. Par exemple, quand on supprime l'Alsace, on apporte une réponse fonctionnelle, mais on néglige totalement la dimension identitaire. Or l'identité est un facteur de développement. Évidemment, les réponses fonctionnelles et les réponses politiques ou identitaires ne concordent pas forcément. Dans certains cas, les réponses sont même tout à fait différentes. La commune joue un rôle identitaire très fort, mais elle est de moins en moins pertinente pour un certain nombre de réponses fonctionnelles. Il faut donc tenir les deux bouts de la corde et les rapprocher.

La réponse implique de l'audace et de l'innovation législative. Il s'agit de partir du territoire qui fonctionnellement correspond le mieux au problème - la région -, tout en prenant en compte la difficulté que poserait aux élus la fusion métropole-région, dans la mesure où l'assemblée régionale n'est pas représentative des territoires qui la composent. Il importe de s'appuyer sur les deux grandes innovations que sont les régions et la décentralisation. Il faut aussi permettre l'expérimentation pour imaginer une collectivité publique unique, fusionnant les compétences de la région et celles de la métropole, mais avec un mode d'élection dérogatoire des conseillers régionaux comme représentants des territoires ou des communes.

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