Concernant les questions relatives au protocole d'indemnisation de Fessenheim, le processus de négociation a été qualifié de chaotique par la Cour des comptes. Je rappellerai ce qu'il en a été au sein d'EDF.
Le conseil d'administration d'EDF a examiné le projet de protocole d'indemnisation à chaque étape du processus, notamment le 6 avril 2017, après la modification d'un premier projet, pour tenir compte des observations de la Commission européenne - qui a d'ailleurs conclu qu'il ne s'agissait pas d'une aide d'État. Le conseil d'administration a bien évidemment approuvé le projet final, le 20 septembre 2019, en tenant compte des nouvelles modifications provenant de la consultation, lancée par la ministre de la transition écologique et solidaire, du comité ministériel des transactions, prévue par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.
En application des dispositions légales et des principes de bonne gouvernance, lorsque le conseil d'administration a eu à se prononcer sur ce protocole, le représentant de l'État, nommé par décret, n'a pas pris part au vote, et les autres administrateurs, nommés en assemblée générale sur proposition de l'État, se sont abstenus.
Par ailleurs, pour éclairer ses décisions, le conseil d'administration a pris soin de constituer un groupe de travail d'administrateurs indépendants, en charge de suivre les discussions entre EDF et l'État et d'examiner les termes et les conditions du protocole d'indemnisation, avant sa délibération en conseil.
Globalement, il me semble que du point de vue de la gouvernance du groupe EDF, et de la préservation de ses intérêts, les choses ont été effectuées dans les règles.
S'agissant de l'appréciation du résultat, nous considérons que l'équilibre raisonnable qui devait être trouvé entre les différentes parties a été obtenu. Le résultat de la négociation conduit à un protocole équilibré, fondé, non pas sur des indemnisations forfaitaires a priori, qui auraient pu léser l'une ou l'autre des parties, mais sur le préjudice réel subi - un élément extrêmement fort de ce protocole.
La première phase d'indemnisation est fondée sur l'anticipation des coûts générés par la décision de l'État, qui correspondent à une indemnité de 370 millions d'euros. Seuls les mécanismes de la seconde phase sont fixés ; ils font notamment référence aux prix futurs de l'électricité. Plutôt que de les extrapoler, a priori, nous avons mis en place un groupe de travail qui a pour vocation de suivre et de décliner le protocole pour cette seconde partie de l'indemnisation potentielle.
La Cour propose de préciser ces mécanismes de suivi et de mise en oeuvre par voie d'avenant. Toute précision est bonne à prendre à partir du moment où elle contribue à ce que l'exécution du protocole se fasse dans les meilleures conditions.
L'extension de la PPE à quinze ans fait sens. Il s'agit d'une industrie de temps long, et les industriels, l'État et les territoires ont besoin de visibilité. Il serait donc tout à fait souhaitable que l'ensemble des stratégies - PPE, stratégie bas carbone et Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) - soient instruites de manière cohérente et simultanée.
Par ailleurs, la Cour a présenté une augmentation du coût du démantèlement - de manière un peu brutale - de 4,5 milliards d'euros sur la période 2013-2018, concernant EDF, ainsi qu'un allongement des délais extrêmement significatifs. Ces évolutions sont justifiées par le changement de stratégie industrielle qui sera utilisée pour le démantèlement des réacteurs au graphite, qui constituent l'essentiel des réacteurs dits de première génération - nous avons six réacteurs au graphite à démanteler sur les neuf réacteurs en cours de démantèlement à EDF.
En effet, à l'issue des études que nous avons réalisées en 2015, il s'est avéré que la stratégie initiale, fondée sur une reprise de notre savoir-faire pour les réacteurs à eau pressurisée - qui constitue la technique du parc actuel - n'était pas faisable. Cette étude a été « challengée » par un groupe d'experts indépendants et un rapport Informatique Réseaux Systèmes Multimédias (IRSM) aboutit aux mêmes conclusions. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) approuvant ce changement de stratégie, nous pouvons dire qu'il existe un consensus de l'ensemble des parties prenantes.
Certes, la nouvelle stratégie conduit à développer des technologies spécifiques, qui engendreront des coûts financiers supplémentaires. Mais nous devons garder en tête que nous disposons de six réacteurs au graphite en France, contre 40 en Grande-Bretagne. Et que nous sommes les premiers à nous attaquer à ce genre de démantèlement dans le monde. Alors, même si l'investissement sera un peu plus important, il sera très bénéfique pour la France, qui pourra ainsi valoriser sa nouvelle stratégie sur un marché du démantèlement qui, à l'échelle européenne, est en forte croissance.
Concernant les marges pour risques et incertitudes, cette question est matière à jugement et il est important de bénéficier d'avis d'experts indépendants et contradictoires. Je me référerai, pour ce qui concerne le parc en cours de fonctionnement, à l'audit indépendant commandité en 2014 et qui a rendu ses conclusions en 2016. Dans celles-ci, il était indiqué que nos provisions étaient, globalement, d'un bon niveau et que les marges pour risques et incertitudes que nous introduisons étaient tout à fait raisonnables. Il nous était simplement demandé de les expliciter davantage, ce que nous avons fait dès 2016, lors d'une évolution de nos traductions comptables.
Pour ce qui concerne le périmètre de provisionnement, je rappellerai que le système de sécurisation financière dans lequel nous nous inscrivons nous oblige, d'une part, à évaluer avec prudence, et avec toutes les marges possibles et raisonnables, nos charges futures de démantèlement, et, d'autre part, à établir des provisions en utilisant un taux d'actualisation lui aussi prudent. En 2019, le taux d'actualisation était de 3,7 %, sachant que la rentabilité de nos actifs dédiés est, depuis 2004, de quelque 6 %. Enfin, au 31 décembre 2019, le taux de couverture des provisions était de 105,5 %. Nous sommes donc aujourd'hui surcouverts par rapport à nos obligations.
Concernant le périmètre de provisionnement, nous appliquons les règles et l'arrêté de 2007, ainsi que les règles comptables qui nous imposent de provisionner les charges nécessaires pour éteindre nos obligations relatives au démantèlement.
Ce périmètre peut-il être étendu à des charges de période - charges qui ne se provisionnent pas ? Le raisonnement économique sous-jacent fondé sur des flux de recettes et de dépenses pourrait être pertinent si notre société détenait un seul réacteur nucléaire et allait fermer. Cependant, à l'échelle d'EDF, ce raisonnement n'est pas justifié.
Si jamais une telle évolution était envisagée, il conviendrait d'effectuer une étude d'impact sur d'autres entreprises - y compris dans d'autres secteurs industriels -, car beaucoup d'entre elles pourraient se retrouver dans une situation comparable à EDF, du point de vue strictement économique et financier.