Dans les faits, il n’y a plus de ressources pour les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et il n’y en a quasiment plus pour le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, tout simplement parce qu’il n’y a plus de taxe professionnelle.
Pour ne citer qu’un exemple, dans le département de l’Isère de mon amie Annie David, un certain nombre d’établissements exceptionnels – barrages hydrauliques ou installations de production d’électricité – étaient jusqu’à présent concernés par l’alimentation du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, ce qui représentait une aide pour 550 communes. Désormais, les ressources de ces communes sont écrêtées pour solder les comptes de la suppression de la taxe professionnelle. Que deviendront ces communes sans un tel apport ? Où retrouveront-elles des capacités pour faire face à leurs obligations ?
À la place d’une gestion de proximité, animée par le conseil général sur les treize territoires de l’Isère, est créé un outil de simple ajustement fiscal confié aux services du ministère des finances et à la direction générale des collectivités locales, la DGCL.
J’ai entendu tout à l’heure qu’il était proposé de faire de la péréquation par l’intermédiaire de l’intercommunalité. Permettez-moi d’émettre un certain nombre de doutes. L’expérience m’amène, en effet, aujourd'hui à être plus que réservée au sujet d’un tel projet. L’intercommunalité à TPU a permis d’intervenir sur des actions nouvelles dans les territoires concernés, mais elle a laissé aux communes le soin de poursuivre la gestion de leurs services avec des moyens de moins en moins dynamiques.
Pour ce qui concerne les dotations budgétaires, les données sont connues de longue date. Le pouvoir d’achat de la dotation globale de fonctionnement, principale dotation de l’État aux collectivités locales, n’a cessé de se réduire depuis 1990, année où elle fut déterminée pour la première fois, d’une autre manière que par la voie d’un prélèvement sur les recettes de TVA de l’État.
La réforme de 1993 n’a rien changé au problème. La tendance lourde s’est maintenue et la dotation d’aménagement, comme ses composantes – dotation d’intercommunalité, DSU et DSR –, ne joue depuis lors qu’un rôle mineur, celui de rendre un peu moins amère la pilule de la déperdition de la DGF dans son ensemble. D’après nos collègues de l’Observatoire des finances locales, 14 700 communes ont connu une réduction de leur DGF en 2010.
N’oublions pas que l’insertion de la DGF dans l’enveloppe fermée et contrainte des concours budgétaires lui a aussi fait jouer un rôle peu reluisant, celui d’évincer progressivement d’autres dotations en termes de montants versés aux collectivités.
La misère de la DGF depuis quinze ans n’est rien comparativement à la chute libre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle !
Nous n’avons donc plus d’outils de péréquation opératoires, et cette péréquation de la misère risque fort de nous conduire très vite à la misère de la péréquation !
Sans taxe professionnelle et avec une DGF contrainte, que veut-on mettre en péréquation ? Souhaitez-vous faire du produit des amendes de police de la circulation le vecteur d’une péréquation nouvelle ? Soyons sérieux : que peut-on faire avec 1 milliard d’euros ?
Pour tout dire, il est plus que temps de nous poser deux vraies questions.
D’abord, on doit se demander s’il était opportun de supprimer la taxe professionnelle cette année ? Quel impact une telle décision a-t-elle pu avoir sur la situation réelle des contribuables ?
En vérité, le niveau des créations d’emplois en 2010 ne permet pas de justifier la mesure qui a été prise. Selon l’INSEE, seule la progression des emplois intérimaires permet cette année à la France d’enregistrer une hausse de l’emploi salarié total. Cela signifie que l’État a, pour l’heure, sacrifié 12, 5 milliards d’euros pour voir se prolonger la disparition d’emplois industriels et exploser l’emploi précaire. On pourrait imaginer un meilleur résultat… C’est ce que l’on appelle jeter l’argent par les fenêtres ! Cela étant, cet argent ne sera pas perdu pour tout le monde : il est permis de penser que quelques dividendes seront, à terme, nourris par l’effort accompli par l’État.
Par ailleurs, la péréquation ne peut répondre à des objectifs précis, notamment la prise en compte des situations souvent complexes de certaines collectivités locales, si l’on ne se dote pas rapidement d’un nouvel outil de péréquation.