Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 mars 2020 à 16h35
Arrêt et démantèlement des installations nucléaires civiles — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur spécial :

Je commencerai par remercier la Cour des comptes pour sa présentation et, plus généralement, pour son enquête qui apporte un éclairage intéressant et des analyses précises sur la question de l'arrêt et du démantèlement des installations nucléaires, dont l'impact sur les finances publiques va aller croissant dans les décennies à venir.

Ce rapport intervient au bon moment, puisque la fermeture du premier réacteur de la centrale de Fessenheim a eu lieu le 22 février dernier, le deuxième réacteur devant fermer ses portes au mois de juin. Il s'agit là de la première fermeture d'une installation nucléaire de deuxième génération. Cette fermeture, dois-je le rappeler, résulte non pas de considérations techniques, mais d'une décision politique prise lors du quinquennat précédent et confirmée par le Gouvernement actuel.

Comme l'a rappelé la présidente de la Cour des comptes, cette fermeture imposée par l'État à EDF a donné lieu à la signature d'un protocole d'indemnisation le 27 septembre 2019.

Mais la Cour estime dans son rapport - je la cite - que ce protocole est « trop imprécis pour éviter un risque de divergences d'appréciation », qu'il présente « des risques financiers pour l'État » et que « les paramètres d'indemnisation sont globalement défavorables à l'État ». Sur ce sujet, je poserai trois questions aux représentants de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et d'EDF.

D'abord, pouvez-vous revenir sur la négociation de ce protocole d'indemnisation ?

Ensuite, que répondez-vous aux critiques de la Cour des comptes sur ce protocole ?

Enfin, vous paraît-il nécessaire d'en préciser par avenant les modalités d'application ?

Je m'inquiète également pour l'indemnisation financière des territoires concernés par la fermeture de Fessenheim, en particulier sur la question de l'accompagnement des collectivités territoriales qui vont subir des pertes fiscales.

Pouvez-vous nous rappeler comment ces collectivités territoriales vont être soutenues financièrement par l'État ?

Comment résoudre la question des versements au FNGIR évoquée par la Cour des comptes ?

Alors que d'autres centrales vont être fermées à l'avenir, le rapport de la Cour des comptes montre bien qu'il est essentiel d'anticiper très précisément et le plus en amont possible les réacteurs concernés pour limiter l'impact de ces fermetures.

Leurs conséquences économiques, sociales, fiscales, sont en effet très lourdes pour les territoires et représentent également un coût important pour les finances publiques, puisque l'État devra à chaque fois indemniser EDF, dès lors que ces fermetures résulteront de décisions politiques et non techniques, et les collectivités territoriales concernées.

Or, le Gouvernement est à ce stade bien en peine de définir une stratégie claire et robuste pour l'avenir du nucléaire qui permette de réduire sa part dans le mix énergétique sans pour autant mettre en danger l'approvisionnement en électricité de notre pays.

Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) propose d'arrêter 14 réacteurs nucléaires d'ici à 2035 pour porter à 50 % la part du nucléaire dans notre mix électrique à cette date.

Je note en premier lieu qu'atteindre un tel objectif impliquerait que le développement des énergies renouvelables électriques soit suffisamment dynamique à cette échéance, ce qui est loin d'être acquis.

Mais je constate surtout que le projet de PPE ne va pas au-delà de 2029, alors que l'essentiel des fermetures de centrales est envisagé entre 2029 et 2035, ce qui prive, de facto, les acteurs concernés de visibilité.

Il existe également des discordances entre la PPE, qui envisage la fermeture de certaines centrales, dès 2025 ou 2027, ce qui nécessiterait une indemnisation par l'État, et la stratégie industrielle présentée par EDF à son conseil d'administration du 29 mars 2018, qui prévoit la fermeture de deux réacteurs par an en moyenne à partir de 2029. Il y a là de nombreuses incertitudes qu'il conviendrait de lever.

Je souscris donc à la proposition de la Cour des comptes, selon laquelle la durée de la programmation pluriannuelle de l'énergie devrait être portée à 15 ans, et beaucoup mieux s'articuler avec les autres outils de planification énergétique existants, comme la stratégie nationale bas carbone.

Je me permets d'ajouter, comme je l'ai déjà fait à de nombreuses reprises par le passé - en vain jusqu'à présent -, que le Parlement devrait être associé de beaucoup plus près à l'élaboration de la PPE, voire même que celle-ci devrait faire l'objet d'une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie. Je renouvelle ce souhait que je transforme en voeux, si cela peut en faciliter sa réalisation.

En ce qui concerne les coûts et les délais de démantèlement des installations nucléaires, la Cour des comptes estime que les stratégies de démantèlement retenues par le CEA, Orano et EDF, tendent à générer de fortes hausses des coûts de ces opérations. Dans le cas d'EDF, il s'agit notamment du choix de passer d'une technique de démantèlement dite « sous eau » à une technique dite « sous air » qui fait augmenter significativement la facture finale. La Cour évoque également la lourdeur des procédures administratives, qui tendent à rallonger à l'excès les opérations de démantèlement, ce qui, là encore, a un fort impact en termes de coûts.

Alors que la Cour propose de simplifier la préparation et le contenu des décrets de démantèlement ou encore de mieux prendre en compte l'obligation de démantèlement dans « des délais aussi courts que possible », je souhaiterais savoir de façon très concrète et opérationnelle comment la DGEC et EDF comptent procéder pour réduire les coûts et les délais de démantèlement des installations nucléaires.

J'en viens à la dernière partie du rapport de la Cour des comptes, qui concerne les charges futures de démantèlement.

La Cour considère que les évaluations de ces charges présentées par les exploitants, dont EDF, prennent insuffisamment en compte les incertitudes et les aléas susceptibles de survenir.

La DGEC partage-t-elle ce point de vue et compte-t-elle faire évoluer ses exigences vis-à-vis des exploitants ?

La Cour des comptes estime également que certaines dépenses inéluctables provoquées par l'arrêt définitif des installations nucléaires devraient être inclues dans ces évaluations et faire l'objet d'un provisionnement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il s'agit notamment du coût des opérations de préparation au démantèlement, des dépenses de post-exploitation, des impôts et des taxes.

Alors que le périmètre des charges à prendre en compte est défini par un arrêté du 21 mars 2007, la DGEC compte-t-elle faire évoluer ce texte dans le sens des préconisations de la Cour des comptes ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion