Intervention de Cécile Cukierman

Mission d'information Compétences des départements — Réunion du 25 février 2020 à 14h35
Réunion constitutive

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman, rapporteure :

Je vous remercie de votre confiance. Je sais pouvoir travailler avec l'ensemble des membres de la mission dans un état d'esprit partagé de défense des collectivités territoriales, même si nous ne serons pas toujours unanimes.

Lorsque le gouvernement de Manuel Valls a présenté le projet de loi NOTRe en juin 2014, il affichait explicitement l'intention de supprimer les départements à l'horizon de 2020, conformément aux préconisations formulées par les commissions Attali et Balladur. Le discours a progressivement évolué au cours de la navette parlementaire, mais le Gouvernement a continué à envisager la suppression des départements en milieu urbain, à une échéance rapprochée.

Nous sommes en 2020 et les départements ont survécu ! Leur existence ne semble plus, aujourd'hui, frontalement remise en cause. Il n'en demeure pas moins que le département est aujourd'hui un échelon territorial fragilisé. Ses compétences, vous le savez, ont été considérablement réduites par la loi NOTRe, au profit des régions et des intercommunalités, tout particulièrement des métropoles. Le département s'est recentré sur ses missions dans le domaine social, que personne ne veut assumer à sa place, mais où ses marges de manoeuvre sont limitées. Il a également été consacré en tant qu'échelon de la « solidarité territoriale », mais cette compétence reste mal définie et n'a pas acquis toute la consistance que l'on pourrait souhaiter. Il continue d'assumer quelques attributions plus ponctuelles mais très coûteuses, comme la gestion des collèges ou de la voirie départementale.

En outre, beaucoup de départements n'ont plus aujourd'hui les moyens nécessaires au bon exercice des compétences qu'ils ont conservées. Même si les situations diffèrent d'un département à l'autre, on observe partout un effet de ciseaux, avec des recettes qui se stabilisent et des dépenses contraintes qui augmentent. En outre, ceux qui supportent les dépenses les plus importantes au titre des allocations individuelles de solidarité sont aussi, généralement, ceux où les recettes tirées des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont le moins élevées. Enfin, la suppression de la taxe d'habitation et le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ont privé les départements du dernier levier fiscal sur lequel ils exerçaient un réel pouvoir de taux. À moyen ou long terme, la question de la soutenabilité de leur situation financière se pose et il ne faudrait pas que, à l'avenir, les choix politiques en matière d'organisation institutionnelle du pays soient dictés par les décisions financières d'aujourd'hui !

Cette situation, instable et préoccupante, a conduit le groupe CRCE à demander la constitution de cette mission d'information sur la place et les compétences des départements dans les régions fusionnées. En effet, dans les grandes régions issues de la refonte de la carte régionale en 2016, le besoin d'un échelon territorial intermédiaire entre la région et les intercommunalités, assumant des fonctions de solidarité sociale et territoriale, se fait tout particulièrement sentir. Certes, le même constat s'impose sans doute sur d'autres territoires, et les problématiques que nous devrons aborder sont, pour beaucoup d'entre elles, transversales.

Plusieurs pistes de réflexion s'ouvrent à nous.

Se posent, d'abord, des questions institutionnelles. Même s'il n'est pas question, dans le cadre de cette mission, d'approfondir les problèmes spécifiques aux régions parisienne, marseillaise ou lyonnaise, nous ne pourrons pas faire entièrement l'économie d'une réflexion sur l'articulation entre les départements et les métropoles, qui ont absorbé une partie de leurs compétences et de leurs ressources. Nous devrons également nous interroger sur les modalités de coopération entre les conseils régionaux et départementaux, voire sur un rapprochement institutionnel entre ces deux échelons - l'idée du conseiller territorial a ressurgi ces derniers mois... Enfin, nous devrons nous intéresser aux rapprochements en cours entre certains départements, notamment en Alsace : après les communes nouvelles, verra-t-on se multiplier les départements nouveaux ? À quels besoins ces fusions répondent-elles ? Faut-il les encourager, et comment ?

S'agissant des compétences des départements, il faudra faire le bilan des transformations opérées par la loi NOTRe et nous interroger sur les attributions que nous pourrions vouloir confier, demain, à cet échelon territorial. La compétence de solidarité territoriale du département répond à une nécessité évidente sur une grande partie du territoire, mais ses contours restent flous. Je pense aussi au soutien à l'économie de proximité, à l'articulation entre les compétences des départements en matière d'insertion sociale et professionnelle et celles des régions en matière d'emploi, ou encore au rôle que les départements pourraient être amenés à jouer en matière d'environnement.

Enfin, nous devrons nous interroger sur les réponses structurelles à apporter aux difficultés financières que connaissent les départements : nous ne pouvons nous satisfaire de voir se succéder les fonds d'urgence et les mécanismes de péréquation ad hoc !

Cette mission d'information ne concernera pas que les départements : elle devra s'intéresser aussi aux régions. Vous êtes nombreux à être, ou avoir été, des élus départementaux et nous ne sommes que trois conseillers régionaux en exercice. Mon objectif n'est pas de favoriser l'un ou l'autre niveau de collectivité, mais de réfléchir à leur place respective et à leur bonne articulation. Je suis conseillère régionale depuis 2004 et notre président a été à la tête d'un département : nous aurons donc une belle complémentarité.

Nous entamerons nos travaux à l'issue des élections municipales par l'audition de l'Assemblée des départements de France (ADF), qui pourra être réentendue en fin de mission, avant la remise de notre rapport, pour un échange de vues sur nos projets de recommandations.

Par la suite, la mission d'information pourrait entendre d'autres associations d'élus - Régions de France, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), France Urbaine -, les administrations centrales concernées - notamment la Direction générale des collectivités locales (DGCL) -, des universitaires spécialistes de ces questions, voire des représentants du monde économique ou du secteur social.

Nous nous rendrons également sur le terrain, à la rencontre des élus et des autres acteurs locaux, au cours de trois ou quatre déplacements dans des régions telles que la Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, la région Grand Est ou l'Occitanie.

Enfin, je projette d'envoyer à l'ensemble des conseils départementaux et régionaux un questionnaire sur leur situation actuelle.

Les grandes orientations que je viens de tracer restent à affiner, et nous avons dès aujourd'hui l'occasion d'en discuter. Je suis heureuse de pouvoir compter sur votre engagement et votre expérience, car je sais que plusieurs d'entre vous ont exercé par le passé des responsabilités éminentes au sein de nos départements !

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